III- Le patrimoine audiovisuel dans la politique culturelle
du Bénin
C'est la politique culturelle conduite par l'Etat qui
définit les grandes priorités en matière de
développement culturel au Bénin. Elle fixe les grandes directives
qui doivent être encadrées, évaluées par les
services techniques du ministère de la culture compétents en la
matière. Ces services veillent à prendre en compte tous les
domaines de la vie culturelle tels les Lettres, les différentes
disciplines des Sciences humaines, les Arts scéniques, plastiques,
musicaux, cinématographiques. Comme on le constate, la politique
culturelle du Bénin prend en compte toutes les industries culturelles du
Bénin. Les archives audiovisuelles en sont à notre sens un
élément clé. Mais quel est leur niveau de prise en compte
dans la politique de développement culturel national?
1- Archives audiovisuelles au Bénin et culture :
La place de la diversité culturelle dans la réflexion
« Source d'échanges, d'innovation et de
créativité, la diversité culturelle est, pour le genre
humain aussi nécessaire qu'est la biodiversité dans l'ordre du
vivant. En ce sens, elle constitue le patrimoine commun de l'humanité et
doit être reconnue et affirmée au bénéfice des
générations présentes et des générations
futures.»22
Le débat sur la diversité culturelle prend de
l'ampleur ces cinq dernières années. Son intérêt ne
se limite pas qu'aux milieux culturels mais pénètre dans tous les
cercles d'acteurs motivés par les questions de développement. La
diversité culturelle apparaissant comme une affirmation de
l'identité culturelle du groupe, de la communauté dans un esprit
de partage et de rencontre est apparue comme une recette puissante dans la
recherche de la paix mondiale et du dialogue. L'UNESCO a fait de la
diversité culturelle le coeur de son projet « Décennie
mondiale de développement culturel ». La Francophonie a entrepris
ces dernières années des échanges entre ses Etats membres
sur le sujet. L'Union Européenne s'est également saisie de la
question. Le Réseau International de la Politique Culturelle
créé en 1998 sur l'initiative du Canada a reconnu la
nécessité de la protection et de la promotion de la
diversité culturelle. Autant d'exemples qui montrent l'actualité
du débat sur la diversité culturelle.
A un moment où les risques d'uniformisation sont
réels dans la mouvance de la mondialisation qui transforme non seulement
les bases traditionnelles des échanges économiques mais
également des autres dimensions de la vie en société, la
campagne pour la reconnaissance de la diversité culturelle a tout son
sens. Le Bénin n'est pas en marge de cette lutte. En accueillant en
2001, la 3ème Conférence ministérielle sur la
Culturelle, le Bénin était des pays qui ont reconnu
l'impérieuse nécessité de la défense de la
diversité culturelle comme cadre de développement.
Le pluralisme médiatique au Bénin, l'aide aux
artistes, l'encouragement de manifestations culturelles diverses sont autant de
repères certes encore parcellaires, mais témoins de la
présence du Bénin dans le débat sur la diversité
culturelle. Membre de la Francophonie et ayant exprimé son accord aux
diverses propositions faites jusque là dans ce sillage, la position du
Bénin ne surprend guère.
L'intérêt affiché par le Bénin pour
l'enjeu de la diversité doit s'étendre au patrimoine audiovisuel
produit par les médias. Les médias ont permis grâce
à leurs productions de fixer les réalités culturelles,
historiques
22 Déclaration Universelle de l'UNESCO sur la
diversité culturelle, UNESCO, Paris, Novembre 2001. Une convention sur
la diversité culturelle est en ce moment en préparation.
du pays donnant lieu à un nouveau genre
d'héritage. Cet héritage audiovisuel est un élément
d'identification du peuple béninois et marque ses différences
culturelles, ses particularités, en tant que richesse et contribution au
dialogue avec les autres peuples. C'est pour cette raison que la
réflexion sur la diversité culturelle doit s'appuyer
sérieusement sur la défense des archives audiovisuelles qui sont
des puissants vecteurs d'identité.
2- La place du patrimoine audiovisuel dans les
préoccupations des institutions culturelles étatiques : exemple
du ministère béninois de la culture
C'est le Ministère de la culture qui est chargé
au Bénin de mettre en oeuvre la politique culturelle du Bénin.
