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Communication via les médias à  base de réseaux

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par Marie-Josèphe Couturas
Université Paris 1 Sorbonne - DEA Sciences Politiques 2000
  

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1.2. Quelle différence y a-t-il entre les sites médicaux et les autres e- enseignes ?

On constate une explosion des créations de start- up Internet en France dans le secteur médical.

Beaucoup de dossiers circulent dans le capital-risque. Mais il faut bien comprendre que ce secteur avec ses nombreuses particularités, ne peut fonctionner comme un secteur marchand classique. D'abord sur le créneau strictement professionnel, Business to Business (B2B), le médecin n'est pas réellement habitué à payer. Information, congrès... les labos pharmaceutiques financent presque tout. En ce sens on se rapproche du Business to Consumer (B2C). Tous les sites professionnels ou grand public dont le modèle se fonde sur le contenu, doivent vivre essentiellement avec la publicité ou le sponsoring sur un marché somme toute limité.

Avec le e- commerce il faut compter avec d'autres spécificités. Le médicament n'est pas un produit banal. Sa prescription, son commerce et son transport sont réglementés. Il est interdit d'expédier un médicament par la poste. Par ailleurs les pharmacies sont tenues de fournir les médicaments dans les six heures. Le e- commerce ne peut donc guère jouer sur une livraison rapide. Le portage à domicile ne peut concerner que quelques populations ciblées comme les personnes à mobilité réduite. La commande on line, à condition d'aller chercher ses produits à la pharmacie pourrait satisfaire certaines populations comme les personnes atteintes de maladies chroniques. Les lois visant à limiter le déficit de la Sécurité sociale ou freiner le développement de l'automédication encadrent encore un peu plus le marché. Tout ceci peut changer mais dans ce secteur les évolutions ne sont jamais rapides. En attendant, les nouveaux entrants doivent avoir les moyens financiers de tenir.

Espérer vivre sur la vente de parapharmacie n'est pas non plus évident. Le marché est bien plus réduit que celui du médicament de prescription. Et dans ce cas la concurrence s'élargit aux sites de e- commerce classiques par exemple ceux de la grande distribution. Enfin le "client", là plus qu'ailleurs, doit être en confiance, ce qui suppose établie la légitimité des marques, par exemple celle du Vidal pour l'information et des équipes. Pour ces raisons, les créneaux pour les start- up sont assez étroits et les créateurs ne peuvent espérer s'abstraire totalement de l'implication d'acteurs plus traditionnels comme les assurances par exemple.

1.3. Plus concrètement, voici ce que peut être le surf médical d'un patient éclairé :

Muni d'une connexion Internet, d'une bonne connaissance de l'anglais et d'un solide bon sens, tout patient atteint d'une grave maladie voire chronique a désormais la possibilité de dépasser son angoisse en surfant, et peut entrer en relations d'autres malades, leurs familles, des praticiens et des soignants parfois très éloignés etc.

Par exemple un bilan de santé ayant révélé des anomalies biologiques, le patient ressort de chez son généraliste avec une ordonnance d'échographie du foie et de sérologie HVA, HVB, HVC, HIV et cytomégalovirus. Le résultat d'analyse est sibyllin : "Anticorps anti-hépatite C (réactif ortho 3ème génération et réactif murex) : recherche positive (la recherche de l'ARN viral par biologie moléculaire peut-être indiquée). Son médecin lui dit alors : "Vous allez appeler le professeur Thierry Poynard, à la Pitié. Il ne vous donnera un rendez-vous que dans quelques mois. Il n'y a pas de risque à court terme, mais il vaut mieux être soigné par une équipe de pointe. On va sans doute vous faire une biopsie du foie et vous proposer un traitement par interféron. "L'information essentielle reste à délivrer : "L'hépatite C est une maladie qui évolue sur le long terme, elle se termine dans 25 % des cas par un carcinome hépatique suivi d'un coma d'environ trois mois et la mort".

Le patient prend immédiatement rendez-vous à la Pitié et, en attendant les trois mois requis, décide d'utiliser sa connexion Internet pour essayer d'en savoir plus. En interrogeant votre moteur de recherche favori, il arrive sur le site "Euroliver" où il apprend que ce virus est à simple brin, de polarité positive, d'environ 9 400 nucléotides, qu'il mesure de 50 à 60 nm de diamètre et que son poids moléculaire est de 4 106 daltons. Lorsqu'il lit que le virus code pour un grand polypeptide de 3 010 ou 3 011 acides aminés, et qu'il comporte au moins six génotypes, il regrette probablement de ne pas avoir suivi d'unité de valeurs de biologie à l'université. Un autre site, du département de l'énergie américain, explique tout ce qu'il faut savoir sur l'ADN, le génome humain, la manière dont un virus agit. Certes, la lecture est ardue, mais elle vaut la peine. Le patient commence à entrevoir les techniques liées à l'ADN recombinant, et il découvre une sorte de bibliothèque en ligne contenant un très grand nombre d'articles de revues médicales professionnelles. Cela lui donne l'idée de taper le mot clé "Poynard" : le professeur avec lequel il a rendez-vous publie beaucoup sur cette maladie et dans les plus grandes revues. En quelques jours le patient a découvert ce qu'était cette maladie et quel était le protocole de consensus pour la soigner. Il décide alors d'avoir le point de vue de ses collègues, les malades. Premier point qui inquiète : la biopsie du foie. En fouinant un peu sur un site de Geocities, il apprend que cet examen "de routine" provoque un décès sur 10 000 actes pratiqués et que dans 1 à 5 % des cas, on souffre d'une douleur dans le bras gauche comparable à celle provoquée par un infarctus du myocarde. Il découvre ensuite un excellent site canadien, tourné vers le grand public, puis le site dédié à l'hépatite C du centre des maladies infectieuses d'Atlanta, qui le tient au courant des dernières évolutions, en complément du site de l'American Liver Foundation. Il trouve enfin une liste de discussion sur cette maladie, ce qui lui permet de dialoguer avec ses collègues d'infortune, d'apprendre les trucs qu'ont les uns ou les autres pour diminuer les effets secondaires du traitement, de se soutenir le moral. Il peut alors convaincre son généraliste de lui prescrire un génotypage du virus et une PCR quantitative. Fort de sa toute nouvelle érudition, il se permet de lui dire qu'il s'agit d'une reverse PCR qui utilise comme amorce la région 5' non codante du génome.

