2. Le tourisme culturel en Tunisie
2.1 Éléments pour l'organisation du
Tourisme Culturel en Tunisie
Pays pétri d'histoire, la Tunisie jouit d'un
potentiel culturel remarquable qui compte autant de sites déclares
« Patrimoine de l'humanité » que la Grèce,
mais, la présentation de ce gisement est tout à fait insuffisante
pour motiver le tourisme culturel. Or, les enquêtes en matière de
motivation et de demande de tourisme culturel démontrent que :
- c'est le désir de l'authenticité qui devient
la base du tourisme
- que patrimoine, culture et tourisme sont de plus en plus
liés car le produit monument est porteur de connaissance,
d'émotion, de plaisir.
- que l'intérêt se porte vers les sites
bénéficiant d'une communication forte, d'une promotion de nature
événementielle d'une charge symbolique puissante et d'une mise en
valeur favorable.
- la population cible (20-39 ans) est une population
familière de la grande consommation et de la communication de masse,
donc habituée à répondre à des sollicitations
publicitaires ou médiatiques.
En conclusion : la demande internationale de tourisme culturel
se confirme et c'est la complémentarité entre
spécificité culturelle et technicité des moyens qui
crée les conditions de la réussite du produit
« Culturel » en terme d'exploitation.
Le mécanisme psychologique qui préside à
cette évolution de la demande est actionné par un ensemble de
facteurs sociaux dont :
- le désir de convivialité qui compense la
solitude et l'anonymat des grandes villes industrielles et qui se traduit par
le besoin nostalgique d'un paradis communautaire perdu à travers la
quête d'authenticité et de mode de vie traditionnels.
Le désir de l'évolution historique : par un
intérêt croissant à 1'égard de l'histoire et de la
civilisation du pays visité.
- cette demande est également le fruit d'une
déception à 1'egard du tourisme balnéaire classique dont
les contre-performances sont à présent établies :
l'impossibilité de comprendre et de connaître le patrimoine d'un
pays au cours d'un voyage rapide, 1'environnement et la présentation de
ce patrimoine et la mauvaise qualité des services étant des
causes de déception et de rejet.
- compte tenu de l'analyse de la demande, le passé de
la Tunisie, encore à 1'état brut, n'est pas consommable.
L'opération de sa mise en valeur exige une disponibilité
réelle de moyens et l'élaboration d'une politique
cohérente de sauvegarde du patrimoine et d'encouragement de la
création culturelle sous toutes ses formes.
L'élaboration d'un produit de qualité
nécessitera : un effort de communication tant à
l'intérieur du pays qu'à l'extérieur. Car un produit ne
peut être valable que s'il est authentique, donc reconnu et
recherché aussi bien par la clientèle nationale
qu'internationale.
- Cette médiatisation doit susciter le désir,
informer et peut être aussi éduquer. La culture a besoin du
tourisme pour s'épanouir, tout comme le tourisme ne peut se passer de la
culture pour se développer.
- un organisme étatique (SHTT) ayant servi de moteur du
secteur touristique à ses débuts, c'est à présent
au tour du promoteur privé de prendre la relève en vue d'impulser
une dynamique nouvelle à ce secteur si important pour l'économie
du pays.
- le produit touristique tunisien étant à valeur
balnéaire dominante, commercialisé pour 1'essentiel sous forme de
forfait incluant transport, hébergement et restauration, la concurrence
interne et externe ont conduit les hôteliers à améliorer
progressivement leurs prestations, tandis que par d'importantes campagnes,
l'Office du tourisme a stimulé la demande en matière de culture
et de nature. Mais conscients de difficultés d'organisation de ce
secteur et du risque de banalisation du label « Tunisie »,
l'ONTT (Office National du Tourisme Tunisien) s'est engagé dans le
discours de la nécessaire diversification en évoquant les
possibilités de développer le tourisme culturel et naturel.
2.2 Comment y parvenir ?
Le tourisme culturel devra-t-il être conçu comme un
produit indépendant du tourisme balnéaire ou un produit
complémentaire ?
L'expérience des pays européens en la
matière démontre qu'il faut éviter de s'enfermer dans la
dichotomie Culture et/ou Nature pour rechercher l'intégration de tous
les facteurs susceptibles de promouvoir le secteur. Cette perspective implique
une définition adéquate des zones touristiques pour affirmer des
valeurs spécifiques aux régions.
En l'état de son expérience, le tourisme
culturel et naturel tunisien est donc un produit à créer. Dans ce
contexte, tout promoteur est un innovateur qui devra chercher son insertion
dans le marché en prenant le moins de risque possible. Ainsi donc, le
rôle d'hôtelier conjugué à celui de tour operator
spécialisé dans les produis culturels et naturels lui permettra
de lancer des produits nouveaux et de prendre position pour I'avenir.
