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L'économie numérique, une nouvelle économie ?
3.1 Il existe bien une
dynamique nouvelle dans l'économie :
Deux points essentiels à remarquer et ne pas oublier :
tout d'abord la destruction créatrice est l'essence même du
capitalisme, ensuite une notion méconnue, le coût de sortie.
Partout les technologies de l'information apportent dans
l'industrie et les services des gains de productivité
considérables. Pour certains économistes et consultants, la mise
en commun des connaissances dans l'entreprise à travers le
développement des réseaux, l'identification, la collecte, le
traitement des informations sur les clients et pour les clients, sont
désormais au coeur du processus de création de richesse et
signerait la naissance d'une "nouvelle économie", dite encore
électronique (e-business, e-firms, e-communities) ou numérique
(digital economy).
Cette économie existe-t-elle ? Le débat prend
naissance aux Etats-Unis qui connaissent depuis 1992 une période de
prospérité exceptionnelle. Supérieure à celle des
années 1950-1970, la croissance coïncide avec une quasi-disparition
du chômage et de l'inflation puis à l'apparition d'un
excédent budgétaire. La dynamique a traversé sans coup
férir deux crises financières régionales majeures en
Amérique latine et en Asie. Les américains se sont
interrogés sur les fondements du phénomène et sur ses
conditions de durabilité. Alan Greenspan lui-même, chairman de la
Réserve fédérale FED a dès 1996 perçu
l'originalité de la dynamique. Il ne doute pas que les technologies de
l'information sont à l'origine des gains de productivité
exceptionnels enregistrés par l'économie américaine
pendant plus de sept ans. Grâce à la baisse des prix accompagnant
l'amélioration continue des performances des produits, ils ont permis
des substitutions capital- travail massives sans contrepartie inflationniste,
accroissant la rentabilité du capital, favorisant l'investissement et
l'emploi, et valorisant l'épargne placée en Bourse, encourageant
ainsi la consommation. Il y avait urgence à étendre rapidement
aux autres zones économiques le modèle de croissance et les
marchés des nouvelles firmes.
Cette analyse place les gains de productivité dans
l'industrie au centre de l'explication de la nouvelle croissance, et produit
alors une dynamique quasi homogène d'économies d'échelle
dans l'ensemble de l'industrie, et la question de savoir si nous assistons
à une "nouvelle économie" se pose sur le plan local.
Toujours selon Greenspan, il ne fait aucun doute que "les
innovations les plus neuves que nous appelons technologies de l'information,
commencent à changer notre manière de faire des affaires et de
créer de la valeur", Internet en étant à la fois le
vecteur et le symbole. Le phénomène est un véritable
défi à la réflexion économique, aggravé par
le fait que les analystes vivent de la volatilité des cours et du rythme
des introductions en Bourse. La nouvelle économie ou mieux,
l'économie numérique, ouvre alors un forum dans lequel
politiques, économistes et financiers, consultants, chercheurs et
journalistes élaborent des discours plus ou moins neutres sur un
mécanisme de croissance dont le point de consensus est qu'il
résulte de la diffusion dans l'industrie de gains de productivité
majeurs associés aux technologies de l'information.
Dans le cas d'une banque de réseau, c'est l'historique de
la relation entre client et banquier qui sous-tend l'efficacité de la
prestation bancaire. Pour optimiser sa marge et minimiser son risque, sur la
vente d'un crédit par exemple, le banquier doit connaître le mieux
possible les antécédents de son client.
On en déduit que la transmission de ces informations
à une autre banque a, pour le client, un coût (coût de
transmission, perte d'efficacité bancaire), d'où l'effet de
réseau.
On peut parler de verrouillage informationnel, processus
dynamique qui s'enrichit de toutes les relations entre le client et le
fournisseur de services, dès lors que le fournisseur est capable de
valoriser les informations en ventes additionnelles et rétrocessions
d'avantages au client, avec exemptions de frais (exemple, de découverts,
rabais personnalisés, vols en avion gratuits, primes de club)
élevant le coût de sortie du client fidélisé.
