La raison d'être des IMF est de contribuer à
l'amélioration du bien-être des ménages pauvres à
travers un meilleur accès au capital. Dans la catégorie des
ménages pauvres, deux sous- catégories sont identifiables : les
ménages modérément pauvres et ceux qui se trouvent dans
une pauvreté extrême. Cependant, la littérature
présente un non-consensus entre les auteurs à propos de la cible
principale des IMF. Au-delà de savoir si les IMF touchent effectivement
les pauvres, l'interrogation porte également sur le « type »
des pauvres à qui les services de microcrédit s'adressent.
À ce sujet, trois courants de pensée peuvent être
dégagés.
2.6.1.1. Microcrédit vue comme un outil
inadapté aux plus pauvres - l'approche institutionnaliste (ou
minimaliste)
Soutenue par les organismes internationaux tels que la Banque
mondiale et les Nations unies. Ses protagonistes considèrent que
l'unique manière d'atteindre la grande majorité des pauvres sans
accès aux services financiers est d'augmenter le mouvement de la
microfinance à travers son intégration dans le système
financier formel. Ils arguent que le microcrédit est avant tout un
crédit et en tant que tel, il doit être remboursé. En cas
d'incapacité pour le bénéficiaire de le rembourser, le
crédit devient un poids et peut avoir des effets pervers sur son budget.
À ce titre, il ne peut donc pas être orienté vers une
population très pauvre puisque celle-ci serait incapable de rembourser
le principal et les intérêts y attacher. De ce fait, le cas des
plus pauvres ne doit pas relever du secteur financier, mais plutôt de
l'action des politiques publiques.
La demande des plus pauvres pour les services financiers est
par ailleurs loin d'être importante. L'une des raisons tiendrait à
leur auto-exclusion. Plusieurs bénéficiaires potentiels
choisissent de s'exclure du marché, estimant qu'un crédit
contribuerait plutôt à accroitre leur vulnérabilité.
En outre, il est très souvent donné à entendre que
prêter aux pauvres coûte cher. Les prêts de très
faibles montants impliquent des coûts de transaction élevés
en termes d'analyse, de suivi et d'administration. Si les IMF entreprenaient de
reporter ces coûts dans le prix de leurs services, les plus pauvres ne
pourraient pas en payer le prix. L'approche « institutionnaliste »
souligne par ailleurs la limite des bailleurs de fonds en tant que
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pourvoyeurs de subsides. Elle craint la versatilité de
ces bailleurs de fonds, car une IMF qui veut s'inscrire dans la durée,
en demeurant structurellement dépendante des subventions, risque de ne
pas connaitre un lendemain meilleur. Cette approche milite en faveur de la
performance financière des IMF, qui doit être
privilégiée par rapport à l'impact sur les clients
(ENGOZOGO, 2011). Cette approche a enregistré un certain nombre de
critiques. Elle a pour clientèle de prédilection les micro-
entrepreneurs ayant des activités à haut rendement. Elle inscrit
ainsi la microfinance dans une logique de marché, logique qui implique
des taux d'intérêt assez élevés auxquels peuvent
difficilement faire face certains ménages pauvres.
2.6.1.2. Microcrédit, un outil à la fois
destiné aux pauvres et aux plus pauvres - l'approche welfariste (ou
maximaliste)
Les welfaristes ont un point de vue en complète
opposition avec le premier courant. Ils se basent sur la théorie de la
responsabilité sociale vis-à-vis de la clientèle afin de
répondre à ses attentes (ENGOZOGO, 2011; NZONGANG et al., 2012).
Pour les welfaristes, au lieu de rechercher à atteindre un
équilibre économique en excluant une partie de la population
jugée non solvable, les IMF gagneraient à s'allier à des
programmes de protection sociale et à s'appuyer davantage sur les
bailleurs de fonds pour accroitre leur activité et être
pérennes.
L'approche « welfariste » est donc basée sur
une logique de don, ce qui exclut pour les IMF la recherche d'une autonomie
financière. En revanche, la performance financière est
perçue ici comme un frein à l'innovation et à la
réduction de la pauvreté. Celle-ci n'est de toute façon
pas nécessaire puisque les investisseurs sociaux qui financent les IMF
ne sont pas mus par la recherche personnelle du profit financier, mais par la
volonté d'oeuvrer pour le bien être public. Dès lors, la
recherche de nouvelles sources de financement ne s'imposerait pas, car les
investisseurs des IMF seraient avant tout motivés par une forme
d'altruisme qui garantirait leur engagement à long terme dans le
financement de ces institutions. Au contraire, la commercialisation de la
microfinance découlant de la pression de nouveaux investisseurs
induirait des effets pervers tels qu'une marginalisation des plus pauvres au
profit des clients représentant un risque de non-paiement moindre.
Cependant, s'il est vrai que la recherche d'une bonne
performance financière peut contribuer à une dérive de la
cible principale, il n'en demeure pas moins vrai que les bailleurs de fonds
peuvent arrêter de financer les IMF, leur privant ainsi de leur source de
financement principal. L'approche welfariste a fait également l'objet de
nombreuses critiques en raison de sa subjectivité, de son coût et
des difficultés qu'elle entraîne (DE BRIEY, 2005). Ce faisant, le
débat se situe non pas sur le choix entre ces deux courants, mais
plutôt sur les priorités à accorder lorsque les compromis
s'avèrent nécessaires. C'est ainsi qu'entre ces deux
écoles, émerge un troisième courant. Celui-ci plaide en
faveur d'une complémentarité entre ces deux approches.
1.5.7. Le micro crédit en ROC
Un vaste projet est actuellement en phase de mise en place,
incluant un large volet micro crédit et aide la création
d'emploi, un volet de scolarisation des enfants ainsi qu'un volet de formation
informatique. Sans être considérée comme une
panacée, la micro finance se présente, aujourd'hui, comme une
alternative sérieuse aux diverses politiques de développement
expérimentées jusqu'ici. L'objectif général de ce
travail est de faire un état de lieu de la situation
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micro finance en RDC en appuyant l'analyse avec une
étude de cas portant sur les producteurs des légumes du site
maraîcher de N'djili/ CECOMAF à Kinshasa. Il y a lieu de signaler
de prime abord que l'un des problèmes qui inhibent le
développement du secteur micro financier en RD Congo, est le manque des
statistiques fiables (offres, besoins, ...), rendant ainsi difficile les
recherches dans ce domaine. Cependant, avec la croissance démographique
que connaissent le pays, et les proportions de plus en plus importantes des
personnes vivant dans une pauvreté absolue, l'augmentation de la demande
en micro finance est évidente.
L'étude de cas menée sur les maraîchers
de N'djili/CECOMAF à Kinshasa révèle en effet que,
malgré la petitesse des crédits octroyés (en moyenne 100$
USD), 53% des maraîchers enquêtés déclarent ne pas
toujours respecter l'échéance de remboursement. En ce qui
concerne l'appréciation des bénéficiaires, il ressort
globalement une opinion négative, en effet, 87% d'entre eux ne sont pas
satisfaits de la manière dont le système de micro finance a
fonctionné jusqu'ici sur leur site maraîcher. Les deux raisons les
plus évoquées pour justifier leur position sont la petitesse du
montant octroyé et l'échéance de remboursement qui est
jugée trop courte. Malgré ses difficultés actuelles, la
micro finance a un rôle important à jouer dans la lutte contre la
pauvreté en RDC. Le pays dispose beaucoup d'atouts (la dynamique locale,
la forte demande, ...) comme les a montré l'analyse du secteur de la
micro finance en RDC.