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La dialectique " INDIVIDU - SOCIETE " et sa rationalisation dans l'universel concret chez Eric Weil


par Emmanuel Lenge
Université Saint Pierre Canisius - Grade de bachelier en Philosophie 2005
  

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CHAPITRE TROISIEME : L'ETAT OU L'UNIVERSEL CONCRET.

La tension et le déchirement suscités par la société moderne ne sont pas de nature à garantir la paix. Pourtant, il reste nécessaire de vivre ensemble et dans l'harmonie. Aussi surgit une question, à savoir : comment concilier des individus séparés par tant de différences de goûts et d'intérêts, chacun ayant des aspirations et voulant les satisfaire totalement et exclusivement ?

La communauté - consciente des différences qui caractérisent ses membres, mais aussi de l'impératif de vivre ensemble, ne fût - ce que pour s'assurer la survie face à la double menace  que représente la nature d'une part, et d'autre part les autres communautés qui constituent des ennemis potentiels - sent la nécessité d'organiser un cadre où ce « vivre ensemble » puisse se réaliser et garantir le plus possible les aspirations légitimes, individuelles et communautaires.

Cela conduit Eric Weil à concevoir l'Etat comme étant avant tout, l'organisation d'une communauté historique qui permet à la société de prendre des décisions.

Cependant, il s'insurge contre ceux qui ont tenté d'hypostasier l'Etat et d'en faire la superstructure d'une réalité plus fondamentale, en le présentant comme la forme extérieure d'un « esprit ». L'Etat n'est donc pas un épiphénomène, une structure que l'on peut idéaliser. L'Etat est plutôt « un instrument au service de la réalité historique profonde ... », 25(*) il est organe de contrainte. Il coïncide avec la police (entre autres) et est là pour exécuter ce qui est conçu en dehors de lui par le Gouvernement et l'Administration. En d'autres termes, pour Eric Weil, l'Etat est essentiellement un instrument de contrainte de la communauté sur tout individu ou groupe qui refuse de se soumettre à l'intérêt communautaire.

Par ailleurs, ceux qui veulent réduire l'Etat aux fonctionnaires qui y travaillent ou aux ministres, dénaturent le vrai sens de l'Etat. Leur conception est un atomisme dogmatique qui se fie à une abstraction naïve là où la réalité crève les yeux. Ces genres d'abstractions ont conduit et continuent à conduire à l'émergence des systèmes totalitaires et absolutistes où la notion de l'Etat est réduite à la volonté d'un seul ou d'un petit groupe qui maintient le reste de la communauté dans un « état de nature », se contentant uniquement d'un rôle passif Weil appelle cet état de fait  statolatrie :

L'Etat dans cette vue n'est pas l' organisation de la communauté, qui donne à celle-ci la possibilité de prendre des décisions raisonnables (et rationnelles) ; il devient valeur absolue et constitue une entité entièrement indépendante devant laquelle toute réflexion et toute pensée doivent se taire : l' Etat se concentre pratiquement dans son gouvernement, Roi, Chef, groupe de dirigeants, le citoyen n'y a qu' une part passive et n' est là que pour exécuter les décisions prises par « l'Etat », dont la seule tâche est de durer et de progresser en richesse et en puissance, sans qu' autre chose que le succès décide de sa valeur.26(*)

L'Etat compris uniquement comme une organisation reflète l'image d'un Organisme constitué d'organes, une telle conception nous ramène de nouveau aux caractéristiques de la société moderne et aux notions de calcul, de technique de planification, qui la caractérisent...(voir chapitre II.)

Ceci étant, dans la société moderne, l'organisation i.e. l'Etat, ne se conçoit plus essentiellement sans la réflexion technique, et tout problème qui n'entre pas dans le domaine de la réflexion technique est considéré comme une survivance de la société traditionnelle. L'Etat ainsi décrit, considère comme problèmes, uniquement les questions liées à l'aspect matériel et aux données techniques. Ses problèmes sont donc des problèmes de moyens et non de fin en soi, sa fin résidant dans la survie de cette Organisation.

Cette conception de l'Etat est une abstraction, car elle ne définit qu'un aspect de la réalité. C'est la communauté - à travers l'action concrète de certains hommes - qui constitue l'Etat, la communauté devient la conscience de l'organisation et l'empêche de se constituer comme simple superposition d'organes ayant en eux - mêmes leur fin.

L'Etat est donc cette communauté consciente qui dépasse en l'intégrant la dimension de simple construction de la société moderne. En même temps, de cette évolution de la société traditionnelle qui est devenue société moderne, en sacrifiant une partie de son sacré traditionnel jusqu'à l'avènement de l'Etat, est née une nouvelle tension : si le passage de la société traditionnelle à la société moderne a fait surgir une dialectique entre l'individu raisonnable et la société rationnelle, ce second passage de la société moderne à l'Etat moderne constitué - compris comme organisation essentiellement technique mais aussi conscience de la communauté vivante - déplace la tension ou plutôt la complexifie en la situant au niveau d'un face à face entre d'un côté, la société et, de l'autre, l'Etat ; ou encore, entre la société d'une part, et la communauté historique d'autre part. Selon Eric Weil cette tension à un double niveau constitue un des problèmes fondamentaux de l'Etat moderne.27(*)

L'existence de l'Etat ne va pas de soi, l'effort de celui-ci à se maintenir en tant que structure constitue sa première finalité.

