Problématique
Depuis 1953, le Bénin alors qu'il était Dahomey,
donc sous l'emprise coloniale faisait sa première expérience en
matière de radio. Les premiers sons arrivent à cette date
grâce à la mise en place d'une chaîne de radio reliée
à la métropole. De cette période à ce jour, il y a
eu une certaine évolution non seulement dans le domaine de la radio mais
aussi dans celui de la télévision, puisque vers la fin des
années 70, une première chaîne de télévision
a vu le jour, celle qui va être la télévision nationale du
Bénin et s'ajouter à la Radio nationale. L'existence de ces
médias publics permet déjà d'avoir aussi bien du son que
de l'image jusqu'à l'apparition vers la fin des années 90 des
médias libres qui renforcent l'environnement audiovisuel. Mais
aujourd'hui avec un sérieux recul rien ou pas grand'chose ne donne
l'espoir ou la garantie de l'existence de tous les documents témoins de
l'histoire politique, sociale, culturelle, économique puis de celle de
la radio et de la télévision au Bénin. Les archives des
premières années d'indépendance n'existent pratiquement
plus sur support magnétique dans les médias publics. Les sons et
images de la toute récente conférence nationale des forces vives
de la Nation de Février 1990 s'effritent et menacent de
disparaître. Beaucoup de documents retraçant des
événements nationaux à caractère culturel,
politique, économique sont sortis de la mémoire des
médias, puisqu'ils se sont raréfiés sous l'effet de
plusieurs facteurs. Dans les nouveaux médias libres qui ont vu le jour
juste après le processus de démonopolisation de l'espace
audiovisuel, la tendance est demeurée la même à des nuances
près.
Bref, au Bénin, la question de l'archivage des oeuvres
de l'audiovisuel n'est pas une préoccupation nationale et ne fait pas
l'objet d'une politique. La culture de l'archivage même reste à
construire. Seules de timides initiatives sectorielles s'observent et se
mesurent à l'aune des vidéothèques, bandothèques,
discothèques au sein des différentes chaînes de radio et de
télévision. Or l'article 14 de la Charte culturelle de la
République du Bénin du 25 février 1991 dispose «
l'Etat béninois s'engage à protéger la totalité de
la production nationale scripto-audio-visuelle. Il en assure l'acquisition, la
conservation et la circulation par tous les moyens. »
Les archives nationales du Bénin qui sont l'organe
officiel d'archivage des archives aussi bien écrites qu'audiovisuelles
du pays restent amorphes dans leurs démarches. L'archivage audiovisuel
à ce niveau reste quasiment nul. Quelque 150 bandes magnétiques
de la période révolutionnaire sont seulement
conservées par cette structure. Une malformation lorsque
l'on sait que l'article 16 de la charte culturelle ci-dessus citée
stipule « l'Etat béninois s'engage à faciliter au Centre
des Archives nationales, par toutes les dispositions légales,
l'accomplissement de sa mission, notamment la création de
dépôt d'archives dans toutes les administrations et la collecte
des archives publiques et privées et des organes de presse
».
Si il y a ce constat évident, cela est dû à
l'inexistence d'une politique clairement définie autour de l'archivage
audiovisuel. Les discours officiels farcis de proclamations de foi tranchent
nettement avec la réalité. Or les défis de la
société de l'information en relation avec les impératifs
culturels n'autorisent guère l'indolence et l'indifférence
affichée au Bénin vis-à-vis des archives.
L'indifférence est d'autant plus grande qu'hormis le Conseil
International des Archives (CIA) auquel il appartient, le Bénin n'est
affiliée à aucune autre structure ou Fédération
internationale d'archives audiovisuelles et sonores bien que cela ne suppose
dans bien des cas aucune contrainte financière insurmontable. Or,
l'adhésion aux Associations ou Fédération Internationales
d'archives audiovisuelles et sonores5 donne l'occasion d'un
renouvellement des connaissances et d'actualisation des perceptions des Etats
et structures affiliés sur les méthodes nouvelles de conservation
et de sauvegarde.
La Radiodiffusion et la Télévision nationales
publiques du Bénin sont les seuls à posséder le stock le
plus ancien de document audiovisuel. Ces documents sont uniques et fragiles.
La mémoire nationale ne se construira pas tant que ces
archives poursuivront leur itinéraire dans l'abîme
irréversible, et que le tout dernier document enregistré n'a de
durée de vie que le temps de sa diffusion. Il faut non seulement
sauvegarder ce qui se meurt, mais il devient aussi important de conserver et de
préserver ce qui est nouveau afin qu'il ne subisse pas le sort de
l'effritement. Les perspectives sont souriantes dans un contexte mondial
caractérisé par des choix technologiques les uns aussi pertinents
que les autres, les uns aussi financièrement abordables que les
autres.
Nombreux sont les défis qui se rattachent à ce
jour aux archives audiovisuelles. Aux impératifs économiques se
joignent les nécessités de productions dans les médias.
Mais il y a aussi la densité culturelle des documents d'archives
audiovisuelles. Le programme de leur gestion doit prendre en compte un chapitre
de mise en valeur, d'accès au public voire de communication. Cela
paraît relever davantage d'un impératif que d'un simple choix. Or
au Bénin, étant donné que l'archivage audiovisuel a
toujours été
5 Il s'agit principalement de la FIAT, la
Fédération Internationale des Archives de
télévision, la FIAF, la Fédération Internationale
des Archives de Film, l'IASA, l'Association Internationale des Archives
Audiovisuelles et Sonores, l'AMIA, l'Association des archivistes des images en
mouvement. Toutes ces fédérations et associations jouent un
rôle important d'information voire de formation sur les enjeux actuels
des archives et réunissent les organismes et professionnels du monde
une préoccupation marginale, rien n'est entrepris dans
le cadre de la valorisation culturelle des archives. Les lieux de culture ne
profitent pas encore des vertus culturelles des archives audiovisuelles. Or les
archives sont destinées à l'information et à la formation
du public et doivent, par conséquent, être communiquées. De
ce point de vue il y a, au regard du constat, beaucoup d'efforts à
consentir pour la promotion culturelle des archives. Et cela passe par des
approches intégrées.
Pourquoi est-il si nécessaire voire indispensable de
valoriser culturellement les archives de radio et de télévision
au Bénin ? Par quoi passe une politique de promotion culturelle de ces
archives ? Quels sont les différents éléments qui
interviennent dans un tel mouvement ? Comment peut on profiter de la
révolution technologique en cours dans le monde, en clair, la
numérisation dans cette dynamique de valorisation culturelle des
archives de radio et de télévision ? Quelles peuvent être
les solutions pertinentes qui permettront de replacer les archives au coeur de
la réflexion générale sur le patrimoine ? De quelle
façon, nécessités de valorisation culturelle et
impératifs de développement se réconcilient-ils ? Autant
de questions qui serviront de toile de fond à cette étude en
deux parties et auxquelles nous répondront à travers plusieurs
points dans ce développement.
Dans une première partie, nous ferons un état des
lieux de la situation des archives audiovisuelles au Bénin à
travers l'ensemble des structures qui les détiennent notamment les
chaînes nationales publiques de radio et de télévision. Une
analyse de leur état de conservation et de valorisation culturelle sera
menée et permettra d'appréhender les défis à
relever.
Dans une seconde et dernière partie, nous
émettrons des propositions claires susceptibles de contribuer à
inverser la tendance au regard de notre expérience acquise en stage
professionnel à l'INA. Nous y développerons notre projet de
création au Bénin d'un Centre Culturel des Archives
Audiovisuelles.
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