CHAPITRE 2:
L'ALCHIMIE DES CIRCONSTANCES DE TEMPS, DE LIEU ET DE
PERSONNE
Il demeure que tout discours reste tributaire du contexte
qui lui préside, le reçoit et lui donne
corps. En ce sens, le discours de l'AFP et du PS
devait évoluer et épouser les attentes des populations,
auxquelles il était destiné car, après tout, «
vox populi, vox dei »( parole du peuple, parole de dieu). Aussi, de
ce point de vue, seraitil intéressant pour nous, de situer ce langage
politique dans le contexte particulier qui aura été le
sien et de donner raison à François MITTERRAND pour
qui« en politique, l'événement est roi ».
35 111 propositions pour le Sénégal,
réalisé par l'ANCP en marge du congrès ordinaire de l'AFP,
1er et 2 mars
2003, CICES Dakar
Cette formule de « l'alchimie des circonstances...
» que nous empruntons à Antoine TINE 36 nous
renseigne que la légitimité accordée à une
organisation politique est circonstancielle, contingente et mobile, car
elle est tributaire des choix, des préférences du moment
et des conjectures historiques.
En effet, elle suit, selon une conception de Machiavel,
les vents de la " fortuna " et de la
" virtù ». Voilà pourquoi les
allégeances politiques sont réversibles et pour nous en
convaincre, notons que les mutations dans le champ politique
sénégalais le montrent à suffisance : ce qui
est désigné sous le nom de "transhumance
politique" n'estil pas l'indice que le politique est
polymorphe et que l'allégeance accordée
à un groupe politique obéit à une "morale du
provisoire"; elle est propice aux variations de l'histoire, au jeu complexe des
opportunités et se transforme sous "l'aiguillon de la
nécessité " du moment favorable. C'est que
l'allégeance politique est une ruse, une tactique de positionnement.
Aussi, convientil d'être souple dans l'analyse de la
formation des identités politiques.
Mais s'il existe bien une note d'unanimité dans
ce scrutin présidentiel sénégalais, elle peut
certainement se faire autour de la prégnance du changement
(Section 1). Tant les partis d'opposition que le régime socialiste
vont s'y identifier même s'il demeure indéniable que la conception
que l'on s'en fait dans les deux camps, est loin d'être identique. Parler
de l'alchimie des circonstances, ne saurait aussi se départir du
contexte singulier que constitue l'année 2000 sur la scène
politique sénégalaise (Section 2). Pour bien appréhender
ce changement envisagé tant au PS qu'à l'AFP, nous nous
intéresserons davantage à leur campagne lors du second tour.
SECTION 1 : Le changement, une aspiration partagée
aux élections de l'an 2000.
Si l'on parcourt ou retrace l'histoire politique du
Sénégal, du moins depuis l'avènement du PDS
en 1974 et l'instauration du multipartisme, le changement ou
« sopi » en wolof, reste incarné par ce parti et son
leader Abdoulaye WADE. En effet, « c'est d'abord et surtout le PDS
qui a donné cette leçon de citoyenneté
»37. On y croyait à peine parmi les citoyens, mais
le parti de
36 TINE A., Allégeances partisanes et multipartisme :
éléments d'une problématique de la pluralisation des
identités politiques et de la légitimation
démocratique.
www.polis.sciencespobordeaux.fr/vol7ns/tine.rtf ou
www.polis.sciencespobordeaux.fr/vol7ns/arti5.html
Abdoulaye WADE s'est obstiné derrière le
'Pape du sopi', malgré de nombreuses défaites,
à proclamer la possibilité d'un changement de
régime. Sopi ! Le mot est bien choisi, tout le monde
peut s'en servir et le définir à sa façon.
Selon Michel CROZIER « le changement n'est ni
une étape logique d'un développement humain
inéluctable, ni l'imposition d'un modèle d'organisation sociale
meilleur parce que plus rationnel, ni même le résultat naturel des
luttes entre les hommes et leurs rapports de force. Il
est d'abord la transformation d'un système d'action
»38 .
Le scrutin de l'an 2000 aura montré que les formations
politiques en lice ne vont pas se priver
de parler de ce changement, à la
sénégalaise. Mais la grande surprise viendra du fait que
même
le PS, qui sollicite un nouveau mandat, va épouser les
contours de ce Sopi, envisagé comme un
« changement dans la continuité » (A).
L'AFP, qui rejoint dorénavant le camp de l'opposition va naturellement
prôner ce changement, qu'il envisage « sans DIOUF »
(B).
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