2.2. Le quaternaire :
Roger Sue, docteur en sciences politiques,
s'intéresse depuis vingt ans à l'émergence d'une nouvelle
économie plurielle.
"Dans vingt-cinq ans les entreprises seront complètement
immergées dans le monde associatif. Beaucoup iront jusqu'à en
adopter l'esprit voire les contours. On reproche souvent aux
bénéficiaires de la loi de 1901 d'empiéter sur le
territoire des entreprises et sur leurs marchés. Or c'est l'inverse qui
est en train de se produire. Lentement mais sûrement, le champ de
l'économie se déplace sur le terrain des associations. Education,
santé, formation, loisir, environnement, action sociale... Tous les
secteurs en croissance sont précisément ceux investis depuis
toujours par les chantres du volontariat. Là sont les
dévouements, mais aussi les emplois et même les profits."
Il assure que bientôt ces activités éparses
formeront un tout cohérent : le "quaternaire". Ce nouveau pan de
l'activité économique comprendra tout ce qui participe à
la "production de soi" (temps libre, loisirs, culture personnelle, militantisme
et volontariat). Libéré du travail contraint, le salarié
pourra consacrer plus de temps et d'argent à faire fructifier son
capital humain à commencer par sa santé.
"Le centre de gravité de l'économie se
déplace donc inexorablement vers la production de compétences
immatérielles. Bien plus que les compétences sanctionnées
par des diplômes, le sens des rapports humains est une valeur en
hausse."
"Les entreprises commencent à réaliser le parti
qu'elles peuvent tirer d'une collaboration avec les associations. Les plus
audacieuses accordent déjà des crédits d'heures à
leurs salariés qui veulent pratiquer le soutien scolaire, l'aide
à l'insertion ou le nettoyage de rivières. En particulier
grâce à l'appui de 'clubs d'entreprises', tel l'Institut du
mécénat de solidarité. A l'origine ces
sociétés cherchaient surtout à se donner une image
citoyenne. Les résultats ont dépassé leurs attentes."
"Les salariés qui bénéficient de telles
opportunités se disent plus sûrs d'eux, plus autonomes. Ils
évoquent un meilleur climat dans leur entreprise. Le tout à peu
de frais. De nouvelles formes d'alliances naîtront, dans lesquelles des
entreprises via des fondations, financeront des associations. Celles-ci
réduiront ainsi leur dépendance vis-à-vis des pouvoirs
publics qui les contrôlent par le biais des subventions. Aujourd'hui,
leur poids n'est pas reconnu à sa juste valeur puisqu'on le mesure avec
des critères impropres qui sont ceux de l'économie
monétaire."
Or les épigones de la loi de 1901 sont surtout actifs dans
le domaine de la prévention et de la formation. Et ce n'est qu'un
début. L'émergence des SEL ou systèmes d'échanges
local a montré que d'autres formes de monnaies, plus sociales, pouvaient
fonctionner. C'est entre autre ce type de monnaies que promettait le Rapport
Nora - Minc.
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