1.2.
Communication et société :
D'une part la communication peut être
considérée comme une condition de la modernisation,
hypothèse qui permet de mettre l'individu, la personne, le sujet,
l'homme, au centre des systèmes, l'économique, le social et le
politique.
D'autre part, la communication est un enjeu de la
société individualiste de masse. Elle est fonctionnelle, afin
d'organiser les relations entre les grandes masses dans le cadre de
l'économie mondiale, et normative dans le cadre d'un modèle
politique de démocratie de masse.
Deux idéologies ont de plus en plus de succès :
- idéologie technique, celle décrite par Jacques
Ellul dans La Technique ou l'Enjeu du siècle, source de points de vue
dominants tantôt optimiste tantôt pessimiste,
- idéologie économique, qui développe trois
tendances majeures: laisser faire le marché, faciliter la mise en place
d'une économie mondiale de la communication qui assurera plus de paix et
de compréhension.
L'idéal de la communication fonctionnelle est du
côté de la circulation et de la performance, de la transmission et
de l'interactivité, de la vitesse et de l'efficacité, alors que
celui de la communication normative admet la nécessité de la
lenteur de l'intercompréhension, ainsi que l'importance des
différences culturelles, religieuses, symboliques, qui fondent la
richesse d'une société. Pour l'une comme pour l'autre, le
stockage à bon escient des informations peut être à
l'infini à condition d'une disponibilité totale et
immédiate.
Les thèmes de la régulation-
dérégulation dominent désormais complètement
l'univers économique.
1.2.2 Communication et médias :
Lazarfeld nous dit que l'individu possède des outils de
référence et des filtres, et utilise trois niveaux de
sélectivité :
1. l'exposition sélective, l'attention portée
à tel ou tel message dépend de la relation personnelle que
l'individu entretient avec cette information;
2. la perception sélective;
3. la mémorisation sélective, en fonction du cadre
de pensée, des préférences culturelles et de la vision du
monde de l'individu concerné, nous ne nous souvenons que de
manière imparfaite de la partie des messages que nous ne avons
perçue.
L'effet de la communication médiatique n'est pas seulement
limité, il est aussi indirect : en 1955, Katz et Lazarsfeld
établissent l'hypothèse de la "communication à deux
niveaux" (Two-step flow communication), puis à plusieurs niveaux*.
Les groupes de référence (communauté de
travail, associations, syndicats, relations familiales et amicales, etc.) dans
lesquels sont insérés les individus, et l'existence de leaders
d'opinions au sein de ces groupes, ont une importance décisive.
La première diffusion du message des médias
s'effectue de façon verticale en direction des leaders d'opinion. Elle
se poursuit à l'intérieur du groupe de manière
horizontale, par l'intermédiaire des leaders.
Katz et Lazarsfeld introduisent un niveau de médiation
supplémentaire. Les médias touchent les individus directement,
mais lorsque ceux-ci rencontrent des difficultés à s'approprier
ou interpréter le message, ils se tournent vers leurs groupes
d'appartenance. Les messages que délivrent les médias sont donc
soumis à la pression des groupements quels qu'ils soient et
reflètent en grande partie les opinions et les idéologies
préétablies de ces derniers. Les médias, la
télévision en particulier, sont habituellement des outils de
renforcement d'opinion et non de changement d'opinion. Cette
particularité ne se retrouve pas s'il y a crise vis-à-vis des
leaders ou désir de changement de la part des individus et des
groupes.
Lazarsfeld dit Katz, postulait que les médias indiquent
aux gens ce qu'il faut penser, mais des figures illustres telles Adorno,
Horkheimer, Marcuse, Benjamin ou Habermas, considèrent pour leur part
que les médias prescrivent ce qu'il ne faut pas penser (la
révolution, le changement, la modifications des situations collectives
et individuelles). Pour d'autres, en particulier McCombs (agenda setting) ou
Shaw, les médias disent aux individus ce à quoi ils doivent
penser. Ils s'agit ici de déterminer quels sont les sujets importants,
ceux auxquels les gens doivent s'intéresser. Les médias
remplissent la fonction d'agenda c'est-à-dire de sélection, par
les journalistes et les professionnels des médias, des faits majeurs
parmi la masse des informations émises et qui circulent. Dans le
paradigme technologique enfin, les médias sont conçus comme des
opérateurs de la pensée et modifient la façon de voir le
monde. La réception et la transmission par les individus des messages
écrits diffèrent fondamentalement des messages audiovisuels,
à tel point que l'on peut opposer une civilisation de l'écrit
à une civilisation de l'image électronique.
Un fossé culturel peut exister entre différents
individus ou différents groupes sociaux, obstacle à la
communication, à l'acquisition des savoirs et plus
généralement à la capacité à décoder
et à donner un sens à des informations.
Nous sommes dans une période de refondation où
certaines notions qui jusqu'ici faisaient figures de données telles
l'opinion publique, l'information... sont remises en cause.
Mc Luhan, notamment dans son livre Pour comprendre les
médias, émet une théorie qui repose sur le
caractère dominant à une époque donnée d'un
médium. La définition des médias doit s'étendre
dans un sens très large; elle inclut toute technique, quelle qu'elle
soit, susceptible de créer des prolongements du corps humain ou des
sens, depuis le vêtement jusqu'à l'ordinateur qui structure notre
mode de vie.
A ce titre trois observations importantes apparaissent :
1. toute technologie est liée à l'extension d'un
sens; les médias sont ainsi de véritables prothèses, des
prolongements technologiques des individus;
2. toute modification technique des mass médias
(l'apparition de la presse, celle de la radio et de la télévision
comme celle, ensuite, de la télématique) entraîne une
transformation de l'environnement social mais aussi du mode de perception et du
psychisme individuel et collectif;
3. le mode de communication, le médium, importe davantage
que le message.
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