2.2 Les fondements de la société de
l'information :
L'"Homme numérique" de Nicholas Negroponte, le directeur
du Medialab du prestigieux MIT Massachusetts Institute of Technology, et "The
Road Ahead" les mémoires de Bill Gates, autobiographie de l'homme qui,
parti de rien, a réussi dans la vie, fondateur et principal actionnaire
de la société Microsoft, vont contribuer à fixer le cadre
de cette promesse.
Le premier a rédigé un véritable plaidoyer
pour que nous adoptions systématiquement l'informatique dans tous les
aspects de notre vie :
"L'autoroute de l'information (...) est en train de créer
un tissu social mondial entièrement nouveau." "Telle une force de la
nature, l'ère numérique (...) possède quatre
qualités essentielles qui vont lui permettre de triompher : c'est une
force décentralisatrice, mondialisatrice, harmonisatrice et productrice
de pouvoir".
Bill Gates lui, est au carrefour de deux mythologies
américaines dont il fait admirablement la synthèse : la
première est celle de la croyance dans les effets forcément
positifs de la technologie, la seconde celle de l'homme parti de rien (jeune
étudiant en technologie qui fait partie de la contre-culture dans les
années soixante-dix), et qui gravit tous les échelons de la
société.
Selon la légende, il concevra, dans son garage, le premier
logiciel permettant de faire tourner les machines de que Steve Jobs, alors
récemment converti au bouddhisme zen, et Steve Wosniak venaient de
mettre au point, et que la firme Apple se chargera de faire connaître.
Son livre annonce le règne de l'interactivité totale et du
marché ultime, un nouveau mode de vie dans un monde
médiatisé. Les technologies permettent notamment de transformer
la moindre de nos pensées et de nos actions en "information" et ce n'est
qu'un début.
"Nous autres citoyens de la société de
l'information allons découvrir les moyens de mieux produire, mieux
apprendre, mieux nous divertir."
Pierre Lévy ira encore plus loin et répercutera
pour l'occasion la vision anthropologique de Teilhard de Chardin où les
hommes, d'abord unis dans une première étape de l'existence de
l'humanité puis séparés par la dispersion de la
planète entière, se retrouveraient enfin dans une vaste
conscience collective qui serait la finalité profonde de
l'espèce. Internet en citadelle de lumière.
Pour tous, la thématique est la même et constitue la
véritable finalité des ntic : une promesse unilatéralement
optimiste à forte tonalité religieuse et couvrant un territoire
très vaste. Côté violence, la communication via les
réseaux aurait le pouvoir de "réduire les tensions", de
construire un lien social plus harmonieux. Côté lien social, c'est
le modèle du "pouvoir tout faire de chez soi, sans bouger de son
fauteuil" qui est valorisé. "L'Internet représente simplement le
stade de regroupement de l'humanité qui succède à la ville
physique".
"La vie à l'intérieur des flux informationnels se
déroule exactement comme Thomas Jefferson l'aurait voulu (...)
L'ouverture et la liberté sont les vraies promesses de cette
technologie." L'idéal de vie que prépare le nouveau culte se
présente d'emblée comme fondamentalement moral.
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