2.3. Conflit de pouvoir coutumier
Le tenant du pouvoir dans la Chefferie des Bafuliiru est le
Chef de la collectivité communément appelé Mwami. Il est
le Chef de l'exécutif et le représentant de l'ordre et garant de
la coutume. Sa personne est sacrée.
A partir des données récoltées, il sied
de préciser que la Chefferie des Bafuliiru connaît un certain
nombre de problèmes sur le plan politique, économique,
socioculturel et organisationnel.
Sur le plan politique, il y a lieu de dire que cette Chefferie
traverse une crise de légitimité qui date de longtemps et affecte
son développement. Les différents documents administratifs et les
rapports qui remontent à l'époque Belge en République
démocratique du Congo montrent que cette Chefferie a connu des conflits
de succession au pouvoir coutumier. L'étude de BashendeBweyo
René10 sur « L'administration et les conflits de
succession au pouvoir coutumier dans la Chefferie des Bafuliiru »
révèle que les causes de ces conflits sont la polyginie des
Bami, la course au pouvoir des princes, la confusion entre la règle
coutumière et la légalité moderne,
l'incompréhension de la légitimité du choix du Mwami entre
les sages et les Banjoga, mais aussi entre les princes. Ils se battent pour le
pouvoir. Premièrement, chacun se considère comme un potentiel
successeur après la mort du père; d'où des conflits de
succession. Deuxièmement, les princes en conflit recourent à
l'administration pour être départagés et investis. Deux
sources de légitimité apparaissent : la coutume et la loi. Cette
dualité donne lieu à une confusion qui ne devrait pas exister en
principe, entre le droit coutumier et le droit moderne. Troisièmement,
il crée
9ButiyeRukika Ephrem, Assistant de pratique
professionnelle à l'ISDR-Uvira, originaire du village de Butole dans la
Chefferie des Bavira.
10BashendeBweyo René, L'administration
et les conflits de succession au pouvoir coutumier dans la Chefferie des
Bafuliiru, Annales de l'UEA, Numéro 5, Volume 4, Bukavu, Mai
2015.
REVUE DE L'IRSA NUMERO 25, JUIN 2019 178
une compétition entre l'élite traditionnelle et
l'élite moderne qui nourrit un projet de transformer la Chefferie en
Secteur pour mettre un terme au conflit de succession.
Dans son étude, BashendeBweyo Renésoutient que
huit conflits de pouvoir ont déjà eu lieu : les conflits entre
Kirunga et Nyamogira, Nyamogira II Shengeroet Ruguduka, pendant le règne
de Mukogabwe II Mahina, Muhogo et Matakambo, André Muzima et
SimbaNyamogira, SimbaNyamogira et Musa Marandura, SimbaNyamogira et
KayambaKabuya ainsi qu'entre Ndare et Albert MuzimawaSimba.
Le conflit entre Albert MuzimawaSimba et Adam Kalingishi tire
ses origines dans la succession de Simon NdareSimba, Chef de
collectivité décédé depuis le 22 décembre
2012, le premier étant son petit-frère et le second son fils
Aîné. Ce conflit a divisé les notables des Bafuliiru,
notamment les gardiens de la coutume, BulangalireMajagira Espoir,
BitakwiraBihonaHayi, MasumbukoRubota, Mubengwa,
MishoniowaRusati,
KwigwasaNakahuga, BitijulaMahimba, KanyegereLwaboshi,
BalibwaNdezi,
MwambaRugendusa, MatendoBagezi, MasineKinenwa,
Monseigneur KuyeNdondowaMulemera et les sages fuliiru (SelemaniBujaga,
Mujuguvya, Kawawa, MashimangoKateranya, DugaMuke, Lungwe Diallo,
MuchepeKirugira).
Ce conflit qui engage plusieurs acteurs a créé
deux tendances : le groupe de sages de « Lubunga » constitué
des Bafuliiru d'Uvira qui soutenaient Adam KalingishiNdare, Chef de
collectivité, pendant que les Banjoga (gardiens de la coutume)
insistaient qu'il aille d'abord étudier et qu'Albert MuzimawaSimba
dirige et assure l'Administration de la Collectivité. Quelques
élus du territoire et certains notables des Bafuliiru voudraient bien
que Monsieur Albert Muzima Wa Simba soit investi au pouvoir et assure
l'administration de la collectivité même si c'était Adam
KalingishiNdare qui détenait le pouvoir jusqu'à ce jour.
La persistance de ce conflit impacte négativement le
développement de la Chefferie des Bafuliiru. L'argent affecté par
le gouvernement central en termes de rétrocession pour la
réhabilitation des infrastructures et le fonctionnement, sert de peau de
vin que le Chef utilise pour se maintenir au pouvoir au lieu de s'occuper du
développement de son entité.
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