Le droit à la justice au cameroun (à l'origine de l'accélération de la modernisation du code pénal camerounais)( Télécharger le fichier original )par Amadou Mbeyap Kutnjem Chaire Unesco des Droits de la personne et de la démocratie,Université d'ABOMEY-CALAVI - DEA Droits de la personne et de la démocratie 2005 |
2- Un droit réduit de poursuite par les groupements.
L'intérêt du procès peut rejaillir sur un ensemble d'individus, des membres d'un groupe, c'est- à- dire d'une collectivité considérée comme une entité abstraite qui dépasse la somme des intérêts individuels de ses membres. La législation accorde le droit au juge aux groupements à but non lucratif (syndicats, associations, ordres professionnels) dès lors qu'ils sont dotés de la personnalité juridique ou morale, pour la défense de leur propre intérêt en tant que groupement : par exemple une atteinte au patrimoine. La jurisprudence est très réticente lorsque le groupement invoque non un intérêt personnel, mais des intérêts collectifs de la collectivité qu'il prétend représenter. Selon une jurisprudence traditionnelle de la Cour de Justice des Communautés Européennes (CJCE) « on ne saurait accepter le principe selon lequel une association, en sa qualité de représentant d'une catégorie d'entrepreneurs, serait individuellement concerné par un acte affectant les intérêt généraux de cette catégorie ».88(*) Cette prise de position éviterait que, par leur mission, les groupements ne deviennent concurrents du ministère public qui a le monopole de la défense des intérêts généraux et sociaux. C'est aussi pour cette raison qu'au Cameroun comme en France, les établissements publics peuvent exercer un recours pour la protection de leur patrimoine et non pour un intérêt social et moral. Cette théorie qui s'est développée au fil des années est une théorie qui fait du concept de l'intérêt général, un concept « faux » car presque toutes les infractions peuvent nuire aux intérêts propres d'une personne ou d'un groupement. De l'avis de Jean PRADEL, cette conception a sinon disparu du moins est en recul89(*) . La jurisprudence décide aujourd'hui qu'il y à la fois atteinte à l'intérêt général et à l'intérêt particulier90(*). Par ce détour, le juge admet le recours des groupements. Le législateur français par une loi du 26 mai 1992, BC, n°211, admet le recours des associations qui ont un intérêt général, à la condition qu'elles soient déclarées depuis au moins 5 ans. C'est le développement des droits de l'homme qui doit donner un aspect de plus en grande importance à l'action des associations. Ainsi, une association peut ester en justice pour la protection du corps humain, une composante du droit à la santé (lutte contre la toxicomanie), pour l'intégrité corporelle, la moralité (lutte contre les violences sexuelles). Mais la catégorie des groupements n'est pas unitaire. A la suite de la Charte Africaine des droits de l'homme et des peuples, la Constitution camerounaise a proclamé son attachement à la protection des minorités, des groupes autochtones et de la famille91(*). Le problème qui se pose est de savoir s'il faut reconnaître la personnalité juridique ou morale à ces trois entités dont les contours n'ont pas été clairement définis par exemple à un recours pour violation du droit à l'intimité familiale ? Des minorités peuvent-elles revendiquer les droits ? Au Cameroun, si la jurisprudence est réticente en matière du recours exercé par la famille, elle a au contraire fait application de la protection des minorités dans le jugement n°59/CS-CA du 18 Juillet 1996, Roger DELORE EPALE/SDF92(*). Il s'agit ici du respect de la composante sociologique des circonscriptions administratives. La complexité des rapports entre les membres d'une famille motiverait le juge camerounais dans sa réticence. On estime que le chef de famille si besoin est, peut exercer le recours. Cependant en France, l'idée de protection de la famille a germé. L'article L. 211 - 3- 277 du code de l'action sociale et des familles autorise l'Union Nationale des Associations familiales (U.N.A.P), à porter en justice les interdits moraux et matériels de la famille, y compris les infractions prévues par le code pénal, (diffusion des messages à caractère violant ou pornographique). Ce n'est pas seulement une action en responsabilité, mais en protection93(*) . Sur un tout autre plan, on peut logiquement se demander s'il existe un privilège au droit au juge international pour le justiciable camerounais. L'on serait tenté de répondre par l'affirmative, s'il est vrai que « la loi assure à tous le droit de se faire rendre justice ». Cependant aucune loi ne prévoit expressément cette possibilité. Au plan régional, le protocole de la C.A.D.H.P qui prévoit cette possibilité à certaines conditions94(*). Et parlant de possibilité, le droit au juge implique pour le détenteur la possibilité de gérer sa poursuite. * 88 CJCE, 14 décembre 1962, conférence nationale des producteurs de fruits et légumes/ conseil, affaire citée par BARAV Ami `' le droit au juge devant le TPI et la CJCE'' in RIDEAU Joël`'le droit au juge dans l'union Européenne'', op. cit., .pp.191-215. * 89PRADEL Jean, in RIDEAU Joel, op. cit . , pp .23-32. * 90 Cass. Crim, 26 octobre 1994. Cité par PRADEL jean, in RIDEAU Joël, op. cit. , pp.23-32. * 91 Article 17, P. 2 et 3 de la CADHP, préambule de la Constitution camerounaise du 18 janvier 1996. * 92 Arrêt cité par NLEP Roger Gabriel, in Le juge de l'administration et les doits fondamentaux dans l'espace Francophone, op cit., pp.78-79. * 93 PRADEL Jean, in RIDEAU Joel , op. cit., pp. 23-32. * 94 Article 5 alinéa 3 du protocole additionnel de la CADHP portant création de la Cour Africaine de droits de l'Homme et des Peuples `'la Cour peut permettre aux individus ainsi qu'aux organisations non gouvernementales (ONG) dotées du statut d'observateur auprès de la commission d'introduire des requêtes directement devant celle conformément à l'articles 34 (6) de ce protocole.''L'article 34(6) dispose que « A tout moment, à partir de la ratification du présent protocole, l'Etat doit faire une déclaration acceptant la compétence de la cour pour recevoir les requêtes énoncées à l'article 5 al 3du présent protocole.La cour ne reçoit aucune requête en application de l'article5 (3) intéressant un Etat partie qui n'a pas fait une telle déclaration ». |
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