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Communication via les médias à  base de réseaux

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par Marie-Josèphe Couturas
Université Paris 1 Sorbonne - DEA Sciences Politiques 2000
  

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2 L'économie domine-t-elle le politique ?

Saint-Simon lui-même, comme le souligne Pierre Musso, le penseur- fondateur de la théorie du réseau- transition, emploie le même mot pour désigner indifféremment un objet et sa connaissance.

Par exemple, dans son emploi, le mot "chose" peut signifier aussi bien les "principes fondamentaux d'un système" que "le réel et la nature". L'assimilation de "choses" à "principe" fait référence à la connaissance d'un système (choses versus signes), alors que le mot "choses" est assimilé à "nature" lorsqu'il s'agit de l'action (choses versus hommes).

Pour critiquer au fond la représentation politique, il renvoie à la production et à l'économie politique.

De plus, pour lui, l'économie politique complète la physiologie. Il semble y avoir là reconnu un lien possible de continuité de notre infiniment petit à notre infiniment grand.

Pourquoi ce déplacement du champ de la représentation politique à celui de l'économie politique ?

Première réponse fournie par Saint-Simon :"on a longtemps confondu (...) cependant les richesses sont indépendantes de l'organisation politique". Seconde réponse (...) Saint-Simon était contraint au "rêve" pour esquisser le futur. De nos jours, ce sont les mythes qui viennent en aide pour conduire l'imaginaire.

"Tout est politique", ce slogan fut dominant à une époque pas si lointaine, au point qu'un mathématicien avait même écrit un article pour expliquer qu'il existait une manière marxiste de faire des mathématiques. Cette prétention, évidemment excessive, est plus rarement exprimée de nos jours, même si elle imprègne souvent réflexions et réflexes.

A ce "tout politique" des uns répond de plus en plus non pas sans doute dans un pays, tel la France, qui veille à son "exception culturelle", "l'exception française", mais dans bien des grands pays, le "rien n'est politique" des autres.

L'évolution des idées constitue certainement un facteur explicatif de ce changement, mais aussi les formidables mutations de monde qu'illustre ce qu'on appelle la "nouvelle économie". Celle-ci résulte à son tour d'une double série de phénomènes, les uns institutionnels et les autres techniques. Les premiers sont constitués en particulier par le vaste mouvement de libéralisation des échanges entre pays et de déréglementation à l'intérieur de beaucoup de ces pays. Les facteurs techniques du changement sont pour leur part particulièrement et symboliquement représentés par l'explosion des technologies de la communication. Mais les facteurs techniques et institutionnels ne sont pas indépendants les uns des autres. Ainsi, la déréglementation a-t-elle incité de nouveaux producteurs à entrer sur les marchés et à rechercher des techniques nouvelles pour y prendre pied plus facilement. On s'achemine donc vers un monde plus diversifié et plus flexible, un monde d'innovation et d'initiatives créatrices.

Du fait de ces mutations, plus que jamais le réseau des échanges est devenu mondial, ce qui donne à juste titre le sentiment que les frontières s'estompent et que le marché international fait reculer les Etats. En un mot, que "l'économie domine de plus en plus la politique", jusqu'à ce que, peut-être, la politique disparaisse. Bien sûr, ceux qui croit au tout- Etat s'en désolent, préfèreraient l'effacement de la politique au profit de la liberté contractuelle, fondée sur la propriété de l'Etat de droit, s'en féliciteraient, si le phénomène était avéré. Mais il n'est pas question ici d'affirmer ses préférences, mais plutôt de rechercher les éléments qui permettent d'évaluer l'évolution complexe des rapports entre l'économie et le "politique", tout en se gardant bien de jouer le rôle impossible d'un devin qui se croirait capable de lire l'avenir.

Il faut se garder de la tentation qui consisterait à faire de l'économie une sorte de raison collective capable d'agir et donc de dominer.

