IV. HYPOTHESES
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- Pour instaurer la paix et envisager le développement
dans le territoire de Kalehe, il faut des réformes de gouvernance locale
et la réconciliation communautaire ; il faut mettre en valeur les
richesses dont dispose le territoire de Kalehe au profit de la population
locale. Nous pensons aux ressources naturelles, au poids démographique,
à l'intelligence locale, etc.
- Les réformes de gouvernance locale (politique,
économique, sociale, judiciaire et sécuritaire,) et la
réconciliation communautaire seraient des stratégies
appropriées pour ramener la paix et le développement durables
dans le territoire de Kalehe grâce à une approche participative de
divers acteurs.
- Pour ce faire, plusieurs atouts que dispose le territoire de
Kalehe peuvent être mis à contribution. Nous pensons aux
ressources naturelles, au poids démographique. Les types d'acteurs
appelés à l'idéal de paix et du développement
seraient aussi l'oeuvre de la population du Territoire de Kalehe (les
différentes communautés ethniques : autochtones et
immigrées.), les groupes armés, l'armée et la Police
Nationale Congolaise, les notables, la société civile et les
autorités politico-administratives.
V. METHODOLOGIE 1. Méthode dialectique
Pour démontrer, vérifier et expliquer les
hypothèses émises dès le départ et atteindre les
objectifs que nous nous sommes fixés, nous avons fait recours la
méthode dialectique.
La méthode dialectique, oeuvre de Karl Max et F. Engel,
appartient au courant du matérialisme historique et prend très
souvent à contre-pied les autres méthodes15. Cette
méthode est associée à la logique de la totalité en
niant l'isolement entre les ensembles et leurs parties tout en soulignant que
la réalité sociale est faite de l'ensemble de contradictions
entre les différents éléments16.
«
15MARX, K., cité par BONGELI YEIKELO, Y.,
Méthodes des sciences sociales et juridiques, Cours G1 Droit,
2001 - 2002, p. 21.
16LAPASSADE, G., Groupes, organisations et
institutions, Gautier Villars, Paris, 1970, p. 5.
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Elle considère que les faits sociaux et humains
traversent une évolution dans le sens du changement social qui conduit
au progrès. Ce qui sous-entend le fait que toute réalité
sociale est traversée par des éléments contraires qui
exigent leur dépassement. Cela permet de découvrir le lien
d'origine et de développement des leurs contradictions ainsi que la
manière dont les groupes ou les individus tentent de les surmonter
»17.
Cette méthode tourne autour de quatre lois principales
que l'on appelle habituellement postulats. Il s'agit de : la loi de la
connexion universelle, la loi de la contradiction, la loi du changement
dialectique et la loi du changement quantitatif en qualitatif ou la loi du
progrès18. Dans cette logique, elle recommande une
façon visant à recueillir les données et les situer dans
l'ensemble tout en mettant l'accent sur les conflits, mieux les contradictions.
Cet accent mis sur les conflits, sur les contradictions, permet de s'approcher
de la réalité et de mieux la comprendre19.
La première loi de la dialectique, c'est celle de
l'action réciproque20 que d'autres auteurs nomment la loi de
la connexion universelle. Par action réciproque, on entend le fait que
l'existence d'un élément est conçue comme le
résultat de l'enchainement de plusieurs processus. Donc la
compréhension d'un fait social exige de le situer dans son ensemble.
Puisque les phénomènes sociaux sont interconnectés les uns
aux autres ; ils ne peuvent être isolés, ils doivent être
placés dans un tout, dans l'ensemble que constitue la
société21. C'est le principe de la totalité.
Dans cet ordre d'idées, l'appréhension du
sous-développement de la province du Sud-Kivu, en général,
et du territoire de Kalehe mérite d'inclure le processus du
développement de cette contrée dans un tout qu'on peut
considérer à la fois comme la RDC et la partie orientale de la
RDC. Les contextes politique, économique, social, géographique et
démographique du pays influent sur l'émergence des facteurs
principaux qui freinent le développement de ce territoire.
17MULUMA MUNANGA, A., Le guide de la recherche
scientifique, théories et pratiques, SOGEDES, Kinshasa, 2017, p.
105.
18TSHISHIMBI KATUMUMONYI, Le paradigme
dialectique dans la méthodologie de recherche en sciences sociales,
l'Avenir africain, Kinshasa, 2016, p. 116 -135.
19MUKE ZIHISIRE, M., La recherche en sciences
sociales et humaine, Guide pratique, méthodologie et cas concrets,
L'Harmattan, Paris, 2011, p 71.
20TSHISHIMBI KATUMUMONYI, Op.cit., p. 121.
21MULUMA MUNANGA, Op.cit., p. 106.
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C'est dire autrement que ces contextes agissent directement ou
indirectement sur la naissance des conflits et l'insécurité qui
en découle.
A ce sujet, il faut voir que les richesses du sol et du
sous-sol, la constitution de la population, les activités
économiques ainsi que le mode de gestion du territoire de Kalehe sont en
grande partie à la base des conflits et l'insécurité qui
pèsent sur le processus de développement de celui-ci. A titre
illustratif, nous pouvons signaler que ce sont les rivalités entre
différents groupes qui composent la population de Kalehe qui ont
donné lieu à la naissance du Mouvement Katuku dans ce coin.
