La responsabilité financière des gestionnaires publics au beninpar Faustin SOGADJI Université d'Abomey-Calavi - Master 2 Droit Public Fondamental 2023 |
B. La distinction entre ordonnateurs et comptables«?Le principe de la séparation des ordonnateurs et comptables nécessite de distinguer ces agents de l'exécution de la loi de finances et leurs rôles»233(*). Ainsi les deux agents se diffèrent non seulement au niveau de leur statut, mais aussi à partir de leurs fonctions. D'abord, «?est ordonnateur toute personne ayant qualité, au nom de l'État, de prescrire l'exécution des recettes et/ou des dépenses inscrites au budget ou de donner des ordres de mouvements des matières?»234(*). Stéphane THEBAULT définit les ordonnateurs comme «?les autorités qui, en application des règles de comptabilité publique, peuvent commander à un comptable public assignataire de payer sur sa caisse une dépense ou de recouvrer une recette et qui sont initialement chargées de faire ou constater une créance, d'en attester la réalité financière et la matérialité juridique»235(*). François Labie explique que «?les ordonnateurs ne constituent pas un corps particulier de l'administration. Ce sont les autorités administratives (ministres au niveau de l'État, exécutifs des collectivités locales) qui outre leurs fonctions administratives ont à exercer un certain pouvoir de décision dans le domaine financier?»236(*).Ceci s'explique clairement dans l'article 72 de la LOLF qui dispose que «?les ministres et les présidents des institutions constitutionnelles sont des ordonnateurs principaux des crédits de programmes, des dotations et des budgets annexes de leur ministère ou de leur institution?»237(*). L'expression «?ordonnateurs principaux?»238(*) montre qu'il y a des ordonnateurs secondaires. C'est une forme de catégorisation des ordonnateurs qu'a opérée la LOLF. Ce qui constitue une innovation, car il est prévu la délégation239(*) des pouvoirs d'ordonnancement. La décentralisation de l'ordonnancement a fait naître le responsable de programme240(*). Jean-Bernard MATTRET ajoute la catégorie des «?ordonnateurs suppléants qui interviennent à titre exceptionnel pour remplacer l'ordonnateur normalement compétent lorsqu'il est empêché ou absent»241(*). Dans cette catégorisation des ordonnateurs, FlorentGAULLIER-CAMUS disait que «?selon Farhana Akhoune, la position de l'ordonnateur secondaire s'en trouve confortée dans la mesure où il est désormais seul délégataire du pouvoir de l'ordonnateur principal?»242(*).Il explique que «?la délégation de pouvoir n'emportant pas les mêmes conséquences que la délégation de signature..., la délégation de pouvoir opère un véritable transfert de la disposition des crédits tandis que la délégation de signature réserve les attributions initiales de l'autorité délégante.?» C'est parfaitement dans ce cadre que s'inscrit la catégorisation des ordonnateurs au Bénin. Il s'agit dans le cadre de la responsabilité financière au Bénin d'un véritable transfert de pouvoir243(*) et non de simple signature. Ce qui implique que le responsable de programme ou le gestionnaire délégué est entièrement responsable de sa gestion. Ensuite, «?est comptable public, tout agent public régulièrement habilité pour effectuer, à titre exclusif, au nom de l'État ou d'un autre organisme public, des opérations de recettes, de dépenses, de maniement de titres ou de mouvements de matières, soit au moyen de fonds, valeurs et matières dont il a la garde, soit par virement interne d'écritures, soit par l'intermédiaire d'autres comptables?»244(*). D'un autre côté, nous avons le comptable de fait que les textes définissent comme «?toute personne qui, sans avoir la qualité de comptable public ou sans agir sous le contrôle et pour le compte d'un comptable public, s'immisce dans la gestion de deniers publics, valeurs ou matières?»245(*). Il faut souligner que le juge financier est seul compétent pour déclarer un comptable de fait246(*) afin de juger les comptes soumis par ces derniers : «?La Cour des comptes juge les comptes qui lui sont rendus par les personnes qu'elle a déclarées comptables de fait?»247(*). Ainsi, la distinction entre l'ordonnateur et comptable permet de créer une incompatibilité248(*) et une indépendance des acteurs de la chaîne d'exécution. En responsabilité financière, cette séparation contribue à l'autonomisation des fonctions d'où la responsabilisation. On peut engager personnellement et pécuniairement chaque acteur en fonction des irrégularités commises dans ses fonctions. Il faut admettre que le principe de la séparation des acteurs de la chaîne d'exécution des finances publiques a une portée limitée. * 233 Vincent DUSSART, Finances publiques, 11e édition Paradigme, 2010, p. 86. * 234 Article 9 alinéa 1 RGCP au bénin. * 235 Stéphane THEBAULT, l'ordonnateur en droit public financier, thèse, LGDJ, 2009, P. 186. * 236 François LABIE, op. cit.,p. 64. * 237 Article 72 de la LOLF au BÉNIN. * 238 Ibid. * 239 Article 69 de la LOLF «?les ordonnateurs peuvent déléguer leur pouvoir à des agents publics dans les conditions déterminées par voie réglementaire. Ils peuvent également déléguer à ces agents la gestion de tout ou partie des crédits dont ils ont la charge.?» * 240 Un nouvel acteur au coeur de réforme des modes de gestion, il travaille sous l'autorité du ministre dont il relève. Il est chargé de piloter de la conception, d'exécution et de suivi du budget. * 241 Jean-Bernard MATTRET, op. cit., p. 175. * 242 Florent GAULLIER-CAMUS, op. cit., 2020 p. 123. * 243 Article 69 de la LOLF au bénin. * 244 Article 16 RGCP. * 245 Ibid. * 246 Michel BOUVIER et Al, Finances publiques, 8e édition, op. cit. p. 366. * 247 Article 9 alinéa 3 de la LOI ORGANIQUE N° 2020 - 38 DU 11 FÉVRIER 2021 sur la Cour des comptes. * 248 Article 6 RGCP. |
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