Il faut se garder de la tentation qui consisterait à faire de l'économie une sorte de raison collective capable d'agir donc de dominer. Ce qu'on appelle l'économie n'est rien d'autre qu'un ensemble de phénomènes résultant des interactions entre des milliards de volontés individuelles qui seules pensent et agissent. En tant qu'êtres libres, les hommes déterminent eux-mêmes leurs propres objectifs, choisissent et agissent. Parce qu'ils sont des êtres sociaux, beaucoup de leurs actes sont interdépendants. Parmi les résultats innombrables de ces actes humains, on peut en isoler certains qui sont des faits économiques. Ils sont la partie le plus visible des actions humaines, cependant ils n'en constituent pas nécessairement la partie le plus importante et ils ne sont dotés d'aucune autonomie par rapport aux autres.

Il existe de ce point de vue une asymétrie fondamentale entre "l'économie" et la "politique", dans la mesure où la première n'est que le résultat du processus de décision librement mis en oeuvre par les êtres humains, alors que la seconde traduit l'émergence de la contrainte et du volontarisme dans la vie des sociétés. La politique constitue plutôt un effort constant pour dominer l'économie. Ceci résulte évidemment du fait que les hommes ont toujours le choix entre deux modes d'action différents pour atteindre leurs objectifs : l'échange libre ou l'exercice de la contrainte. Antony de Jasay a pu montrer dans son livre, l'Etat, qu'il existait une sorte de logique interne qui conduisait de manière presque inéluctable un Etat minimum et simple protecteur des droits de propriété vers un Etat envahissant et même tyrannique.

Il existe également toutes sortes de légitimations du phénomène politique. Ainsi une théorie économique, la théorie des biens publics, se propose d'expliquer que certains biens et services dont la production est désirée ne peuvent être produits qu'en ayant recours à des processus de décision publics.

Quoi qu'il en soit, si "l'économie" ne peut pas dominer la politique, elle peut certainement en limiter le champ et particulièrement à notre époque de grandes mutations technologiques et institutionnelles. La monnaie par exemple s'est développée pour répondre aux besoins de l'économie, mais elle a constamment été l'objet de l'attention du pouvoir politique qui a vu dans la monopolisation de sa production une source importante de revenus et a légitimé cette prise de possession par la nécessité de contrôler l'émission de monnaie dans l'intérêt général. Ainsi est-on arrivé au XX ème siècle au triptyque "un pays- un Etat- une monnaie". Elle est devenue un symbole de souveraineté nationale, au point que les artisans de la construction d'un super - Etat européen ont considéré comme une priorité la création d'une monnaie européenne. Parallèlement et devant les excès d'une production publique de monnaie, on a vu apparaître le besoin de réduire le lien entre la production de monnaie et la politique : c'est tout simplement l'idée de plus en plus souvent mise en pratique qu'il convient de rendre la banque centrale indépendante, ce qui signifie indépendante du pouvoir politique.

Le monde futur peut être très différent de ce modèle traditionnel. Dans un avenir peut-être pas très éloigné, le développement des échanges sur réseau peuvent faire apparaître des monnaies privées ni nationales ni publiques. Ce phénomène pourra concerner bien d'autres activités. Les frontières sont mouvantes entre économie et politique et les changements dépendent des conceptions dominantes du moment et des évolutions technologiques et institutionnelles. Il paraît évident que les mutations d'aujourd'hui apporteront des changements profonds car l'incompatibilité est grande entre le fonctionnement en réseau des activités économiques sur un espace qui est mondial et l'exercice d'un pouvoir centralisé sur des espaces territoriaux bien précis. L'activité économique se diversifie, se mondialise, elle est de plus en plus flexible et elle ne peut pas se contenter du cadre rigide dans lequel s'inscrivent la plupart des processus politiques.

Actuellement les préoccupations politiques se déplacent. Les déréglementations, les privatisations, la mondialisation ayant fait perdre une grande partie de leurs territoires traditionnels à la politique, celle-ci investit de nouveaux champs. De nouvelles revendications pour une conduite politique des affaires du monde émergent : de nouvelles régulations apparaissent plus indépendantes du seul jeu des marchés, résultant de réglementations mondiales, d'une gestion globale raisonnée de l'environnement ou encore de la prétention des organisations internationales à constituer des instances de décision suprêmes dans le domaine de la santé, des flux financiers ou de la gestion des ressources. Ces évolutions sont l'expression actuelle de la tension éternelle entre la politique et l'économie.

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"Ceux qui rêvent de jour ont conscience de bien des choses qui échappent à ceux qui rêvent de nuit"   Edgar Allan Poe