WOW !! MUCH LOVE ! SO WORLD PEACE !
Fond bitcoin pour l'amélioration du site: 1memzGeKS7CB3ECNkzSn2qHwxU6NZoJ8o
  Dogecoin (tips/pourboires): DCLoo9Dd4qECqpMLurdgGnaoqbftj16Nvp


Home | Publier un mémoire | Une page au hasard

 > 

Le Docteur Bendjelloul: l'opposition loyale à  la colonisation ? (1930-1962)


par Hélène Koning
Sciences Po Paris - Master 2024
  

précédent sommaire suivant

Bitcoin is a swarm of cyber hornets serving the goddess of wisdom, feeding on the fire of truth, exponentially growing ever smarter, faster, and stronger behind a wall of encrypted energy

Partie III - Chercher une issue au conflit colonial

dans les institutions françaises (1946-1985)

Hélène Koning - « Le Dr Bendjelloul : l'opposition loyale à la colonisation ? (1930-1962) » - Mémoire IEP de Paris - 2024 88

Hélène Koning - « Le Dr Bendjelloul : l'opposition loyale à la colonisation ? (1930-1962) » - Mémoire IEP de Paris - 2024 89

I. Bouleversements de l'échiquier politique algérien et installation de Bendjelloul dans la vie politique française

Après la fin de la Deuxième Guerre Mondiale, Bendjelloul intensifie sa stratégie d'intégration des institutions métropolitaines. Après avoir été membre de l'Assemblée Consultative à Alger et à Paris, il est élu pour faire partie de la première Assemblée Constituante. Il n'est pas membre de la deuxième Assemblée Constituante, et après le vote de la nouvelle constitution et la proclamation de la IVe République, Bendjelloul est élu conseiller de la République pour le département de Constantine entre 1946 et 1948. Il participe à la vie de ces institutions en étant membre de différentes commissions mais particulièrement sur les questions touchant l'Algérie.

A - L'Assemblée Constituante (1945-1946) : fin de non-recevoir pour les demandes de Constitution Algérienne

Après avoir été membre de l'Assemblée Consultative d'Alger puis de celle de Paris, Bendjelloul est élu à la première Assemblée Nationale Constituante de novembre 1945 à juin 1946. A partir de ce moment, son combat se déplace du sol algérien aux institutions métropolitaines. Cependant, il restera toujours en lien avec sa circonscription. Les rapports de surveillance indiquent qu'il traverse régulièrement la Méditerranée entre Paris et Alger ou Constantine1. Dans ses mandats, il s'implique surtout sur les questions en lien avec l'Algérie : son statut politique, les droits des musulmans, le respect de l'Etat de droit... Par exemple, un extrait du rapport bimensuel au gouverneur général du 30 novembre 1945 indique que le groupe parlementaire des Elus Musulmans algériens est intervenu auprès du Général De Gaulle le 26 novembre 1945 en vue de l'amnistie de tous les musulmans « ayant fait l'objet de mesures administratives ou de poursuites judiciaires » à la suite des évènements de Sétif et Guelma. Et le rapporteur de rajouter que cette démarche a été « commentée [...] dans un sens très

1 Préfecture d'Alger - Police des Renseignements Généraux, « Dossier Dr Bendjelloul », Alger, 1944, 91 1K 590/1, ANOM, Aix-En-Provence.

Hélène Koning - « Le Dr Bendjelloul : l'opposition loyale à la colonisation ? (1930-1962) » - Mémoire IEP de Paris - 2024 90

favorable » en milieu musulman1. Ce rapport nous renseigne aussi sur la postérité de la FEM : elle cesse d'exister en tant qu'organisation reconnue après la guerre, mais ses membres restent en lien et continuent de s'allier pour faire entendre leurs revendications.

Dans un courrier au Gouverneur Général d'Algérie (GGA) du 10 mars 1945, Bendjelloul, aux côtés de Lakhardi et de Benhabylès, sont considérés par le préfet d'Alger Louis Périllier comme des « amis de la France », changement majeur par rapport aux descriptions unanimes de Bendjelloul comme ennemi par les notes de surveillance jusqu'ici : s'il peut se montrer « assez violemment [revendicatif] », il « [n'ira] pas jusqu'au séparatisme, ni même à l'autonomie », mais « [restera] dans le cadre de la souveraineté française »2. Selon le préfet, il est urgent que l'administration coloniale renoue avec ces réformistes francophiles si elle veut contrer l'engouement nationaliste se répandant dans le pays, avec Abbas comme chef de file qu'il convient de faire « disparaî[tre] » ou en tout cas de réduire au silence3. Parmi les signataires du manifeste, Périllier affirme que plusieurs ont renié Abbas et le manifeste du peuple algérien après l'annonce par De Gaulle du 12 décembre 1943. Le préfet appelle le GGA à soutenir ces élus et fonctionnaires modérés, afin de les encourager à ne pas céder à la pression des nationalistes qui les appellent des traîtres, et à soutenir cette voie politique alternative au nationalisme en Algérie.

