IV- Outils majeurs de valorisation culturelle des archives
audiovisuelles publiques au Bénin
Lorsque l'on évoque la question de la mise en valeur
d'archives, plusieurs idées parviennent à l'esprit. Dans ce
fourmillement de réflexions, l'aspect culturel semble le premier
élément d'analyse. Les archives ont d'abord de par leur contenu
une densité culturelle. Leur application économique et tutti
quanti n'arrivent qu'en seconde zone. C'est fort de cela que l'analyse de leur
valorisation culturelle doit être une préoccupation
quasi-permanente. L'analyse des publics à atteindre et les vertus de la
communication sont des éléments qui entrent en ligne de compte
dans la démarche.
1- L'objectivisme et le subjectivisme du
choix
Le choix de la valorisation culturelle des archives
audiovisuelles reste et demeure ces dernières années dans la
conscience des pays qui en ont compris la nécessité un programme
patrimonial d'importance. Parler de la valorisation culturelle des archives,
c'est penser à leur rôle dans la société, leur
interaction sociale. Les archives, parce qu'elles sont destinées
à la bonne information et la formation de la société
doivent faire l'objet d'une communication et d'une diffusion. La valorisation
culturelle des archives audiovisuelles évite leur fossilisation. Les
archives ne sont pas destinées à être mises sous cape. Leur
intérêt provient de leur degré de fréquentation. Et
le facteur qui garantit le fort taux d'accessibilité reste
indubitablement le facteur culturel. Toute politique centrée sur le
culturel a de fortes chances d'atteindre ses objectifs de départ.
Mais il faudra reconnaître que la solution de la mise en
valeur ne passe pas forcément par les programmes culturels. Les nouveaux
enjeux en matière de gestion des archives font appel à des formes
qui contournent des choix culturels. C'est par exemple, le choix de la
valorisation commerciale pour lequel l'INA a opté ces dernières
années, et qui à notre avis ne viendrait qu'en dernier ressort de
toute action globale de valorisation.
2- La politique des publics face aux engagements
culturels des archives audiovisuelles
Quels sont les publics auxquels s'adresse en priorité le
calendrier des archives audiovisuelles ? En quels termes se pose la question de
l'offre ? Pas de réponses univoques face à cet ensemble de
questionnements. L'importance des chapitres de valorisation culturelle du
patrimoine audiovisuel se mesure à l'aune d'un bon ciblage des publics
dans des circonstances bien identifiées. En définitive, la
politique des publics chemine avec les défis culturels qui se posent aux
archives en général, aux documents audiovisuels en
particulier.
L'offre aux publics est entendue comme l'ensemble des actions
produites par les services culturels en direction des publics. Trois
catégories de publics nous intéressent dans le cadre de cette
étude. Elles nous permettrons de cerner la particularité des
types d'activités adaptées à chaque cible.
2-1 L'offre tout - public
L'action est orientée ici vers un public non
spécialisé. Son caractère composite et divers doit guider
des actions plus généralistes. La diffusion ou la popularisation
des archives ne seront efficientes que si elles empruntent le canal des visites
portes ouvertes, les expositions (temporaires et hors les murs), les visites
thématiques, les cycles de conférences, les colloques, les
visites touristiques et les niches culturelles.
2-2 L'offre aux étudiants
En dehors des mobiles de recherche qui entrent dans un cadre
strictement scientifique, les offres dans ce cas peuvent prendre la forme de
visites conférences destinées à confronter les
mentalités parfois rénovées des étudiants avec les
vraies réalités des contenus archivistiques. Ces visites
conférences peuvent être complétées par des
programmes de colloques sur des thématiques bien spécifiques
(périodes, personnalités, événements, etc).
2-3 L'offre aux jeunes et scolaires
C'est d'un point de vue strictement subjectif, la population
sociale sur laquelle, il importe aujourd'hui de concentrer et de reporter le
clair des actions. Les efforts de rattrapage que nous imposent la
méconnaissance des archives audiovisuelles doivent aller en direction de
cette couche juvénile en mal de repères. Les archives de radio et
de télévision doivent pouvoir les situer sur des
antériorités politiques, historiques, sociales et culturelles,
dans le pur dessein de leur permettre de forger leur auto réflexion sur
l'avenir.