La loi de la contradiction est la deuxième de la
dialectique. « ... Dès que nous considérons les choses dans
leur mouvement, dans leur changement, leur vie ou leur action réciproque
l'une sur l'autre, là, nous tombons immédiatement dans la
contradiction »22. Celle-ci suppose que chaque chose a son
contraire car toute chose se transforme continuellement en son contraire dans
l'une ou dans l'autre ...23. Cette loi nous permet de comprendre que
les contradictions qui opposent les ethnies, notamment Banyarwanda et
autochtones sont des facteurs importants qui déterminent la lente
croissance et le sous-développement de la province du Sud-Kivu, en
général, et le territoire de Kalehe, en particulier.
L'autre contradiction qu'il faut relever est que le sol et le
sous-sol de la partie orientale du pays en général et ceux du
territoire de Kalehe disposent de beaucoup de richesses alors que sa population
demeure pauvre jusqu'à ce jour. Cette contradiction a hanté les
esprits à telle enseigne que nombre de penseurs ont fini par chercher
des explications de ce contraste jusqu'à initier aussi pas mal de
projets de développement qui se sont presque tous soldés par un
échec cuisant.
La troisième loi est celle du changement. Cette loi
commence par constater qu'il n'y a rien de définitif, d'absolu ou de
sacré ; elle montre la caducité de toute chose et en toute chose
et rien n'existe pour elle que le processus ininterrompu du devenir et du
transitoire24. Raison pour laquelle on affirme que « tout
passe, que rien ne demeure »25. Cela signifie que rien ne
demeure là où il
22ENGEL, F., Anti-Dühring,
3ème édition du progrès, Paris, 1956, p.
175.
23TSHISHIMBI KATUMUMONYI, Op.cit., 127.
24ENGEL, F., Ludwig Feuerbach et la fin de la
philosophie classic allemande, Ed. Sociales, Paris, 1996, pp. 7-8.
25KARL MAX, Contribution à la critique de
l'économie politique, Ed. OEuvre, Paris, 1859, p. 24.
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est, rien ne demeure ce qu'il est, puisque qui dit dialectique
entend mouvement ou changement''26. Partant de cette
évidence, comprenons que le territoire de Kalehe n'a pas toujours
existé sous ce statut actuel. C'est à la suite de
différents découpages territoriaux et nombre de réformes
administratives opérés sur l'ancienne province du Kivu que cet
espace acquit le statut de territoire, une entité
déconcentrée de l'Etat congolais.
La dernière loi est celle de la transformation de la
quantité en qualité. Cette loi met en vedette le principe du
changement par bonds successifs qui finissent par produire un changement
qualitatif27. Grace à elle, nous sommes parvenus à
nous rendre compte que ce sont les différentes petites réformes
initiées pour pallier aux difficultés liées à la
gestion du pays qui ont conduit à l'institution de Kalehe comme
entité territoriale déconcentrée.
2. Techniques
La première technique à laquelle nous avons
recouru pour collecter les données de notre travail est celle
documentaire. Cette technique nous a permis de compulser certains documents
ayant trait aux conflits, à la paix et au développement en RDC
ainsi que sous d'autres cieux. Grace à elle, nous avons
été incités à la lecture des documents officiels
tel que la constitution de la République, certains arrêtés
ministériels et textes légaux, notamment les accords de paix, les
ouvrages, les articles, les travaux scientifiques et autres document, ayant
trait à notre thème d'étude et de façon
générale.
Par rapport à la technique d'observation ordinaire, il
est important de noter de prime abord qu'il est intéressant de nous
poser les questions ci-après : avons-nous observé quoi et/ou qui
? Où ? Quand ? Et comment ? Nous avons directement observé le
déroulement des incursions rebelles, parfois appuyées par les
pays voisins de la RDC, à l'Est du pays. Toute chose restant
égale par ailleurs, ceci nous a permis d'avoir une vision globale sur la
question de l'insécurité à l'Est du pays.
26TSHISHIMBI KATUMUMONYI, Op.cit., p. 116.
27TSHISHIMBI KATUMUMONYI, Op.cit., p. 140.
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Par cette technique, nous avons eu l'occasion d'observer
comment la guerre est utilisée comme canal par lequel les
multinationales et bien d'autres acteurs passent pour piller les ressources
naturelles du pays.
Quant à la question de savoir le moment où notre
observation se faisait, trois moments étaient bien indiqués :
matin, jour et soir. Le matin : nous regardons la manière dont les
populations, y compris les autorités civiles et militaires, de
différentes localités du territoire vont dans leurs
activités quotidiennes. Le jour nous assistons aux activités
d'extraction et transport de ressources naturelles vers les frontières
qui séparent la RDC du Rwanda. Le soir, nous rencontrons les familles ou
les personnes qui sont ou ont risqué d'être victimes des exactions
des entreprises de violences.
Par la technique d'entretien, nous sommes entrés en
contact avec les acteurs et les professionnels de service de
sécurité ainsi que des autorités administratives du
territoire pour nous imprégner de leur façon de percevoir les
événements. Nous nous sommes entretenus aussi avec les victimes
des affres d'incursions et activités militaires auprès de qui
nous avons récolté les différents points de vue.
L'interview portait sur les causes de l'insécurité, des conflits
ainsi que sur les différents processus de pacification de l'Est du pays,
en général, et du territoire de Kalehe, en particulier. Bref :
cette technique nous a facilité de recueillir des informations
pertinentes sur les raisons d'être de l'insécurité et ses
impacts sur le processus de pacification et de développement
durables.
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