Le contexte du début d'année 1945 est particulièrement important pour l'Algérie : le Général De Gaulle a accordé le droit de vote à tous les hommes algériens de plus de 21 ans, et les élections prochaines apparaissent comme un plébiscite, pour ou contre les partis nationalistes, pour ou contre la souveraineté française ; le dossier « Autour des élections cantonales et législatives - Indignité de certains musulmans - Année 1945 » contient la correspondance du Gouverneur Général de l'Algérie avec le Préfet de Constantine et le Ministère de l'Intérieur au sujet des mouvements politiques algériens. Dans un compte-rendu d'entretien du 22 octobre 1945, l'auteur du rapport qui est sûrement le préfet de Constantine

1 Gouvernement Général d'Algérie, « Dossier Fédérations des Elus, surveillance : rapports de police », 1936-1945, 81F705, ANOM, Aix-En-Provence.

2 Louis Périllier, Préfet d'Alger, « Lettre n. 363 Cab/P sur l'action de Ferhat Abbas » F/DELTA/RES/0192 III-8, Fonds Paul Tubert, La Contemporaine, Nanterre.

3 Ibid.

Hélène Koning - « Le Dr Bendjelloul : l'opposition loyale à la colonisation ? (1930-1962) » - Mémoire IEP de Paris - 2024 91

Petitbon y décrit de manière très méprisante un entretien avec Bendjelloul, venu se plaindre de ses faibles résultats aux élections cantonales et législatives. Le préfet déroule tout son compte-rendu sur le même ton méprisant :

BENDJELLOUL voulait être plébiscité et croyait naïvement qu'il le serait, car l'homme est impulsif et prend ses désirs pour des réalités. [...] le succès de BENDJELLOUL n'est pas aussi spectaculaire qu'il aurait pu l'être. BENDJELLOUL ne peut plus se poser en président de la Fédération des Elus à la Constituante. Tant mieux pour nous.1

Ainsi, si le préfet d'Alger, moins familier de Bendjelloul, pense que la domination coloniale de la France en Algérie a besoin de s'appuyer sur les modérés, le préfet de Constantine Petitbon ne semble pas avoir pris la mesure de l'ampleur du mouvement nationaliste, et continue de voir Bendjelloul comme un ennemi dont les défaites seront bénéfiques à la cause française. Le Docteur demande que les résultats soient modifiés en sa faveur, ce à quoi le Préfet répond :

[Il] est impossible à un préfet de falsifier les résultats d'une élection. Cela se pratique peut-être en Orient, mais pas en France. 2

Cette demande de Bendjelloul semble indiquer sa certitude que les autorités coloniales peuvent influer sur les résultats des élections, sans que son interlocuteur ne reconnaisse cette possibilité, ni que l'on sache d'où Bendjelloul tire cette conviction. L'entretien se finit par un accord entre les deux hommes : le préfet va invalider l'élection de Lakhdari, l'un des partisans le plus anciens de Bendjelloul, afin de permettre que l'élu suivant sur sa liste puisse siéger. Le préfet conclut : « Nous avons gagné./. »3

Ce dossier contient plusieurs de ces analyses biaisées et contradictoires des relations entre personnalités politiques algériennes. Mis à part dans le rapport du préfet d'Alger Périllier du 10

1 « Compte-Rendu de visites BENDJELLOUL-LAKHDARI », 22 octobre 1945. In Gouvernement Général de l'Algérie, « Dossier «Autour des élections cantonales et législatives - Indignité de certains musulmans - Année 1945» », GGA 8CAB 169, ANOM, Aix-En-Provence.

2 Ibid., p.4.

3 Ibid.

Hélène Koning - « Le Dr Bendjelloul : l'opposition loyale à la colonisation ? (1930-1962) » - Mémoire IEP de Paris - 2024 92

mars 1945, Bendjelloul est encore souvent considéré comme un ennemi de l'administration1. Y sont par exemple mentionnées des « manoeuvres » de Bendjelloul visant selon la Police des Renseignements Généraux (PRG) à soutenir Abbas et à favoriser son élection, afin d'être associé à son succès2.