Essentiellement destinée à une clientèle
étrangère, cette offre devra également prendre en
considération la clientèle nationale intéressée
au premier chef par les thèmes de la culture et de la nature de son
pays. Par ailleurs, la mobilisation des touristes devra s'inscrire dans le
cadre traditionnel des agences de voyage et des tours operators tout en
exploitant des formes individuelles telles que logement chez l'habitant ou dans
des petits hôtels hors des circuits de masse.
2.3 Identification des thèmes éligibles
à la promotion touristique
- découverte des sites préhistoriques et
initiation aux civilisations capsienne et protolibyenne.
- découverte des sites archéologiques :
civilisations numide, punique, romaine, byzantine et islamique
- découverte des médinas, villes anciennes
historiques, initiation à la civilisation arabo-islamique et à
celle des Dhimmis juifs et chrétiens
- découverte de villages traditionnels.
- découverte des espaces sahariens et des oasis.
- découverte des campagnes et initiation aux coutumes
paysannes
- découverte des sites naturels et paysages, initiation
à la nature, pratique des sports équestres, alpinisme, chasse.
- découverte de la mer et des milieux insulaires.
- découverte des villes modernes, initiation à
l'architecture arabisante et moderne.
Conclusion :
Face à une demande culturelle qui ne cesse de
croître et que les experts définissent comme la partie la plus
motivante du tourisme confrontée à un patrimoine monumental de
grande qualité mais toujours en manque de crédits pour sa
sauvegarde et sa mise en valeur les autorités de tutelle devraient
conjuguer leurs efforts pour relever la double satisfaction des Tunisiens et
des touristes dans la perspective du développement économique
du pays.
L'organisation du tourisme culturel relève de la
concertation interministérielle. Les départements du Tourisme et
de la Culture déjà habitués à oeuvrer de concert
devaient travailler sur des programmes d'action objet de protocoles d'accord
à inscrire dans le plan de développement économique et
social de la Tunisie sur la base de tels programmes d'actions et protocoles
d'accord quinquennaux, les ministères du Tourisme et de la Culture
seraient en meilleure position pour :
- demander l'ouverture des crédits nécessaires
auprès du ministère des Finances
- impliquer le secteur privé et décentraliser la
gestion du patrimoine en donnant plus de responsabilités aux municipaux
et gouvernorats.
2.4 Le tourisme culturel: nécessite
impérative
a) Pour le développement du tourisme culturel
Que se passerait-il dans le secteur en l'absence d'une offre
adaptée ?
Le tourisme culturel et naturel s'affirme de plus en plus
comme un choix nécessaire, répondant aux motivations d'une
clientèle de plus en plus exigeante quant à la qualité et
à la variété du produit offert. Il doit pour cela
être en mesure de prendre part efficacement à la
compétitivité internationale.
La Tunisie doit affronter, en mettant toutes les chances de
son côté, la clientèle de la dernière
décennie du siècle, définie comme étant celle de la
«génération culture».
Les statistiques prouvent que la valence culture-nature est
une motivation essentielle dans le choix d'une destination.
Le mécanisme psychologique qui préside à
cette évolution peut être décomposé :
- l'éclatement des familles, depuis les années
60, par l'urbanisation croissante et le dépeuplement rural en Europe a
provoqué un phénomène de déstabilisation
individuel. Les conséquences ont été l'augmentation de la
« solitude » (près de 40% de personnes seules en Ile
de France, auxquelles s'ajoute un fort pourcentage de couples sans enfants et
l'augmentation en corollaire des problèmes psycho-analytiques;
- la poussée des clubs de vacances a pour cause le fait
que cette clientèle potentielle a une sensation illusoire de vie
familiale artificielle due à la convivialité inhérente
à ces clubs. Les individus ont besoin de se retrouver en
communauté. Ils ont besoin de racines. C'est pourquoi la sauvegarde du
patrimoine devient importante pour la prise de connaissance de cet espace.
- la création culturelle, la culture c'est d'abord et
avant tout un mode de vie, une gastronomie, une production artisanale et
artistique. C'est dans la recherche de l'autre et de l'authenticité que
réside une bonne part de la véritable expérience
culturelle et de la réalisation de son identité.
C'est dans I'histoire contée que réside
l'histoire et cela se traduit par le besoin de guide - conférencier.
L'émergence de ce tourisme culturel et naturel est
devenue incontournable. La demande touristique le concerne directement.
Elle peut aussi concerner : le balnéaire et le
culturel, le thermalisme et le culturel, le sportif et le culturel, la nature
et le culturel.