Lors de son rendez-vous à l'hôpital, le médecin lui explique ce qu'il sait déjà. Et il peut lui glisser : "Ne pensez-vous pas que, dans le cas d'un génotype 1B, l'interféron d'Amgen donne de meilleurs résultats que l'alpha-2b ?", montrant ainsi qu'il a longuement étudié le sujet, qu'il veut s'en sortir, et qu'il ne croira pas n'importe quoi. Il peut alors discuter, d'égal à égal serait très prétentieux, de la meilleure approche thérapeutique pour son cas. Il en profite pour demander la morphine avant la biopsie et pas après.

Actuellement encore, le malade ne parlant pas ou insuffisamment l'anglais n'aura malheureusement pas accès à toutes ces informations. Et, sans doute plus grave, l'utilisateur d'Internet qui n'a pas le réflexe du journaliste de vérifier ses sources va tomber sur des sites décrivant des traitements qui, au mieux, s'affirment plus efficaces que le protocole de consensus, au pire promettent une guérison à 100 % avec un traitement inconnu.

L'Internet et les réseaux sont en passe de révolutionner la médecine, obligeant les médecins à se recycler pour ceux qui ne le feraient pas, sous la pression des malades, qui peuvent désormais suivre en direct une conférence de consensus, qu'elle ait lieu à Paris, Montréal, Washington ou Tokyo. Restera un grand effort d'éducation à entreprendre, pour, afin de distinguer le plus efficacement possible le vrai du faux, expliquer à nos enfants que ce n'est surtout pas parce qu'ils l'ont vu sur Internet que c'est vrai.

Il faut constater tout d'abord la diversité des sources et la croissance exponentielle de la quantité d'informations médicales disponibles en ligne, qu'elles proviennent de sociétés privées, des patients eux-mêmes ou des associations de malades, des professionnels de santé, d'organisations non gouvernementales, d'universités ou de centres de recherche, d'organismes gouvernementaux etc.

"Internet et les réseaux redéfinissent les rapports entre les acteurs de la santé. En réaction aux excès du système américain du "managed care" qui limite l'accès aux soins, il se produit un changement de rapport de force au profit du consommateur, et l'hégémonie de la connaissance médicale s'estompe". Internet par exemple permet en effet d'accéder à des renseignements sur des maladies précises, des conseils de prévention et d'hygiène de vie dans des domaines tels que la diététique ou la nutrition, des informations sur les traitements et les médicaments, sur les médecines alternatives, et les recherches de services du type "à quel spécialiste s'adresser ?". Les patients mieux informés, poussent leurs médecins à accroître la qualité de leurs prestations. La plupart des sites de santé sont gratuits et offrent un accès à l'actualité médicale, aux journaux et aux bases de données, même si de plus en plus de nouveaux services payants se développent.

Les Etats-Unis ont également pris quelques longueurs d'avance dans ce qu'il est convenu d'appeler la télé médecine. L'un des objectifs des hôpitaux américains est d'atteindre via Internet des patients américains isolés, et certains testent des procédés de prise en charge dans les zones rurales des pays en voie de développement. Plus d'une douzaine d'hôpitaux américains sont engagés dans des projets internationaux de télé médecine pour vendre des interventions à distance (télé diagnostic, télé formation, télé chirurgie), une façon d'exporter leur savoir-faire et de rentabiliser leurs ressources humaines et technologiques. Les limites de cette technologie sont celles de la bande passante et de la qualité de service. En France, la télé médecine repose encore à ce jour sur l'échange restreint, limité à un nombre de participants bien définis, de données cliniques confidentielles qui passent par des réseaux fermés. Le problème de la confidentialité des données fait figure d'épouvantail. Néanmoins les protocoles Internet sont en train de s'imposer jusque sur ces réseaux très fermés, et de toute évidence la télé médecine est appelée à se généraliser.

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"Qui vit sans folie n'est pas si sage qu'il croit."   La Rochefoucault