Un élément crucial de la question algérienne à cette époque est la discussion du statut de l'Algérie dans la nouvelle constitution de la IVe République. Le Journal Officiel (JO) de l'Assemblée Nationale Constituante du 7 février 1946 indique que « Mohamed Bendjelloul et plusieurs de ses collègues » ont déposé une proposition de loi « tendant à établir la Constitution de l'Algérie afin que celle-ci soit inscrite dans la Constitution de la République française »3. Le président de séance l'annonce à l'Assemblée, qui donne son assentiment pour que cette proposition soit envoyée à la Commission de la Constitution. Le texte de cette proposition de loi n'a semble-t-il pas été publié, mais ce court passage du JO reflète déjà certaines facettes du débat sur les nouvelles relations de la France à son empire colonial dans l'immédiat après-guerre. Cette proposition de loi reçoit l'assentiment sans remous de l'assemblée : si la question de l'indépendance algérienne est inacceptable en 1946, c'est aussi l'époque de l'Union Française et d'un regain d'espoir de réformes du cadre colonial pour les élites colonisées4. La proposition de Bendjelloul, autour de laquelle il a réuni des élus, probablement tous Algériens musulmans, esquisse la possibilité d'une identité légale algérienne distincte de celle de la France, mais le titre indique que cette distinction ne signifie pas séparation ou indépendance et reste dans le cadre de « la République Française »5. Une proposition de loi au titre similaire sera

1 « BENDJELLOUL ne peut plus se poser en président de la Fédération des Elus à la Constituante. Tant mieux pour nous. ». Ibid. p1.

2 Gouvernement Général de l'Algérie au Ministre de l'Intérieur, courrier 1949/CDP, 5 octobre 1945. In Gouvernement Général de l'Algérie, « Dossier «Autour des élections cantonales et législatives - Indignité de certains musulmans - Année 1945» », doc. cit.

3 Assemblée nationale Constituante, « Journal Officiel- Séance du 7 février 1946 », p. 245.

4 Frederick Cooper, Français et Africains ? Être citoyen au temps de la décolonisation, tr. Christian Jeanmougin, Paris, Payot, 2014.

5 Assemblée nationale Constituante, « Journal Officiel- Séance du 7 février 1946 », doc. cit, p. 245.

Hélène Koning - « Le Dr Bendjelloul : l'opposition loyale à la colonisation ? (1930-1962) » - Mémoire IEP de Paris - 2024 93

à nouveau déposée par Bendjelloul, Ourabah et Sid Cara en 1947 au Conseil de la République1. La loi du statut de l'Algérie elle-même est votée durant la Seconde Assemblée Constituante, dans laquelle Bendjelloul n'est pas élu. Dans les conversations ultérieures au sujet de l'Algérie au parlement, ce vote du statut de l'Algérie reste évoqué comme une occasion manquée. Ainsi, le 20 février 1948 par exemple, Bendjelloul participe brièvement aux débats sur les circonscriptions algériennes par une déclaration de principe : il rappelle que le statut organique de l'Algérie a été mal voté, que les musulmans n'ont pu faire que des déclarations de principe, et que ce statut « n'a donné satisfaction ni aux Français, ni aux Musulmans, car il n'a pas résolu le malaise politique algérien »2. Il rappelle sa position déjà exprimée à l'époque : il faut « laisser le soin aux populations algériennes, françaises et musulmanes, de décider elles-mêmes et entre elles de leur propre sort et d 'établir un statut de l'Algérie »3.

B - Implication au sein du Conseil de la République (1946-1948)

Au début de la première législature du Conseil de la République, Mohammed S. Bendjelloul devient membre de la commission des affaires étrangères et de la commission du suffrage universel, du règlement et des pétitions4, deux commissions assez importantes et politisées5. L'existence d'une commission du suffrage universel, du règlement et des pétitions notamment est liée au contexte unique de cette première législature de la IVe République et fait entre autres écho aux revendications de suffrage universel portée par les Elus Algériens depuis de nombreuses années. Bendjelloul obtient également des postes au sein du Conseil de la République. Il est élu le 27 décembre 1946 l'un des six secrétaires du Conseil de la République, rôle administratif important pour la préparation des séances par exemple, ou pour la gestion des

1 Mohammed Salah Bendjelloul, Chérif Sid Cara et Abdelmajid Ourabah, « Annexe n° 208 : Proposition de loi tendant à doter l'Algérie d'une constitution, présentée par MM Bendjelloul, Sid Cara et Ourabah » in Documents Parlementaires, Conseil de la République, Paris, 1947.

