La responsabilité financière des gestionnaires publics au beninpar Faustin SOGADJI Université d'Abomey-Calavi - Master 2 Droit Public Fondamental 2023 |
B. L'aménagement du principe«?Le principe de séparation des ordonnateurs et des comptables fait objet d'un certain nombre d'aménagements pour des raisons pratiques?»266(*). Ces aménagements s'observent tant sur les procédures d'exécution des recettes comme sur des dépenses.Qualifiés de «?procédures aménagées?»267(*), ils seront abordés respectivement en matière de recettes et de dépenses. D'abord les aménagements en matière de recette permettent d'adopter des procédures dérogatoires au droit commun. Michel BOUVIER et Al. expliquent que ces opérations dérogent au droit commun soit à raison de la nature des recettes soit à raison des modalités de leur établissement268(*). Ils donnent l'exemple, des recettes qui n'ont pas un caractère définitif (avances, acompte sur travaux)269(*). L'encaissement de ces recettes est liquidé ultérieurement. Pour Michel LASCOMBE et Al., « le principe est écarté pour les impôts indirects (TVA) ainsi que pour l'ensemble des impôts dont le montant est directement déterminé par le contribuable lui-même qui s'acquitte spontanément de sa dette(impôt sur les sociétés)?»270(*). Gilles WILLIAM dit que «?cette hypothèse dérogatoire au principe de séparation des ordonnateurs et des comptables est appelée «perception au comptant par les comptables» et concerne particulièrement les impôts indirects (taxation du chiffre d'affaires, droits d'enregistrement, droits indirects, droits de douane)?»271(*). Le professeur Nicaise MEDEqualifie cela de cumul des fonctions d'ordonnateur et du comptable en donnant l'exemple de l'expérience du Bénin dans les années 1990 : «?le recouvrement des impôts et taxes par les services des impôts (service d'assiette) en lieu et place du trésor?»272(*). Ensuite en matière des dépenses, «?les dépenses payables provisoirement sans liquidation ou ordonnancement préalable?»273(*)s'inscrivent dans les mêmes contextes que les recettes. Les avances, acomptes sur travaux et les dépenses urgentes peuvent être payées sans faire objet d'ordonnancement ou liquidation. Il en est de même pour certaines dépenses définitives sans ordonnancement. Toutefois, il est à signaler que ces opérations feront objet de régulation. En gros, ces aménagements permettent de désengorger les procédures administratives. Nous pouvons sans doute dire que ces aménagements sont les fruits des critiques évidentes portées à l'égard du principe de la séparation des gestionnaires publics caractérisé par sa lourdeur et sa lenteur274(*) dans certaines procédures administratives. «?Le principe de la séparation des ordonnateurs et des comptables, depuis longtemps contestés, semble devoir être largement sacrifié sur l'autel de la «nouvelle gestion publique», notamment en raison de la mise en oeuvre, par le «droit dérivé LOLF» d'un nouveau «chainage» de la dépense ainsi que des nouvelles modalités d'intervention des comptables publics dans l'opération de dépense?»275(*). La mise en oeuvre du principe de la séparation des ordonnateurs et comptables au regard de ses limites et aménagements montre sans aucune hésitation qu'il y a certaines formes d'empiétement des fonctions d'un acteur par l'autre. Nous assistons donc au chevauchement des fonctions dans la mesure où le comptable joue indirectement ou se passe du rôle de l'ordonnateur et vice-versa, le recouvrement sans liquidation par exemple. Le cas de la réquisition en est une parfaite illustration dans le cas adverse où l'ordonnateur force la main au comptable et par conséquent, encourt toutes les responsabilités que le comptable devrait encourir. Malgré cette stricte séparation des acteurs marqués par une rigidité des rôles de chaque acteur, il est de constat qu'il existe une réelle collaboration entre les gestionnaires (SECTION 2). Section 2 : La collaboration constatée des gestionnaires publicsLe processus d'exécution des finances publiques rapproche physiquement et fonctionnellement les deux agents d'exécution. Ce rapprochement rend la collaboration inévitable. «?La règle de la séparation n'a jamais totalement exclu la collaboration?»276(*). C'est pourquoi Jacques MAGNET souligne que «?l'exécution des opérations financières des organismes publics nécessite la collaboration de deux ordres d'agents distincts et séparés : les ordonnateurs et les comptables»277(*). Gilles WILLIAM va dans le même sens en disant que cette séparation ne doit pas «?exclure une bonne collaboration entre ces deux acteurs, et ceci, dans un souci de bonne gestion publique?»278(*).Cette collaboration s'observe dans le repositionnement des missions des gestionnaires (Paragraphe 1) et l'aménagement des relations entre l'ordonnateur et le comptable (Paragraphe 2) * 266 Gilles WILLIAM, op. cit., p. 233. * 267 Michel BOUVIER et Al, Finances publiques, 8e édition, op. cit. p. 378. * 268 Ibid. p. 373. * 269 Ibid. * 270 Michel LASCOMBE et Al, Les finances publiques, 6e édition DALLOZ, 2006, p. 131. * 271 Gilles WILLIAM, op. cit.p. 205. * 272 Nicaise MEDE, Finances publiques : espace UEMOA/UMOA, op. cit., p. 267. * 273 Michel BOUVIER et Al, op. cit., p. 377. * 274 Michel BOUVIER et Al, Finances publiques, 8e édition, op. cit., p. 378. * 275 Michel LASCOMBE et Al, op. cit., p.131. * 276 Florent GAULLIER-CAMUS, op. cit., p. 123. * 277 Jacques MAGNET, éléments de comptabilité publique, 5e édition, LGDJ, collection systèmes, 2001, p. 27. * 278 Gilles WILLIAM, op.cit. p. 200. |
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