L'offre culturelle nécessite à cet effet une
densification correcte allant d'ateliers pédagogiques à des
visites conférences en passant par les classes patrimoine ou culture,
les itinéraires patrimoniaux sur les archives audiovisuelles, les
visites d'exposition, les activités pédagogiques avec les
musées comme par exemple la mise à disposition de dossiers
pédagogiques, les visionnages et les auditions, l'édition de
médias interactifs comme les CD-ROM sur les contenus des archives
audiovisuelles, les vidéodisques, les jeux interactifs.
Figure 2 : La politique des publics dans la
valorisation culturelle des archives
Tout public
Public étudiant
3- Archives audiovisuelles, valorisation culturelle et
communication culturelle
La communication est l'un des éléments essentiels
de la valorisation des archives et de leurs services éducatifs. Il
existe incontestablement un lien fort entre archives et communication. Les
archives sont faites pour être communiquées. Sans la
communication, les archives se fossiliseront dans le réduit des locaux
de conservation. Et lorsqu'on parle de communication dans le cadre des archives
audiovisuelles, on est dans le cadre d'une communication culturelle de masse.
Cette dernière passe par une pluralité de points et d'actions.
Outre l'information par des moyens de communication externe, les agents
culturels doivent pouvoir offrir au public des documents d'appel ou de
présentation qui permettent de renseigner et de proposer les services
adaptés à la demande
3-1 Les services de communication culturelle
proposés
Les différentes structures impliquées de quelque
manière que ce soit dans les archives doivent mener des actions de
communication culturelle qui portent en minorité sur les services
qu'elles doivent offrir traditionnellement au public à savoir : accueil,
aide et orientation. En revanche, leurs actions doivent pointer les moyens avec
lesquels ces services informent sur leurs activités.
La communication culturelle sur les archives suppose que les
structures impliquées dans
la valorisation culturelle, comme le Centre Culturel des
archives audiovisuelles en projet, informent sur les
activités qu'elles mènent et les manifestations
qu'elles organisent par l'entremise des supports que sont la
radio, la télévision la presse écrite et
l'Internet. Dans cet ordre d'idées, l'on retrouve les médias
spécialisés
voire généralistes, les médias associatifs
et les revues scientifiques.
L'Internet évoqué ci-dessus doit être
intégré radicalement dans les pratiques de communication des
services concernés.
Dans le même sillage, la politique de communication
culturelle est perçue comme le rôle
des services d'archives de programmer et mettre à
disposition des festivals, expositions, institutions
culturelles, opérateurs culturels des corpus et extraits
thématiques dans le cadre des grandes
manifestation culturelles. L'accompagnement de
l'intégration de l'image dans les pratiques par une
politique active de communication de programmes entiers vers le
secteur institutionnel.
3-2 Les produits de communication
culturelle
Ce sont les documents papier, brochures ou dépliants de
présentation, programme des activités, plan du service, aide
à la visite, catalogues, dossiers de presse et autres communiqués
qui servent d'éléments de visibilité des actions
entreprises par les services d'archives. Les produits de communication sus
indiqués ont le devoir d'aller aussi bien vers les médias que
vers le grand public. Les documents de présentation sont les produits
les plus utilisés en communication culturelle. A cela s'ajoutent
d'autres documents comme les affiches, les marque-pages, les signets, les
feuilles ponctuelles sur les événements, les plaquettes produites
à l'occasion d'une manifestation, les lettres d'information, les guides
pratiques pour l'utilisation des archives, les prospectus d'information
pédagogique. Le dispositif de communication doit prévoir
également des documents en écriture braille à mettre
à la disposition des aveugles et autres malvoyants : textes en braille,
maquette tactile.
