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Communication via les médias à  base de réseaux

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par Marie-Josèphe Couturas
Université Paris 1 Sorbonne - DEA Sciences Politiques 2000
  

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7 Le projet en avenir aléatoire, socialiser l'information :

Si l'hypothèse précédente est correcte, l'avenir devient imprévisible, aléatoire. C'est d'ailleurs ce qu'avait défini le Rapport Nora Minc sur la société de l'information. Dans l'approche libérale, la vision du futur débouche sur une société post-industrielle apaisée. Elle suppose que l'abondance et l'égalisation croissante des niveaux de vie permettraient de construire la nation autour d'une immense classe moyenne culturellement homogène, et de dépasser les tensions. La société de l'information échappe à ces analyses, à ces prévisions.. Débordant le monde de la production, elle façonne les besoins nouveaux en fonction de son projet, de ses modes de régulation, de son modèle culturel. Elle prend appui sur de nouveaux médias notamment à base de réseau qui prennent pour vecteur de leurs développements les technologies nouvelles et si possible au fur et à mesure de leurs apparitions respectives. Elle est le lieu d'une infinité de conflits décentrés, non-articulés, ne relevant pas d'une analyse unificatrice. Certes la méthode systémique, plus biologique, rend mieux compte d'une société multipolaire, mais celle-ci ne peut avoir de stratégie a priori. Ses valeurs- mêmes seront l'objet de rivalités multiples ) l'issue incertaine : ce sera une société aléatoire. Cette notion de société aléatoire peut paraître paradoxale si on commet l'erreur de se représenter les nouveaux médias à l'image des médias traditionnels, mais un certain sens de l'information est passé déjà par la culture de la société individualiste de masse en tant que valeur qu'il est d'usage de s'approprier et de faire vivre pour son propre compte. Plus va l'histoire, plus les gens la font, et moins ils savent quelle histoire ils façonnent. Dès lors le futur ne relève plus de la prospective mais de la qualité du projet collectif et de la nature de régulations sur lesquelles il s'appuie.

Jusqu'il y a peu de temps: une régulation sans projet, un projet sans régulation. Dans l'univers libéral, la concurrence et son expression, le système de prix, remplissent à la fois la fonction d'information, et celle d'arbitrage : ils assurent, tant bien que mal, l'ajustement des projets individuels solvables. La société entière passe sous la toise de leur valeur marchande : le marché devient le seul facteur "totalisant" de la société, et le carcan totalitaire des valeurs.Or dans la société à haute productivité, une information riche et répartie doit pouvoir rendre compatible la spontanéité des groupes sociaux et le poids inévitable des contraintes. Dans un monde idéal de "sages" totalement informés, l'ordinateur ou son substitut coïnciderait avec la spontanéité : une société à marché parfait où la culture et les informations rendraient chacun conscient des contraintes collectives et une société intégralement planifiée où le centre recevrait de chaque cellule de base des messages corrects sur son échelle de préférence, auraient la même structure et la même orientation.

Un fonctionnement souple de la société exige que les groupes sociaux puissent exprimer leurs aspirations et leurs répugnances mais que dans le même temps l'information sur les contraintes soit reçue et acceptée. Il n'y a pas de spontanéité sans régulation, pas de régulation sans hiérarchisation. L'autogestion si elle se veut autosuffisance restera une contre-société marginale. Pour contribuer à transformer la société globale, elle doit accepter une stratégie de l'insertion. Socialiser l'information c'est donc mettre en place les mécanismes par lesquels se gèrent et s'harmonisent les contraintes et les libertés, le projet régalien et les aspirations des groupes autonomes. C'est favoriser la mise en forme des données à partir desquelles la stratégie du centre et les désirs de la périphérie peuvent trouver un accord : celui par lequel la société et l'Etat non seulement se supportent, mais se fabriquent réciproquement, germe le fruit d'une plus grande ouverture et d'une meilleure coopération.

Comment ? Germe ici l'idée d'un système centré avec en association le problème de la centralisation / non-décentralisation. L'imagination ne va-t-elle pas au-delà de ce type de structure ? De plus en plus apparaîtront comme des pseudo- informations celles qui n'enseignent que des recettes techniques, qui alignent des faits sans les mettre en perspectives, les structurer dans un projet cohérent, et celles qui, au contraire, proclament des idéaux sans les insérer dans le développement de la société. Rendre l'information utile, c'est donc trouver un minimum d'accord sur la structuration qui la transforme en pensée cohérente et acceptée. Encore faut-il que le projet qui en résulte s'insère dans un système de communications et de concertations. Aujourd'hui l'information va essentiellement du sommet vers la base. Seul le marché constitue le réseau pauvre de la communication horizontale. La société de l'information appelle la remontée vers le centre des désirs des groupes autonomes, la multiplication à l'infini des communications latérales. La palabre orale avec ses rituels équilibrait le village. La palabre informatisée, et ses codes, doit recréer une "agora informationnelle" élargie aux dimensions de la nation moderne. Ainsi se dégageront progressivement des accords, des compromis. Ils exprimeront un consensus engageant des collectivités de plus en plus larges, des perspectives de plus en plus lointaines.

L'équilibre de la société informatisée est difficile. Schématiquement la vie nationale s'organisera sur trois étages correspondant à une fonction, à trois systèmes de régulation et donc d'information. C'est à l'étage proprement régalien que se déterminera le projet collectif : les pouvoirs publics hiérarchiseront les contraintes subies par la société. Ils pourront se servir du marché mais ils ne devront pas reculer devant l'ordre et la régie directe. Ici la régulation relève essentiellement de mécanismes politiques. Au fur et à mesure que seront mieux formalisées les contraintes d'intérêt collectif et les aspirations culturelles, elles auront tendance à peser sur le marché. Celui-ci pourra cesser d'être une métaphysique pour devenir un outil. Il traduira des valeurs d'échanges de plus en plus dominées par des motivations qui les débordent. Ce sera un quasi-marché qui récupèrera un horizon de temps et des désirs qui jusqu'alors lui échappaient.

Cette dynamique où chaque système de régulation s'enrichit des informations émanant des deux autres est une voie royale : celle que pourrait parcourir une nation ayant généralisé la communication et de ce fait élargi la participation? La société à laquelle elle conduit est fragile : construite pour favoriser l'élaboration d'un consensus, elle suppose l'existence et se bloque si elle ne parvient pas à l'obtenir. Des contraintes excessives ou mal adaptées ne permettraient pas de retrouver l'équilibre, que par un accroissement du commandement. Pour que la société d'information reste possible, il faut savoir, mais aussi pouvoir compter avec le temps. La pédagogie réciproque des disciplines et des aspirations s'exerce lentement : elle s'opère au fil des générations, pour la transformation des matrices culturelles : familles, universités, médias ...

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"Aux âmes bien nées, la valeur n'attend point le nombre des années"   Corneille