La responsabilité financière des gestionnaires publics au beninpar Faustin SOGADJI Université d'Abomey-Calavi - Master 2 Droit Public Fondamental 2023 |
A. Les limites propres à la séparation des gestionnaires publicsLe principe de la séparation des ordonnateurs et comptables est loin d'être un principe absolu. Comme l'énoncele dicton, c'est l'exception qui confirme la règle. Les limites les plus paradoxales sont la gestion de fait et la réquisition. Paradoxale en ce sens que l'ordonnateur à qui on interdit de manier les deniers se trouve baigner dans l'exercice de maniement. Dans ces deux situations que nous allons développer séparément, les ordonnateurs viennent empiéter sur les fonctions des comptables. D'abord, la gestion de fait est une faute de gestion?; une procédure devant la Cour des comptes peut conduire à déclarer un ordonnateur comme comptable de fait250(*) lorsque ce dernier «?s'immisce dans les fonctions du comptable (dans ce cas, il exerce les opérations réservées exclusivement à ce dernier)?»251(*). Gilles William énumère trois éléments constitutifs de la gestion de fait. «?Trois conditions cumulatives à partir desquelles un acte pourra être qualifié de gestion de fait : l'existence d'un maniement, la nécessité d'une manipulation de deniers publics et l'absence d'autorisation régulière252(*)?».D'abord, pour le maniement, «?il est à préciser que la notion de maniement ne s'entend pas seulement de l'ingérence dans les opérations de recettes et des dépenses?; elle inclut également l'extraction irrégulière de fonds publics ou de valeurs aux moyens par exemples d'ordres de dépenses fictifs ou indications fausses quant à la réalité du service fait que n'a pas décelé le comptable?»253(*).Ensuite, il faut nécessairement que les deniers soient publics. «?La notion de «deniers publics» désigne, quant à elle, tous les fonds et valeurs possédés en toute propriété par les organismes publics?»254(*). Les deniers privés réglementés sont aussi assimilés aux deniers publics.255(*) Enfin, pour ce qui concerne l'absence d'autorisation régulière, Michel Bouvier et Al. précisent qu'est «?susceptible d'être poursuivi comme comptable de fait celui qui irrégulièrement et sciemment s'est fait remettre des fonds publics»256(*). La mise en oeuvre de la gestion de fait vient sanctionner le non-respect du principe de la séparation des gestionnaires publics. Le principe de séparation est aussi limité dans le cadre du droit de réquisition que l'ordonnateur peut exercer sur le comptable. Ensuite, pour ce qui concerne la réquisition du comptable public, «?l'ordonnateur peut se passer de l'accord du comptable public et demander à ce dernier d'exécuter un ordre de paiement malgré son refus?»257(*). Le comptable exerce le contrôle de l'ordonnance paiement. C'est dans ce cadre que le professeur Nicaise MEDE écrit : «?le comptable est tenu d'effectuer les contrôles `'de la qualité de l'ordonnateur ou de son délégué, et de l'assignation de la dépense, de la validité de la créance (la justification du service fait...), du caractère libératoire du règlement incluant le contrôle de l'existence éventuelle d'oppositions, notamment de saisies arrêts ou cessions258(*)''?»259(*).Ce dernier doit refuser d'exécuter le paiement s'il constate des irrégularités260(*). «?L'ordonnateur peut malgré tout réquisitionner le comptable après avoir sollicité l'avis consultatif du ministre du ministère en charge des finances»261(*). Il faut noter que dans l'exercice de ce droit reconnu aux ordonnateurs, le comptable est en droit de refuser, maintenir sa position de refus dans trois cas : «?l'indisponibilité de crédits, l'absence de justification de service fait, sauf pour les avances et les subventions, le caractère non libératoire du règlement»262(*).La gestion de fait et la réquisition, ces deux situations où les uns piétinent sur les fonctions des autres rendent difficile la mise en oeuvre du principe de la séparation des gestionnaires qui constitue un noyau dur de la responsabilisation des gestionnaires publics. Ces immersions dans les fonctions des uns et autres font objet des sanctions à l'égard des ordonnateurs comme les comptables. Ainsi «?les comptables de fait encourent les mêmes sanctions que les comptables patents»263(*). «?Ils peuvent être mis en débet par le juge des comptes et le ministre des Finances?»264(*).Le comptable quant à lui peut être déclaré concussionnaire s'il effectue des recouvrements sans titre de mise en recouvrement265(*). Certains Aménagements d'ordre pratique sont portés au principe de séparation des gestionnaires. * 250 Voir paragraphe 1, «?B- La distinction entre ordonnateur et comptable?» de la section 1 de ce chapitre. * 251 Vincent DUSSART, op. cit., p. 94 * 252 Gilles WILLIAM, op. cit., p. 205. * 253 Michel BOUVIER et Al, Finances publiques, 8e édition, op. cit. p. 366. * 254 Gilles WILLIAM, op. cit., p.234. * 255 Ibid. * 256 Michel BOUVIER et Al, Finances publiques, 8e édition, op. cit. p. 367. * 257 Gilles WILLIAM, op. cit., p. 208. * 258 Article 26, DRGCP. * 259 Nicaise MEDE, Finances publiques : espace UEMOA/UMOA, op. cit., p. 295. * 260 Ibid. * 261 Ibid. * 262 Ibid. * 263 Article 82 Alinéa 2 DLF. * 264 Nicaise MEDE, op.cit. p. 268. * 265 Ibid. |
|