3-3-L'animation d'émissions s'inspirant des
archives audiovisuelles
Dans le cadre de ce projet, une autre manière de
redonner vie aux archives en les mettant au service d'objectifs culturels
serait de les intégrer dans des programmes de radio et de
télévision. C'est une façon toute simple de les rendre
vivantes. Ainsi donc, des émissions peuvent constamment puiser dans les
fonds archivistiques à l'instar de l'émission «
Archives d'Afrique »41 de Radio France Internationale.
L'avantage est double dans ce cas. Il se situe dans le fait pour les archives
de sortir du risque de fossilisation et d'être utile à l'ensemble
de la communauté. Ensuite, c'est une façon induite d'encourager
l'archivage des documents. Les efforts s'intensifieront ainsi autour du projet
d'archivage pour être mis au service des émissions qui se
nourrissent de ces archives.
Mieux, des fonds d'émissions culturelles seront
constituées à travers des productions radiophoniques et
télévisuelles sur le patrimoine culturel dans son ensemble. Des
émissions entières porteront sur les danses, les rituels, les
sites, les pratiques culturelles. Tout ceci va accroître le capital voire
le potentiel documentaire béninois en matière culturelle.
3-4 L'initiation des entretiens du patrimoine, comme
complément d'actions culturelles
La question de l'accroissement, l'enrichissement des
collections est un chapitre clé de toute action de gestion d'un fonds.
Il n'y a pas de collections définitives, pas plus qu'un fonds ne se
limite à ses premières acquisitions. C'est un processus sans fin,
qui se nourrit d'expériences complémentaires et utiles. C'est
à cette seule condition qu'une institution culturelle peut varier les
possibilités offertes au public et remplir au mieux sa fonction
culturelle. Les archives en général, aussi bien que les
musées et les bibliothèques s'inscrivent dans une logique
transversale de ce point de vue. Un conservateur de musée doit sans
cesse par don, achat, prêt, dépôt veiller à
l'accroissement de ses collections. Cette préoccupation de chasse
à l'oeuvre taraude également le conservateur d'archives
audiovisuelles. Ceci lui permet de combler les trous observés et de
racheter la société face à son histoire. Entendu ainsi, il
est possible pour des sujets sur lesquels on dispose de très peu
d'éléments, et dont les acteurs ou les protagonistes sont encore
en vie d'entreprendre l'oeuvre de recueil de leurs témoignages. Hamadou
Ampaté Ba avait déjà compris cela lorsqu'il écrit
qu'en Afrique lorsqu'un vieillard meurt c'est une bibliothèque qui
brûle. La proposition des « entretiens du patrimoine »
permettra de vite éteindre le feu qui risque de consumer la
bibliothèque que constituent ces mémoires encore vivantes. La
démarche a pour but de sauver ce qui peut l'être pour
éviter que ne s'éteigne sous nos yeux notre histoire. Au
Bénin, où beaucoup de documents ont dû disparaître
sous l'effet de plusieurs facteurs sus énumérés, il
41 Il s'agit d'une production de Radio France
Internationale réalisée par le franco-camerounais Alain Foka.
Elle s'appuie sur les documents d'archives pour livrer une grande page de
l'histoire africaine à travers ses grands hommes.
urge alors de sauter sur les acteurs de certains faits
prégnants encore en vie pour reconstituer des faits42.
L'initiative doit être conduite aussi bien dans les médias publics
que dans des lieux du patrimoine garant de la mémoire du peuple.
3-4-1 Dans les médias publics
Les médias publics dans le cadre de leur mission
culturelle au service du développement
national doivent mobiliser les efforts et apporter leur
écot à l'aboutissement correct des entreprises de
valorisation culturelle des archives. Pour provoquer le rendez
vous entre les générations actuelles et
celles à venir, il faut présenter à ces
dernières toute leur histoire.