2 Conseil de la République, « Journal Officiel du 20 Février 1948 », p. 314.

3 Ibid.

4 Conseil de la République, « Journal Officiel du 29 Janvier 1947 - Débats Parlementaires n°4 ».

5 David Roudaut, Les députés des départements d'Algérie sous la IVe République, Paris, Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne, 2013, p 69.

Hélène Koning - « Le Dr Bendjelloul : l'opposition loyale à la colonisation ? (1930-1962) » - Mémoire IEP de Paris - 2024 94

affaires courantes de l'Assemblée. Il est élu en cinquième position avec 182 voix1, et d'après les noms de famille des autres secrétaires, il est le seul colonisé à obtenir ce poste. Bendjelloul ne se contente donc pas d'occuper son mandat parlementaire mais cherche également à se rendre présent au sein de l'institution elle-même. Cette implication dans l'institution ne porte apparemment pas de fruits. D'ailleurs, en séance plénière, Bendjelloul ne prend pas souvent la parole dans les débats, tout en restant en moyenne plus actif que ses collègues algériens musulmans2 : cette période est marquée par l'absentéisme et l'effacement croissant des députés colonisés au parlement3.

Comme avant la guerre, Bendjelloul réclame l'égalité dans la loi entre Algériens musulmans et Français, et cherche dans son mandat parlementaire des occasions de rappeler son objectif à ses collègues et de faire avancer cette cause dans des lois pensées pour la France métropolitaine. Lors du débat du 1er février 1947, on voit Bendjelloul prendre la parole pour que les cadis et autres magistrats musulmans d'Algérie soient ajoutés dans le texte d'une loi listant les types de magistrats français. En demandant que les magistrats musulmans soient compris dans cette loi portant sur le système juridique français, Bendjelloul revendique la citoyenneté ou au moins l'égalité des Français et des Algériens devant la loi, et cherche à faire prendre en compte par le droit français l'existence de ses sujets musulmans. Cette intervention de Bendjelloul ne donne pas l'occasion à des débats ni même à d'autre réaction que celle du garde des Sceaux qui lui fait une longue réponse pour dire qu'en raison du statut distinct de la justice musulmane en Algérie, il est impossible juridiquement d'accéder à sa demande, et qu'il faut repousser sa demande à un débat ultérieur du Parlement qui serait spécifiquement consacré à la question du statut de la justice en Algérie. Bendjelloul retire ses amendements4. Sans pouvoir juger de la sincérité du ministre, on constate une fois de plus le faible impact des démarches de Bendjelloul dans le cadre de sa stratégie de réformisme légal.

1 Conseil de la République, « Journal Officiel - Débats parlementaires du Vendredi 27 Décembre 1946 - 2e Séance ».

2 David Roudaut, Les députés des départements d'Algérie sous la IVe République, op. cit, p. 70.

3 Ibid.

4 Conseil de la République, « Journal Officiel du 1er Février 1947 - Débats Parlementaires n° 6 ».

Hélène Koning - « Le Dr Bendjelloul : l'opposition loyale à la colonisation ? (1930-1962) » - Mémoire IEP de Paris - 2024 95

Dans le cadre de son mandat au Conseil de la République, Bendjelloul est cité comme co-auteur de quelques propositions de loi, sans que l'on puisse déduire le rôle précis qu'il a tenu dans la rédaction de chaque texte. L'une des propositions tend à « doter l'Algérie d'une Constitution »1. Ce texte nous renseigne sur l'adoption de l'idée de constitution algérienne, déjà présente dans le Manifeste du Peuple Algérien, par Bendjelloul et ses collaborateurs, Sid Cara et Ourabah, lui aussi signataire du Manifeste. Dans un contexte où plusieurs projets de statuts de l'Algérie sont déposés devant le Parlement et où « chacun prétend résoudre le problème algérien selon sa doctrine ou ses tendances », les trois députés algériens affirment que « le seul moyen logique et démocratique de trouver une solution au problème algérien est de consulter [les populations algériennes] »2. L'article unique de leur proposition de loi appelle donc à convoquer les Algériens « en un collège électoral unique appliquant le suffrage universel à tous les éléments ethniques du pays » pour qu'ils élisent leurs représentants dans le but d'établir « la Constitution algérienne ». Ce texte serait ensuite soumis au « référendum populaire algérien » : « C'est de cette manière seule que l'on saura ce que les algériens (sic) veulent faire de leur pays »3.