Les services techniques rattachés à ce ministère
« veilleront à intégrer à leurs activités
l'héritage du passé et les apports nouveaux issus du génie
créateur du peuple et du contact avec l'extérieur »
ainsi que dispose l'acte de déclaration de la politique culturelle du
Bénin. Le même texte dispose que « la politique
culturelle du Bénin mettra un accent particulier sur la sauvegarde et la
restauration du patrimoine en péril dans le souci d'enrichir
l'héritage culturel pour les générations
futures» C'est pourquoi, il est indiqué que l'État
béninois procédera au recensement, l'inventaire, la protection de
l'ensemble du patrimoine culturel béninois par des actions
concrètes et le renforcement des instruments juridiques. Nulle part on
ne voit transparaître clairement la place accordée au patrimoine
audiovisuel en péril, à savoir les archives qui souffrent d'un
manque de conservation, entre la vie et la mort. Le point 6.3. de la politique
culturelle qui aborde le domaine de l'audiovisuel énonce simplement sans
aller en profondeur que « l'État favorisera les initiatives
privées qui voudront installer des studios d'enregistrement, de pressage
de disques et de duplication de cassettes. Il veillera à réduire
les taxes d'importation des phonographes, des vidéo-cassettes et des
magnétoscopes qui ne doivent plus être considérés
comme des produits de luxe mais plutôt comme des produits de consommation
courante».
A l'analyse, il semble que la base soit faussée à
ce niveau, d'autant plus que le Ministère de la culture ne met en
application et n'intègre dans ses actions que les points contenus dans
la politique générale. Les discours officiels, les programmes
initiés par les pouvoirs publics en faveur des milieux culturels n'ont
jamais évoqué avec netteté le poids des archives et les
urgences de leur conservation pérenne. Les relations sociales
qu'entretiennent ces archives avec les hommes n'ont curieusement pas
suggéré des initiatives courageuses allant dans le sens d'une
gestion scientifique des archives audiovisuelles pour leur exploitation
culturelle. La déclaration de politique culturelle nationale proclame la
nécessité d'équiper « les archives nationales en
matériels techniques pouvant permettre leur bonne conservation
». Et s'il est vrai que les Archives nationales ont
bénéficié depuis les années 90 d'une relative
modernisation, il est encore précipité de croire que cela s'est
joué au profit des documents. Les Archives nationales qui doivent
recevoir pour l'archivage définitif les supports attendent depuis le
début du Renouveau démocratique les stocks que doivent lui
envoyer la radiodiffusion et télévision béninoises.
Le ministère de la culture ne pouvant exercer aucune
autorité sur les Archives nationales, celles-ci déférant
aux injonctions de la Présidence de la République, il s'en suit
un problème d'attribution, ce qui n'est pas de nature à permettre
au Ministère de la culture d'intégrer réellement dans son
agenda la question des archives audiovisuelles. Cette absence criarde de la
question des archives audiovisuelles dans les préoccupations des
institutions culturelles publiques comme le ministère de la culture est
aussi perceptible au niveau des instruments juridiques
3- Les archives audiovisuelles dans les textes
nationaux sur le patrimoine culturel
Les textes juridiques ont toujours servi dans tout domaine de
l'activité humaine d'outils d'accompagnement des actions de toutes
natures. En matière d'environnement, la lutte contre la pollution est
régie et soutenue par des textes ; la lutte contre le trafic des enfants
s'adosse à des instruments répressifs. De la même
façon, l'éducation à la pratique de la bonne gouvernance
s'appuie sur des arsenaux qui fixent les lignes d'action. La promotion du
tourisme national ne devient une réalité que si un code de
tourisme vient en appoint. Dans le même ordre d'idées, le domaine
de la culture ne doit pas échapper à cette logique. Au
Bénin, où il existe une cadre relatif à la protection du
patrimoine culturel, le constat révèle la non prise en compte
totale du patrimoine audiovisuel. Aucune allusion aux archives en
général n'est faite.23 La loi relative à la
protection des droits d'auteurs fait brièvement référence
en son article 2 à l'impérieuse nécessité
d'intégrer dans les démarches de production audiovisuelle, la
conservation et la sauvegarde des documents.
Ce dernier exemple est un cas isolé si l'on sait que
plus aucun texte et instrument ne vient prêcher nettement dans le
même sillage. La déclaration de politique culturelle d'Avril 1990,
bien qu'affirmant la nécessité pour la législation
culturelle d'embrasser tous les domaines culturels ne cite pas dans les formes
juridiques énoncées l'urgence d'une loi sur les archives en
général. Ceci ne devait pourtant pas être marchandé
lorsque l'on sait, d'une part, toutes les atteintes qui frappent les archives
audiovisuelles par défaut de conservation, d'autre part, les questions
de droits d'auteurs qui s'y rattachent.
23 L'Ordonnance No 35/PR/MENJS du 1er
Juin 1968 relative à la protection du patrimoine culturel
Si au Bénin, des tendances lourdes sont perceptibles,
dans d'autres pays par contre, le patrimoine audiovisuel fait l'objet d'un
travail sérieux de valorisation culturelle. C'est le cas de la France,
à travers l'Institut National de l'audiovisuel qui est l'autorité
publique de conservation et de mise en valeur des archives audiovisuelles qui
représentent la mémoire de la radio et de la
télévision française.
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