3.2 Doutes concernant le
passage vers le Nouvel Age :
Depuis le milieu des années quatre-vingt-dix, les gains de
productivité du travail ont connu une accélération
notable; encore faut-il, pour en tirer un argument en faveur du New Age,
montrer qu'elle est bien due à une croissance plus rapide de
l'efficacité avec laquelle l'économie américaine utilise
ses ressources productives. C'est loin d'être évident. A
côté des effets purement cycliques, l'accélération
observée tient à des facteurs "traditionnels".
L'effort d'investissement engagé depuis le début de
la décennie a conduit à une croissance relativement rapide du
stock de capital utilisé par chaque travailleur américain. Cette
croissance de l'intensité capitalistique, qui contraste avec la
stagnation observée jusque-là, est, tout naturellement, source de
gains de productivité. Il est donc difficile de voir dans ces gains une
"preuve" de la réalité du New Age.
Une nuance doit toutefois être introduite ici. Pour une
part, la hausse du volume de l'investissement des entreprises est due non
seulement à l'augmentation de leurs dépenses d'équipement
mais aussi à la baisse, selon des rythmes jamais observés
jusqu'ici, du prix de ces équipements. Cette diminution rapide
s'explique par la part de plus en plus grande dans ces dépenses
d'investissement des matériels de traitement de l'information, dont les
prix diminuent chaque année à un taux à deux chiffres.
Les nouvelles technologies contribuent donc bien, par ce biais,
à une accélération des gains de productivité. Mais
le mécanisme n'est pas celui mis en avant par les tenants du New Age :
on n'a pas observé, jusqu'à présent au moins,
l'accélération annoncée des progrès de
l'efficacité avec laquelle le travail et les équipements sont
utilisés.
Le constat est moins étonnant qu'il n'y paraît. Que
l'économie américaine, déjà formidablement
efficace, puisse continuer, année après année, de
progresser encore, alors même qu'elle satisfait à une demande
toujours accrue de services, est en soi remarquable.
Qui pense que cela aurait été possible sans la
révolution technologique qui se déroule sous nos yeux ? Rien de
vraiment nouveau alors dans cette "nouvelle économie" américaine
? A ceux qu'une telle conclusion déçoit, signalons au moins une
innovation majeure : la manière de conduire la politique
monétaire a radicalement changé.
Sans la très grande humilité dont la Réserve
fédérale a fait preuve lorsqu'il s'est agi de définir le
potentiel de croissance non inflationniste de l'économie, sans
l'habileté aussi avec laquelle elle a utilisé les marchés
pour assurer le réglage fin de la conjoncture, la croissance rapide et
régulière observée depuis maintenant de longues
années aux Etats-Unis n'aurait pas été possible.
Dans la pratique, les réseaux notamment Internet ne dopent
pas toujours la croissance :
Dans une étude récente publiée dans
L'Economie française, l'Insee se montre très prudent
dans son évaluation de l'impact de la production des nouvelles
technologies de l'information et de la communication sur la croissance
française. L'institut estime ainsi que la valeur ajoutée
liée à ces productions serait comprise entre 4,4 % et 4,8 % de la
richesse nationale. Leur effet sur la croissance de l'économie
française approcherait donc à peine 0,4 point de PIB. Une autre
étude de deux économistes de la Réserve
fédérale américaine, Stephen Oliner et Daniel Sichel , a
fortement impressionné de nombreux membres du CAE, car elle
suggère que les nouvelles technologies de l'information ont
contribué à hauteur des deux tiers aux gains de
productivité réalisés aux Etats-Unis dans la seconde
moitié des années quatre-vingt-dix. Les deux économistes
prennent soin de préciser que l'impact est sans doute sensiblement
différent selon que le pays concerné est "producteur" ou
seulement "importateur" de ces nouvelles technologies.
De nombreux experts sont par ailleurs enclins à penser que
le fameux paradoxe du Prix Nobel d'économie Robert Solow "Les
ordinateurs, on les voit partout, mais pas dans les statistiques" est en passe
d'être dépassé. L'effondrement en bourse des valeurs
technologiques, les nombreuses faillites de dotcom, nombres de symptômes
dans l'économie montrent bien la faiblesse et la partialité des
avis exprimés.
Quatre vagues de croissance auraient eu lieu dans la Silicon
Valley, celle de la défense puis du développement des circuits
intégrés puis du micro-ordinateur puis enfin d'Internet et des
réseaux numériques. A quatre reprises également la Silicon
Valley a traversé une crise économique profonde, suivie d'une
nouvelle croissance, portée par une innovation technologique.
L'association JoinVenture, regroupement des chefs d'entreprise et des
chercheurs, a quelques idées sur la question. Elle voit se profiler
l'ère de la convergence des biotechnologies et des technologies de
l'information. Une rencontre qui devrait ouvrir les marchés des biopuces
et de la bioinformatique. Place ensuite aux nanotechnologies, le monde de
l'infiniment petit.
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