La mémoire d'un peuple ne peut pas lui être
présentée par morceaux. Or aujourd'hui,
face à l'évidence d'un mauvais traitement des
archives et à l'indifférence affichée vis-à-vis de
leur
conservation, le risque de perte de quantités de
documents importants est présent. Mieux que cela, les
archives ignorent certaines figures qui ont marqué leur
temps parce qu'on n'a pas eu le bon flair de les
immortaliser pour les générations. Les
médias doivent corriger leurs tares, rattraper leurs retards. Car,
nombre de ces figures sont encore vivantes. Des campagnes
d'enregistrements patrimoniaux doivent
alors être initiées dans le cadre d'un programme
spécial initié par ces médias. Des figures politiques,
culturelles, littéraires doivent être
interviewées sur des sujets précis dans le cadre de dossiers
prégnants
pour lesquels les livres et autres imprimés restent
parfois muets. Des témoignages de leurs congénères
encore vivants, d'historiens seront recueillis à l'appui
pour produire in fine des supports complets qui
pourront être absorbés par les lieux de culture
(bibliothèques, centres d'archives, musées etc).
3-4-2 Hors des médias
L'initiative des entretiens du patrimoine ne doit pas
être laissée aux seuls médias. Les impératifs
d'actualité et autres contraintes peuvent retarder leurs actions. C'est
pour cela que les bibliothèques, musées, centres culturels ont
aussi le devoir de commander ce type d'enregistrement qui enrichira leurs
collections et programmes d'activités.
42 Ici apparaît le lien avec le programme de
l'UNESCO sur la sauvegarde du patrimoine immatériel et des
Trésors humains vivants.
4- La valorisation culturelle des archives, un nouvel
axe de développement national
Les archives audiovisuelles ne doivent plus être
considérées aujourd'hui comme il y a une vingtaine
d'années. Le changement d'attitude de la société
vis-à-vis d'elles est à fortement rechercher. Continuatrices
positives de la conscience des groupes sociaux, les archives sont des canaux de
formation intergénérationnelle. L'observation des archives, leur
position sociale et le rôle pédagogiques qu'elles jouent sont
autant de facteurs qui peuvent induire le développement.
L'enjeu économique des archives est
indémontrable. Elles sont au confluent des activités
d'éditeurs, de producteurs, d'opérateurs culturels pour ne citer
que ceux-là. Par conséquent, les incidences financières
sont énormes pour les services de communication d'archives.
La promotion culturelle des archives est un chapitre entier
d'enseignement. La lecture des archives, leur interprétation
suggère des idées nouvelles s'inspirant du passé. Le
niveau d'observation des contenus permet d'analyser les échecs, d'en
détecter les mobiles, de les éviter dans les expériences
nouvelles et de tirer bénéfices des succès.
Il ne sert à rien de regarder platement dans les
contenus des archives. Elles sont une mine de renseignements pouvant aider les
responsables à divers niveaux dans les stratégies d'actions et
dans la mise en oeuvre de politique. Ce sont des outils d'aide à la
décision.
La valorisation culturelle des archives audiovisuelles, comme
nous le démontrions plus haut peut être mis au service du tourisme
culturel. Et dans ce cas, les bénéfices et les profits qui en
découleront sont insoupçonnables, à l'aune des
activités directes et indirectes qui y sont rattachées.
Dans un contexte de mondialisation où tout peut et doit
contribuer au développement, les archives audiovisuelles sont un bout
majeur à tenir. La culture étant un élément de
poids dans l'exercice des capacités, la mise en valeur culturelle des
archives doit permettre de ratisser large par l'invention de schémas
diversifiés autour de la philosophie du développement. Le
préambule du site Internet du Conseil International des Archives tout en
reconnaissant d'ailleurs que les archives sont un élément
clé de la société de l'information, ajoute «
qu'en témoignant des activités menées et des
décisions prises, elles assurent à la fois la continuité
des organismes et la justification de leurs droits, ainsi que de ceux des
individus et des États. Parce qu'elles garantissent l'accès des
citoyens à l'information administrative et le droit des peuples à
connaître leur histoire, les archives sont essentielles à
l'exercice de la démocratie, à la responsabilisation des pouvoirs
publics et à la bonne gouvernance »
|