Les réseaux s'appuient sur des infostructures physiques,
qui peuvent être des guichets, employant du personnel en charge de la
relation client. Ce dispositif entraîne une organisation industrielle
spécifique, des chaînes de commandement et de contrôle, des
conventions collectives. Cette base est désormais menacée par les
technologies de l'information, qui proposent d'autres formes d'interface
client, centres d'appel et site d'achat en ligne, aux coûts
d'exploitation inférieurs et aux méthodes de traitement de
l'information plus systématiques. Le verrouillage peut être rompu
par les gains de productivité affectant le réseau. La concurrence
ouverte par le commerce électronique repose sur des structures
allégées de coûts de construction et d'exploitation de
réseaux permettant bien souvent, plus efficacement que par l'interface
physique traditionnelle, d'établir un verrouillage informationnel. Les
réseaux ont intérêt à s'étendre, à
s'interconnecter, s'échanger du trafic, dégrouper des actifs,
croiser du capital. En développant des centres d'appels et des services
en ligne, les fournisseurs deviennent multicanal et valorisent dans plusieurs
directions leurs actifs informationnels. On retrouve là des dynamiques
analogues à celles des opérateurs de
télécommunications.
Les marques comme les médias à travers lesquels
elles communiquent, sont des flux d'information univoques. En ajoutant de
l'information au produit, éventuellement du symbole, de l'image, le
consentement à payer du client augmente. Une rente de marque est
partagée entre celle-ci et le distributeur. La maîtrise par le
distributeur de l'accès au client et du feed-back informationnel
créé le risque que la publicité dépensée
pour la marque profite avant tout au distributeur. Le réseau
actuellement amplifie ce risque en ouvrant des alliances entre les
médias et distributeurs autorisant la vente en ligne des produits vendus
par la publicité mais permet aussi de le circonscrire. Les marques
deviennent interactives : elles peuvent utiliser leur communication pour se
constituer en réseau donc élever le coût de sortie du
client. La distribution cesse d'être l'aval d'une filière : c'est
un élément interconnecté d'un réseau. Toute marque
génératrice de trafic a vocation à devenir un portail,
noeud organisationnel qui va permettre la délivrance
(délivraison) de l'information dans les conditions définies :
ISP, médias, banques, distributeurs, marques de luxe, centres de
recherche etc. C'est par la personnalisation et le développement des
services que les portails verrouillent leurs systèmes. Une relation de
confiance intime s'établit, ce qui suppose aussi le respect de la
confidentialité des informations, la sortie d'un portail peut devenir
très pénible.
Certaines firmes ont des réseaux spécialisés
leur permettant de capter des différentiels de prix dans l'espace et
dans le temps. L'abaissement des coûts de réseau permet
désormais aux particuliers d'enchérir en ligne pour un spectre de
produits sensiblement élargi. Ce processus ne concurrence pas les
traders historiques dont il accroît plutôt le volume d'affaires et
améliore la liquidité des marchés.
L'essence de l'économie numérique est
d'établir une concurrence entre firmes fondée sur de forts
différentiels de productivité dans la gestion des réseaux.
La compétition entre firmes vise alors à capter le plus grand
nombre de clients possibles au sein des réseaux concurrents mais aussi
complémentaires. Les clients, l'information commerciale qu'ils
véhiculent et les nouveaux réseaux (communication, gestion de
données, logistique) capables de les capter deviennent l'actif principal
des entreprises, du moins celui dont la valeur augmente le plus rapidement. Les
technologies de l'information forment le réservoir de gains de
productivité qui alimente ce processus et permet l'émergence de
nouvelles firmes. Les pratiques d'interconnexion, de fusion de réseaux
issues de l'industrie des télécommunications, s'étendent
désormais à l'ensemble des secteurs.
Ce processus n'échappe pas aux outils d'analyse
forgés dans l'économie prénumérique.
L'efficacité avec laquelle le codage binaire de l'information et sa
circulation accélérée dans les réseaux à
haut débit valorisent le verrouillage informationnel des clients est
nouvelle. Si, dans l'économie mondialisée, les firmes de
réseaux deviennent la règle et le client verrouillé leur
actif majeur, il est probable qu'un certain nombre de représentations de
l'économie sont appelées à évoluer rapidement.
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