3.1. Le telos de la Communauté dans l'Etat : le but de l'Etat, c'est l'Etat lui-même.

L'Etat cesse donc d'être une simple organisation technique pour devenir une structure de la communauté historique qui veut, au - delà des avantages techniques, naturels et institutionnels que l'Etat lui procure, assurer sa propre pérennité. La tâche de l'Etat est donc essentiellement de protéger la communauté menacée potentiellement ou effectivement, en son sein - par la capacité de l'individu à remettre en cause, seul ou en accord avec d'autres, les structures de l'Etat - ou de l'extérieur par d'autres Etats particuliers.

La communauté qui s'organise, aussi bien au niveau du raisonnable, par la survivance du sacré traditionnel dans l'Universel (raisonnable), qu'au niveau rationnel par l'organisation technique qui caractérise la société moderne, s'accomplit dans l'Etat auquel elle n'assigne d'autres buts que celui de durer en tant qu'organisation consciente de la communauté historique dont il est l'émanation.

Ainsi toutes les actions de l'Etat et les décisions qu'il prend sont celles qui visent à résoudre et à prévenir les difficultés qui menacent la survie de la Communauté, en reconnaissant à l'Etat moderne le droit d'user des tous les moyens, y compris violents, pour remplir correctement sa tâche. Dans la société moderne c'est l'Etat - contrairement à la société traditionnelle et au Léviathan de Hobbes28(*) - qui détient le monopole de l'emploi de la violence. Par cette caractéristique, il se distingue des formes d'organisations sociales qui l'ont précédé dans les sociétés traditionnelles où cette aptitude à user de la violence était reconnue à divers détenteurs du pouvoir temporel : Seigneur, Chefs de terres,...Dans l'Etat moderne, écrit Weil, « la vengeance privée comme méthode universelle de redressement des torts a disparu et est poursuivie comme crime. Mais aussi, et c'est le plus important, nul ne peut être contraint en quelque domaine que ce soit ».29(*)

En effet, dans la société moderne, le crime fondamental, à l'exception de la légitime défense évidente, est constitué par l'emploi de la violence dont l'Etat possède l'usage exclusif. Dans Essais et conférences, Eric Weil écrit  que seul, l'Etat possède, selon la conception moderne (qui remonte assez loin du moins comme principe proclamé, un droit à l'emploi de la violence, de la contrainte physique, un droit de vie et de mort. Ce n'est que dans le cas de défense légitime, du danger immédiat et qui ne laisse pas aux organes de l'Etat le temps d'intervenir, que l'individu peut répondre, sans médiation de l'Etat à la violence par la violence. » 30(*)

Il est vrai que c'est une évolution dans la conception de la justice et de l'emploi de la force, mais qu'elle s'exprime plus dans les mots que dans les actes (ce constat l'Afrique l'illustre à souhait).

Cette disposition apparaît cependant comme une aspiration de la société universelle à réaliser un monde où les individus ne se rendent plus justice eux même mais recourent avec confiance à des institutions étatiques chargées de résoudre les conflits et de sanctionner les délits, selon les règles garanties par la morale formelle qui fonde les droits et les obligations.

Il peut paraître incomplet de définir l'Etat comme seul détenteur de la violence, dans la mesure où cette définition comprend des lacunes concernant la manière dont ce monopole s'est constitué et se maintient. Pour compléter cette compréhension de l'Etat, il faudra ajouter une autre notion : celle de l'Etat de droit.

En définissant l'Etat moderne comme « Etat de droit », l'essentiel ne consiste plus dans le monopole de la violence mais dans le fait que l'action de l'Etat comme l'action de tout citoyen est régie par les lois. Cette conception de l'Etat de droit englobe et dépasse la première : la loi devient la forme dans laquelle l'Etat existe.

Pour Weil, le caractère essentiel de la loi est constitué par son universalité formelle. En effet la loi est impersonnelle et opposable à tous, elle ne vise personne en particulier mais tous doivent s'y soumettre. Elle est loi pour tous les citoyens dont elle établit par ailleurs l'égalité : « elle ne connaît aucune différence naturelle et permanente entre individus »31(*). La loi arrive t - elle à résoudre la dialectique et le déchirement qui caractérisent la société moderne ? Essayons de dégager la nature de la loi, pour lever un pan du voile.

* 25 Eric WEIL, op. cit. p. 132

* 26 Ibid., p.135

* 27 Eric Weil, Philosophie Politique, Paris, J. Vrin , 1984 , p. 139.

* 28 Thomas Hobbes, Le Léviathan : traité de la matière, de la forme et du pouvoir de la république ecclésiastique et civile. Introduction, traduction et notes de Fr. Fricaud, Paris, Sirey 1971,1976. 780p.

* 29 Eric Weil, op. cit. p. 142.

* 30 Eric Weil, Essais et Conférences, tome second, Paris, Plon, 1971, p. 365.

* 31E. Weil, Philosophie Politique, Paris, J. Vrin , 1984 p. 145.

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