La responsabilité financière des gestionnaires publics au beninpar Faustin SOGADJI Université d'Abomey-Calavi - Master 2 Droit Public Fondamental 2023 |
A. Une certaine forme d'autonomie de la répression financièreL'étude de l'autonomie de la répression financière doit être étudiée à l'aune de ses spécificités. Les spécificités de la répression financière ont conduit à le qualifier par exemple d'un droit sui generis182(*). Le professeur Florent GAULLIER-CAMUS explique qu'elle n'est ni disciplinaire, ni administrative, ni pénale183(*). L'auteur souligne à cet effet qu'elle emprunte à des éléments à ses trois régimes de répression.184(*) Dans le système béninois, l'emprunt des éléments de ces trois régimes de répressions est une évidence. Loin de ces trois régimes de répression, le système béninois emprunte la responsabilité civile.185(*) La CRIET a connu beaucoup d'affaires avec constitution de partie civile au nom de l'État pour réclamer des dommages et intérêts qui ont d'ailleurs abouti186(*). Comme le fait remarquer Florent GAULLIER-CAMUS, bien au-delà du simple mélange des genres, la répression financière obéit à une logique propre187(*). Ainsi, la répression financière, dans sa propre logique, se caractérise par des éléments propres. Pour Florent GAULLIER-CAMUS, la répression se caractérise d'abord par son objectif qui est la protection d'ordre public financier devant un juge particulier qui est le juge financier188(*). La définition restrictive du juge financier écarte le régime béninois de ce dernier élément, car le juge pénal officie en matière financière au Bénin. Seule une définition extensive du juge financier, une définition qui reconnaît au juge pénal la fonction du juge de répression financière,pourrait donner la validité à ces deux éléments dans le système béninois. Encore faut-il ajouter la constitution de partie civile donnant vie à la responsabilité civile189(*). Nous pouvons donc dire que dans le système béninois, le seul élément caractéristique propre de la répression financière est la protection de l'ordre public financier. Comme le dit Catherine HIRSCH, la responsabilité financière des gestionnaires publics vise à protéger la régularité de la gestion publique190(*). La fonction réparatrice de la responsabilité financière vient rétablir l'ordre public financier191(*). Pour Florent GAULLIER-CAMUS, la réparation est symbolique, contrairement au Bénin où les sanctions en réparation devant le juge pénal exigent le remboursement total du préjudice financier. C'est l'exemple dans l'affaire David Babaola, Franck Azandossessi et Marcel Hounhanou, condamnés solidairement à payer 400 millions à l'État béninois comme dommages et intérêts. Dans la même affaire, en plus des dommages et intérêts, les accusés sont condamnés à 10 ans d'emprisonnement ferme et 5 millions d'amendes. Le cumul de ces sanctions s'inscrit dans la logique de dissuasion en sanctionnant les gestionnaires défaillants. Le législateur béninois a compris que l'office du juge financier n'est toujours pas à la hauteur de l'enjeu192(*) visant à protéger l'ordre public financier. Dans cette logique, la compétence de répression financière n'est plus du seul ressort du juge de la cour des comptes, mais aussi du juge pénal. Ce partage de compétence entre le juge financier et le juge pénal exclut le caractère propre du juge financier comme élément propre de définition de la répression financière dans le cadre béninois. Au vu des éléments propres caractérisant la répression financière dans le régime béninois, nous constatons un abandon de la répression financière traditionnelle dans lequel le juge financier est le véritable chef. * 182 Nicolas GROPER, responsabilité des gestionnaires publics devant le juge financier, DALLOZ, 2011, p. 410. * 183 Florent GAULLIER-CAMUS, op. cit., p. 397. * 184 Ibid. * 185 Affaire Léon AGONGLO BOCOVO : condamner par la CRIET à payer 13 millions comme dommages et intérêts suite à la constitution de partie civile de l'agent judiciaire du trésor au nom de l'État. * 186 Affaire David BABAOLA, Franck AZANDOSSESSI et Marcel HOUNHANOU : condamner solidairement à payer 400 millions à l'État béninois comme dommages et intérêts. * 187 Florent GAULLIER-CAMUS, op.cit. p. 397. * 188 Ibid. p. 398 * 189 Voir les affaires citées : Affaire Léon AGONGLO BOCOVO : condamner par la CRIET à payer 13 millions comme dommages et intérêts suite à la constitution de partie civile de l'agent judiciaire du trésor au nom de l'État. Affaire David BABAOLA, Franck AZANDOSSESSI et Marcel HOUNHANOU : condamner solidairement à payer 400 millions à l'État béninois comme dommages et intérêts. * 190 Catherine HIRSCH, «?la responsabilité des gestionnaires publics?», in Archives de philosophie du droit, DALLOZ, 2021, p. 166. * 191 Florent GAULLIER-CAMUS, op.cit. p. 398. * 192 Ibid. |
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