En 1957, le juriste Ivo Rens mentionne ce projet dans son livre L'Assemblée algérienne4, étudiant rétrospectivement ce que la vie démocratique algérienne aurait pu être : Bendjelloul, Sid Cara et Ourabah relaient par les moyens légaux et institutionnels la revendication d'une autodétermination du peuple algérien. Ils s'inspirent en outre de la procédure adoptée pour l'établissement de la Constitution de la IVe République en prévoyant que le texte élaboré en moins d'un an par l'Assemblée algérienne constituante soit soumis au peuple par référendum5. Cette demande dans les formes constitue sûrement une démonstration de loyalisme et de bonne volonté : il ne s'agit pas de faire sécession mais d'obtenir de la métropole des changements

1 M. S. Bendjelloul, C. Sid Cara et A. Ourabah, « ANNEXE N° 208 Proposition de loi tendant à doter l'Algérie d'une constitution, présentée par MM Bendjelloul, Sid Cara et Ourabah », art. cit.

2 Ibid.

3 Ibid.

4 Ivo Rens, L'Assemblée algérienne, A. Pedone, Paris, Librairie de la Cour d'Appel et de l'Ordre des Avocats, 1957. Il compte Sayah Abdelkader parmi les coauteurs de ce texte, apparemment par erreur.

5 Ibid., p. 32.

Hélène Koning - « Le Dr Bendjelloul : l'opposition loyale à la colonisation ? (1930-1962) » - Mémoire IEP de Paris - 2024 96

pour l'Algérie, en respectant le cadre de la vie institutionnelle française. Selon Ivo Rens, leur proposition n'en est pas moins « une conception révolutionnaire »1. Dans l'immédiat après-guerre, l'idée d'une fédération française était en faveur dans les milieux politiques colonisés2, mais la demande d'une constitution algérienne n'en est pas moins audacieuse : Rens, écrivant en pleine guerre d'indépendance, souligne qu' « une Constituante n'aurait pu qu'entériner une manière de sécession », bien que l'idée de souveraineté algérienne ne soit pas explicite dans le texte de la proposition de loi : demander une constitution distincte de celle de la métropole coloniale, c'est reconnaître que l'Algérie n'est pas la France. Deux constitutions différentes pour la France et l'Algérie entraînent de facto une différence légale entre les deux territoires, et accordent à l'Assemblée constituante algérienne susmentionnée une forme de souveraineté sur le territoire algérien.

Ainsi, Bendjelloul poursuit son combat politique, mais il n'apparaît plus comme le tribun qu'il a été dans les années 1930, lorsqu'il était un personnage crucial du paysage politique algérien. L'impact de Bendjelloul au Conseil de la République a été limité en termes de succès politiques, bien qu'il reste présent et engagé dans diverses commissions et par des amendements et propositions de loi tout au long de son mandat. Il semble ainsi poursuivre une stratégie légale de présence au parlement, mais peut-être sans en faire une arène de combat et de confrontation. Ses revendications gardent un potentiel de réforme radicale du système colonial, mais restent lettre morte.

1 Ibid., p. 31.

2 Frederick Cooper, Français et Africains ? Être citoyen au temps de la décolonisation. tr. Christian Jeanmougin, Paris, Payot, 2014.

Hélène Koning - « Le Dr Bendjelloul : l'opposition loyale à la colonisation ? (1930-1962) » - Mémoire IEP de Paris - 2024 97

II - À l'Assemblée Nationale (1951-1955) : persister dans la revendication légale

Le Docteur Bendjelloul ne se représente pas aux élections de 1948 pour le Conseil de la République, puis, en 1951, il est élu à l'Assemblée Algérienne au mois de février. Cette institution créée par la loi du 20 septembre 1947, portant sur le statut organique de l'Algérie1, remplace et élargit les prérogatives des Délégations financières2, dont Bendjelloul avait été membre avant la guerre. Le 17 mai de la même année Bendjelloul est élu à l'Assemblée nationale, institution clé de la IVe République, où se concentre son action pendant ces dernières années de sa carrière. S'il garde une rhétorique revendicative en comparaison avec les autres élus algériens, Bendjelloul apparaît désormais surtout comme un modéré proche de l'administration, par contraste avec les mouvements nationalistes.

précédent sommaire suivant






Bitcoin is a swarm of cyber hornets serving the goddess of wisdom, feeding on the fire of truth, exponentially growing ever smarter, faster, and stronger behind a wall of encrypted energy








"Il existe une chose plus puissante que toutes les armées du monde, c'est une idée dont l'heure est venue"   Victor Hugo