Mais balnéaire, thermalisme, sportif, nature uniquement
ne peuvent plus se vendre correctement. De nombreuses études
réalisées sur le tourisme méditerranéen n'ont pas
vu la mutation de la demande liée à l'évolution du
comportement du consommateur. Ces études n'ont pas compris que les
jeunes sont la future clientèle et que celle-ci n'a pas toujours les
motivations de la génération précédente. Le
résultat en a été l'induction en erreur des zones
touristiques balnéaires persuadées qu'elles possédaient le
produit qui serait toujours vendu: le « resort » parfait. Les
grands Tours Operators, eux aussi, ne l'ont pas compris. Quand certains d'entre
eux proposent la visite de cinq ou six capitales en dix jours, ils font la
même erreur, la notion de comprendre, de connaître disparaît.
Le touriste refusera désormais d'emmagasiner des images qui finissent
par se superposer, dénuant ainsi les sites visités de leur valeur
intrinsèque. Ils fabriquent ainsi un contre produit.
Commercialiser un produit culturel destiné au grand
public peut se faire à condition de respecter certaines conditions. On
entend souvent des plaintes concernant le comportement irrespectueux des
touristes dans les sites, musées ... Mais peut-on réellement le
leur reprocher quand les abords sont pris d'assaut par des vendeurs de tous
genres, par l'implantation sauvage de commerces ambulants, par la
prolifération anarchique de points de vente, de restauration rapide,
de gadgets à la mode et de produits pseudo-touristiques qui, même
s'ils répondent à une demande, devraient être plus
strictement réglementés.
Comment prétendre au respect du site,
musée...par le visiteur si le cadre reflète une négligence
sur le plan environnemental ? Ne pas dénaturer un site implique que l'on
veuille préserver son authenticité. La qualité du site
détermine la qualité du comportement du visiteur et
vice-versa.
b) La mise en valeur du tourisme culturel
La demande de tourisme culturel suppose
«1'exploration» de la plus grande richesse du pays : son
passé.
Toutefois, à 1'état brut, cette culture en
Tunisie n'est pas immédiatement consommable. Il s'agira donc, et avant
tout, de la mettre en valeur. Cette opération passe par une
disponibilité réelle de moyens et par l'élaboration d'une
politique cohérente de sauvegarde du patrimoine et d'encouragement de la
création culturelle sous toutes ses formes.
Dans l'état actuel des choses, il n'est pas toujours
possible de parler d'exploitation du patrimoine tunisien sans que cette notion
ne puisse suggérer autre chose que des pierres abandonnées
à leur triste sort.
Ainsi, si l'on vent parler de tourisme culturel, I1 faudra
savoir mettre le produit à la portée de tous d'une façon
intelligible et il faudra assister le touriste dans sa découverte.
L'analyse de la demande de tourisme international, conduit aux
constatations suivantes :
- une demande importante et croissante de courts
séjours : longs week-ends, courtes semaines, 3 à 5 jours,
repartis tout au long de 1'année, au cours des quatre saisons.
- le culturel sert d'attraction forte et irréversible
sinon d'argument de vente pour toutes sortes de tourisme :
* sportif : golf, tennis, montagne, marche
* écologique
* de santé, de remise en forme
* balnéaire
* de congrès
- la demande réclame un bon rapport qualité-prix
mais aussi et surtout une bonne qualité :
* de produit
* de service.
- La médiatisation du culturel devient primordiale.
C'est un problème de communication tant à 1'exterieur du pays
qu'à l'intérieur. Car le produit ne pourrait être valable
qu'en étant profondément authentique donc reconnu et
recherché aussi bien par la clientèle nationale
qu'internationale.
La culture fait vendre, l'histoire fait vendre. La Tunisie
possède une richesse culturelle certaine en vestiges, oeuvres et
ouvrages d'art disséminés au coeur de villes, villages, champs
cultives. Des siècles et des siècles d'histoire, d'invasions, de
colonisations ont laissé des traces dans les moindres recoins.
La demande touristique culturelle est en croissance, l'offre
l'est aussi, si on prend pour exemple :
- En Italie : Florence, Venise, Rome, le chemin des
Etrusques... Mais aussi la mise en valeur des spécificités
locales, gastronomiques, musicales, chorégraphiques, historiques etc...
Toutes les régions cherchent en ce sens et la RAI, dans ses
émissions culturelles, divulgue et met l'accent sur toutes ces richesses
transformées en produits.
- En Espagne : dans la «lettre de l'Instituto
Español de Commercio», le Directeur écrit : « Nous
continuerons à offrir le meilleur de notre gastronomie, de nos vins et
de notre culture »
- En France, depuis la prise de conscience de la demande de
tourisme culturel en 1986, le tourisme a mis en compétitivité la
culture. Les produits touristiques acquièrent grâce à la
présence du culturel une nouvelle jeunesse, d'autres se créent :
circuits et itinéraires culturels... La mise en place de l'Observatoire,
dont les analyses permettent d'ajuster les produits de tourisme culturel
proposés à la demande potentielle, est la leçon à
retenir.
