5 La Société en
Réseaux :
Dans le réseau des réseaux, beaucoup voient
l'accomplissement du fameux "village global" de Marshall MacLuhan ou de la
communication- monde décrite par Armand Mattelart. Paul Mathias montre
que la métaphore, bien que galvaudée, n'est pas si
infondée que cela.
Variant selon les milieux et les époques, la politesse
dite encore le savoir-vivre, les usages ou la bienséance, et qui tend
à systématiser sous forme d'injonctions et de préceptes,
les valeurs essentielles de la culture en matière d'éthique,
d'esthétique ou d'hygiène, s'avère un fondement
indispensable des relations humaines. Ses règles apparaissent en quelque
sorte comme une grammaire. La politesse, code stratégique, est
également un système protecteur. Les codes de conduite permettent
d'aborder plus facilement les évènements qui ont de lourds enjeux
symboliques tel la vie, la mort, le sexe ou le pouvoir etc.. en
s'éloignant du quotidien. Ils sont un des moyens symboliques de
canaliser les émotions et de réguler les comportements.
Les internautes qui fréquentent les forums de discussions
et les communautés virtuelles se comportent pour la plupart selon un
code de conduite, le "netiquette" dite encore "net- étiquette"** qui,
par certains aspects évoque les règles qui régissent les
relations dans les sociétés villageoises. Toute la question est
de savoir si d'un tel village peut émerger une véritable
cité où l'internaute se comporterait en netizen (de net, le
réseau, et citizen, le citoyen). A cet égard, deux visions
s'affrontent : celle des libertaires qui défendent l'idée de
démocratie directe et, avec elle, le respect de la liberté
d'expression; celle, plus réglementariste et interventionniste, qui,
face aux atteintes présumées de la vie privée et
l'existence de serveurs pornographiques ou révisionnistes, prône
le recours à la censure. Qu'en est-il réellement de la
société en réseaux ?
4 thèmes principaux utiles à la description et
à la compréhension de la société en réseaux
peuvent être dégagés :
1) la nouvelle révolution technique / naissance de la
société de l'information;
2) la mondialisation de l'économie;
3) leurs effets conjoints sur les conditions de travail et sur la
vie sociale;
4) les transformations d'une culture dominée par les
médias et où sont modifiées profondément nos
représentations du temps et de l'espace.
La naissance de la société en réseaux ne va
pas sans discours utopiques sur les bouleversements sociaux dont la mise en
oeuvre de nouveaux médias, à base de réseaux, est
porteuse. Participant à la mobilisation des acteurs, les mythes
contribuent également à l'élaboration des concepts,
à la construction et à la diffusion des techniques
elles-mêmes.
"Les utopies, écrivait Lamartine, ne sont souvent que
des vérités prématurées".
Les utopies communicationnelles font partie des processus de
développement des nouveaux médias.
Techniques et sociales, elles accompagnent le projet technique
pendant sa conception et sa diffusion.
Les discours utopiques qui accompagnent alors le projet sont des
ressources disponibles aux acteurs et peuvent même les guider, tout comme
les phénomènes physiques connus ou les pratiques sociales
existantes.
La communication* est un véritable système
d'idées et de valeurs qui prend son origine première aux
Etats-Unis dès 1942 et au-delà avec Norbert Wiener et les
inventeurs de la cybernétique. Le nouveau paradigme qui s'élabore
décrit alors l'homme comme fondamentalement définissable par la
somme des relations qu'il entretient, des informations qu'il échange.
Théorie scientifique mais surtout utopie au sens fort du terme. La
"société de communication" et l'Homo communicans que
décrit Wiener bien avant McLuhan constituent une réaction contre
les idées de nature sur lesquelles ont fleuri aux XIX
ème et
XX ème siècles toutes les
idéologies de l'exclusion.
La nouvelle utopie prend appui sur l'imaginaire de l'ordinateur,
l'idéologie de la technique et l'imaginaire des réseaux tel qu'il
est décrit par Pierre Musso, qui analyse sa mise en place depuis la
matrice des utopies modernes imaginée par Saint-Simon. Elle a aussi des
effets pervers, par exemple la programmation neurolinguistique qui n'a
guère de fondement scientifique.
"L'imagination sociale passe par des périodes chaudes
qui se caractérisent par un échange particulièrement
intense entre le réel et les phantasmes, par une pression plus grande de
l'imaginaire sur la manière de vivre le quotidien, par des explosions de
passions et de désirs", Bronislaw Baczko.
5.1 Nouvelle
révolution technique et naissance de la société de
l'information :
Cette société en réseau a été
construite à partir de deux ressources principales, la connaissance et
l'adaptabilité des entreprises qui a permis aux innovations
d'imprégner rapidement le tissu de l'économie.
La technologie joue un rôle central. Les inventeurs y sont
au travail, avec leur esprit pionnier, leur passion créatrice, les
appuis qu'ils ont reçus des grandes universités, de l'Etat et du
capital-risque.
La société de l'information est la première
où la technologie n'est plus étroitement associée à
des valeurs culturelles et à des conceptions idéologiques du
pouvoir et de la société; en elle triomphe la raison
instrumentale. A la productivité est associée l'appareil
technique de production, à la profitabilité les entreprises,
à la compétitivité l'Etat.
La société de l'information qui se forme autour des
technologies de production et de la communication ne se réduit pas aux
effets induits par celle-ci. Tout d'abord, le travail et l'entreprise sont
transformés par l'emploi massif des technologies de l'information,
ensuite notre culture et en premier lieu notre expérience du temps et de
l'espace, en particulier la nature de nos villes, sont également
bouleversées par cette nouvelle évolution technologique.
Nos sociétés se structurent de plus en plus autour
d'une opposition bipolaire entre le réseau et le soi.
Simultanément, les activités criminelles et les
organisations mafieuses deviennent partout planétaires et
informationnelles elles aussi. Un univers de flux planétaires de
richesses, de pouvoir et d'images, la quête d'une identité,
collective ou individuelle, attribuée ou construite, devient la source
première de signification sociale.
Il faut croire activement au rationnel et à la
possibilité de s'en remettre à la raison, sans pour autant la
diviniser.
Pour comprendre la relation entre technique et
société, il faut retenir que l'Etat (qu'il bloque,
déclenche ou conduise l'innovation technique) joue un rôle
décisif dans le mécanisme général, en ce qu'il
exprime et organise les forces sociales et culturelles qui prévalent
à un moment et en un lieu donnés.
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