7.3 Quelques effets pervers du nouveau culte :
Beaucoup craignent qu'une société transparente ne
devienne en fait une société sécuritaire où
l'individu ne dispose plus que de marges très étroites de
liberté.
Un recul des libertés :
Nos sociétés libérales démocratiques
ont un gant de velours pour ce qui concerne le respect des droits individuels
formels. L'Internet systématique serait en revanche un redoutable outil
entre les mains de fer d'un régime non voire
anti-démocratique.
On connaît mieux maintenant les ambitions du réseau
Echelon, dénoncées dans un rapport du Parlement Européen.
Malgré les dénégations du gouvernement américain la
National Security Agency NSA est accusée de se livrer à une
activité d'interception systématique des communications
mondiales, notamment celles qui transitent via Internet.
En France, la CNIL Commission nationale pour l'informatique et
les libertés s'inquiète du développement des
systèmes de "cybersurveillance" et des conditions du commerce
électronique. Les promesses de "redonner le pouvoir" au consommateur
paraissent bien abstraites face aux très nombreuses tentatives des
régies publicitaires de violer la vie privée des internautes.
Plus le publicitaire connaît la vie, les goûts, les habitudes de
celui à qui il s'adresse, plus il pourra "adapter" son message et
accroître les chances de séduire son interlocuteur donc de vendre.
Les "cookies", petits logiciels qui viennent se greffer dans la mémoire
des ordinateurs des connectés permettent de suivre les
déplacements sur le réseau de leurs propriétaires et de
connaître leur personnalité, et il parait probable que certaines
régies recroisent ces renseignements avec des fichiers nominatifs. Il y
a là, pernicieusement discret, un grave danger de manipulation du
consommateur.
La désynchronisation des activités sociales
:
L'un des projets du directeur du Medialab au MIT, Nicholas
Negroponte, consiste à mettre au point des interfaces numériques
qui soient des sortes d'assistants personnels permettant à l'individu de
saisir toutes les informations dont il a besoin au moment où elles sont
produites mais en les restituant au moment et sous la forme qu'il a choisis.
Exemple "une autre façon de voir un journal est de le considérer
comme une interface avec les informations (...) Imaginez qu'un jour votre agent
d'interface puisse lire tous les télex, tous les journaux, capter toutes
les émissions de TV et de radio de la planète, et vous faire un
résumé personnalisé. Ce genre de journal n'existe
qu'à un seul exemplaire. (...) Il mêlerait les grands titres de
l'actualité à des faits moins importants concernant vos
relations, les gens que vous verrez demain, et les endroits où vous vous
apprêtez à aller ou d'où vous rentrez. Il vous informerait
sur les entreprises que vous connaissez (...) Appelons-le "Mon Monde" ".
Dans ce monde moyen, désormais sans surprise et bien
sûr sans conflit, les interactions virtuelles se déroulent dans un
espace où les uns sont toujours décalés par rapport aux
autres. Bien loin de la "conscience collective".
Un accroissement des inégalités :
Il est à craindre que le nouveau monde, loin de
réduire les inégalités dans l'accès au savoir, ne
se développe sur un renforcement des strates d'inégalités
déjà présentes telles la lecture ou l'argumentation.
Rappelons qu'il existerait cinq millions d'illettrés et
d'analphabètes en France, sans compter les exclus de l'accès et
surtout de la compréhension des procédures algorithmiques
nécessaires à la manipulation des nouveaux outils. Cette crainte
est particulièrement accentuée concernant les pays du
tiers-monde, et il est plus réaliste de parler d'un "nouvel âge
des inégalités".
La puissante entreprise Microsoft pèse à la Bourse
plusieurs centaines de milliards de dollars et emploie seulement 24 000
salariés. Même si 90 % d'entre eux sont, paraît-il,
millionnaires, ceci montre voire annonce un monde profondément
inégalitaire, dans lequel l'écart des revenus peut
s'accroître de façon vertigineuse en détruisant notamment
une partie des classes moyennes.
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