Pour cela, les villes de plus de 150 000 habitants (hors
Paris) ont consacré, 14% de leur budget à la culture. Les plus
fortes augmentations de dépenses de fonctionnement concernent le
spectacle vivant et les musées. Ceux-ci atteignent désormais un
niveau équivalent à celui des bibliothèques et les
prévisions sont :
* La mise en réseau des activités culturelles
à l'échelon régional et entre les villes,
* L'aménagement culturel des villes et des quartiers
* Celui des territoires ruraux,
* Une meilleure contribution des différents domaines
culturels.
* Sensibilisation du public dès le jeune âge
Ces prévisions concernent également:
* le renforcement de la décentralisation (directions
régionales des affaires culturelles) pour préparer de nouvelles
«déconcentrations de compétences ».
* à travers l'Education Nationale, le renforcement de
l'éducation artistique et de la culture en général. C'est
un véritable problème de communication et il ne peut être
valablement résolu qu'en le prenant à la base, dans les
lycées.
- L'Allemagne s'est rendu compte de l'importance
économique du tourisme et depuis Il développe son réceptif
et ses campagnes de promotion à destination de la clientèle
européenne pour un tourisme culturel et de qualité.
2.5 Risques et faiblesses du patrimoine
a) La dégradation naturelle
Les sites historiques sont menacés par la destruction
due au fait de la nature et de l'environnement. Les sites non entretenus sont
fortement exposés à ce phénomène et le stade final
sera la ruine irrécupérable et irréparable
b) le pillage
Le vol et le pillage sont depuis longtemps le principal risque
encouru par le patrimoine archéologique. La civilisation qui
succède à une autre soit elle détruit le patrimoine de
l'ancienne pour le recycler et en construire son patrimoine à elle, soit
tout simplement elle détruit pour effacer la mémoire de ses
prédécesseurs comme s'est fait pour Carthage après
l'invasion des Romains et la destruction presque totale de la citadelle de
Byrsa.
Pour le pillage et le vol de nos jours, les capacités
de contrôle de l'Etat demeurent insuffisantes vu l'étendue du
territoire terrestre surtout dans les zones plus isolées.
c) le piétinement et la
sur-fréquentation
C'est une menace dont souffre certaines salles du musée
du Bardo où l'on trouve encore quelques mosaïques sur les quels les
touristes piétinent sans aucune balise protectrice ou un
aménagement protecteur.
Les sites aussi non aménagés ou peu
gardés sont menacés.
d) l'urbanisation
C'est un danger qui menace les zones proches des endroits
habitées et qui n'ont pas fait l'objet de fouilles.
L'exemple le plus explicatif est celui des maisons construites
après l'indépendance sur les anciennes ruines de Carthage et dont
les autorités à l'époque n'ont pas procédé
à des fouilles et n'ont pas fixé les frontières des parcs
archéologiques à explorer.
De ce fait, des hectares de sites historiques ont
été engloutis à jamais par l'urbanisation.
Une autre menace due à l'urbanisation est le
prélèvement (pierre à construire) et la
dénaturation (aménagements inadéquats).
e) le dépaysement
Il peut avoir lieu suite aux activités de restauration
ou d'aménagement dans les sites et qui peuvent altérer la vision
de ces derniers. Il peut découler aussi de l'urbanisation architecturale
avoisinante et qui entre en contradiction avec l'histoire et la culture du
site.
f) la disparition du patrimoine immatériel
Ce phénomène est général, il est
la conséquence de la mondialisation et l'acculturation subie fait
effacer de façon phénoménale les traditions ancestrales,
des traditions qui remontent aux civilisations berbères tel que la
langue dont on ne trouve actuellement que quelques mots pratiqués par
quelques habitants des villages isolées.
g) la faible sensibilité du Tunisien aux valeurs
patrimoniales
Le Tunisien n'est pas motivé par la culture, les
entrées des Tunisiens aux musées et sites culturels le prouvent.
Malgré la gratuité des entrées aux musées pour les
tunisiens chaque premier dimanche de chaque mois, et la gratuité totale
pour les étudiants, On peut conclure que les Tunisiens ne sont pas
intéressés par leur culture et leur patrimoine.
Mais le problème le plus grave qui se pose est que
ceux-ci croient que les valeurs culturelles et patrimoniales de leur pays sont
dépassées et qu'elles sont en contradiction avec la
modernité.
h) Niveau d'infrastructures et d'équipements non
bien réparti
La majorité des investissements faits par l'Etat dans
l'infrastructure sont concentrés sur le littoral. Les zones
éloignées du pays ne sont pas à pied
d'égalité avec les équipements qu'on trouve sur le
littoral ce qui entrave les possibilités de développement du
tourisme culturel. L'adoption des valeurs du tourisme durable doit à la
fois réduire les disparités sociales et privilégier une
répartition spatiale équitable.
|