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Le droit à  la justice au cameroun (à  l'origine de l'accélération de la modernisation du code pénal camerounais)

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par Amadou Mbeyap Kutnjem
Chaire Unesco des Droits de la personne et de la démocratie,Université d'ABOMEY-CALAVI - DEA Droits de la personne et de la démocratie 2005
  

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B- Un droit de gestion de la poursuite compromis.

Le titulaire du droit au juge peut renoncer à ce droit (1). Acte qu'il ne peut faire lorsque le ministre public a exercé l'action publique. Le titulaire peut, au lieu de renoncer à son droit, saisir le juge et le changer lorsqu'il n'est pas satisfait.Or les voies de recours lui sont souvent fermées (2).

1- La renonciation du droit au juge au Cameroun.

La renonciation est possible lorsqu'on considère le droit au juge comme une faculté95(*). Cependant, l'on pourrait logiquement se poser la question de savoir si le droit au juge doit faire l'objet d'une renonciation. A la vérité, s'il s'agit d'une éventuelle action en responsabilité civile, la satisfaction du demandeur par une transaction par exemple, peut faire l'objet d'une renonciation.

La suspicion est grande quand il s'agit d'une action en responsabilité pénale dont la conséquence peut être la condamnation de son auteur à des peines d'emprisonnement.

Au Cameroun, ce genre de renonciation n'est pas souvent que le fait du justiciable. En effet celui-ci fait souvent l'objet de multiples pressions. Celles-ci sont l'oeuvre de certaines personnes ou certains groupes qui l'obligent à agir contre sa volonté. Il s'agit des sectes religieuses pour des raisons occultes, des communautés autochtones, de la famille. Celles-ci isolent l'individu à des degrés divers et le privent des moyens effectifs pour exercer ce droit fondamental qu'est le droit à la justice96(*). Le droit de changer de juge est aussi une composante importante du droit à la justice.

2- La fermeture des voies de recours.

La saisine du juge pose un problème de confiance97(*) envers celui-ci. Il implique l'existence d'un juge qui donne satisfaction à celui qui le sollicite. Pour M. Jean PRADEL le juge qui ne fait rien ou qui fait mal n'est pas un véritable juge98(*).

Des dispositions juridiques doivent permettre à l'individu de changer de juge lorsqu'il n'est pas satisfait. A cet effet, il faut saluer l'effort que la législation camerounaise a fourni, en prévoyant la possibilité de récuser le juge, le principe du double degré devant certaines juridictions, la possibilité pour le justiciable de décliner les juridictions coutumières pour les juridictions modernes. Cette dernière mesure est un excellent moyen d'intéresser le justiciable à la justice moderne. Mais, le législateur n'est pas allé jusqu'au bout de l'effort. Le contentieux administratif et constitutionnel nous offre de parfaites illustrations.

Au niveau du contentieux administratif, la fermeture des voies de recours est implicite et ressort de l'ambiguïté des délais de recours gracieux préalable. Le juge administratif camerounais a tantôt opéré la computation des délais en se référant tantôt au délai franc tantôt au délai non franc99(*). Le juge frappe alors de forclusion les requérants qui n'ont pas respectés le délai prescrit. Celui-ci n'a plus d'autres alternatives et est privé de tout autre recours100(*) ; cette sévérité est d'autant plus déplorable que le justiciable doit parcourir plusieurs kilomètres pour trouver le destinataire du recours, difficile à déterminer, logé à la capitale politique. Les services de la poste auraient pu être un palliatif. Mais quelle lenteur !

En matière constitutionnelle, les voies de recours sont fermées au simple citoyen sauf en matière électorale où la Cour Constitutionnelle peut être saisie par tout candidat, tout parti politique ayant pris part à l'élection.Il s'agit des élections législatives et de l'élection présidentielle.En ce qui concerne les élections municipales, c'est la chambre administrative qui a compétence. Si l'article 48 de la loi du 18 janvier 1996 est très large en donnant cette possibilité, l'article 50 alinéa 1 dispose quant à lui que « les décisions du Conseil Constitutionnel ne sont susceptibles d'aucun recours. Elles s'imposent aux pouvoirs publics et à toutes les autorités administratives (...) ainsi qu'à toute personne physique ou morale ».

Certes, les membres du Conseil Constitutionnel sont choisis parmi les personnalités de réputation professionnelle établie, jouissant d'une intégrité morale et d'une compétence reconnue101(*). Mais ils ne sont pas infaillibles. Ce d'autant plus qu'ils sont nommés par le Président de la République envers lequel ils voudront montrer leur gratitude.

Si le droit de changer le juge peut parfois être refusé au justiciable, celui-ci doit au contraire, lorsqu'il est dans la position du mis en cause, être rapidement soumis au juge.

* 95 RENOUX Thierry, in RIDEAU Joel op.cit., pp 109-118.

* 96 Infra : voir les causes sociologiques de désaffection, du justiciable vis à- vis de la justice.

* 97 SAWADOGO FILIGA Michel, L'accès à la justice en Afrique Francophone : problèmes et perspectives. Le cas du Burkina- Faso, in L'effectivité des droits fondamentaux dans les pays de la communauté francophone, pp 295-313.

* 98 PRADEL Jean, in RIDEAU Joel, op cit. , pp. 23-32..

* 99 S'agissant des délais francs, ils commencent à courir le lendemain de la décision à Zéro heure (encore appelé Dies a quo c'est- à- dire le jour de la réalisation de la connaissance du fait dommageable de publication ou de notification de la décision litigieuse) et il expire le lendemain du dernier jour (encore appelé Dies aquem) c'est à dire le jour où expire le délai prescrit. S'agissant du celai non franc, il inclut aussi bien le dies a quo que le Dies aquem.

* 100 Voir arrêt n° 173/CFJ/CAY du 08 juin 1971, OWONO-ESSONO-BENOIT C/ Etat du Cameroun oriental, in Rec. MBOUYOM, Tome 2 pp.327-328.

* 101 Article 51 alinéa 1 de la loi constitutionnelle de 1996.

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"Les esprits médiocres condamnent d'ordinaire tout ce qui passe leur portée"   François de la Rochefoucauld