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Le droit international est-il en crise


par Gbedokoun Eusebe SOSSOU
Université Amadou Hampaté Ba de Dakar - Master 2 en Droit public option Relation internationale et Management Public 2023
  

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Paragraphe 1 : Des difficultés endogènes : le cas du Conseil de Sécurité

Les difficultés organiques du conseil de sécurité laissent apparaître deux aspects. Une composition inégalitaire décriée (A) et la défaillance du système de sécurité collective (B)

A : Une composition décriée

Le Conseil de Sécurité est l'organe le plus puissant du système des Nations Unies. Il est seul compétent pour constater la violation par un État de ses obligations en matière de respect de la paix et de la sécurité internationale. Il peut décider d'un embargo économique132 ou, dans

131 DELAVARENE (Celhia), « L'ONU est-elle toujours la caisse de résonnance des problèmes du monde ? »,

Recherches internationales, n° 119, 2021, p.135.

132 Á titre d'exemple l'embargo des États-Unis contre Cuba, également sous le terme el bloqueo qui signifie « le blocus » en espagnol, est un embargo économique, commercial et financier mis en place par les États-Unis contre Cuba à partir du 3 février 1962, à la suite de nationalisations expropriant des compagnies américaines.

les cas les plus extrêmes, des actions militaires. Ces prérogatives sont exercées par un organe composé de 15 représentants des États membres.

La caractéristique principale du Conseil de Sécurité est d'être composé de cinq membres permanents133. Cela représente également une particularité. On aurait en effet pu s'attendre à voir une tournante totale au sein de ce Conseil, afin que tous les États bénéficient de la possibilité d'influencer les questions concernant la sécurité internationale. Enfin, cerise sur le gâteau, ces cinq membres permanents disposent d'un véritable droit de veto. L'article 27, § 3 de la Charte des Nations Unies prévoit en effet que « Les décisions du Conseil de Sécurité (sur des questions autres que de procédure) sont prises par un vote affirmatif de neuf de ses membres dans lequel sont constituées les voix de tous les membres permanents (...) »134. Cette exigence de vote affirmatif de tous les membres permanents fut adoucie par la suite, l'abstention d'un membre permanent n'empêchant pas l'adoption d'une décision135. Les cinq membres permanents se voient reconnaître cependant un pouvoir exorbitant par la Charte. Ce pouvoir est à même, et il l'a toujours été, de paralyser complètement l'action des Nations Unies sur certaines questions importantes de sécurité internationale. Si l'article 27, § 3 in fine de la Charte prévoit par ailleurs qu'un État partie à un différend s'abstiendra de voter si une procédure de règlement pacifique des différends est en cours 136, la pratique a, par ailleurs, montré que cette disposition avait été tournée plus souvent de son objectif137. On comprend librement que, face à une telle situation, des voix se seront toujours élevées pour exiger une modification du système, soit par la suppression des prérogatives des membres permanents, soit, le plus souvent, par l'augmentation du nombre de ceux-ci.

133 Il s'agit de la Chine, de la France, du Royaume-Uni, de la Russie (issu de l'éclatement de l'URSS en 1991) et des Etats-Unis.

134 L'article 108 de la Charte prévoit par ailleurs qu'un amendement au texte de celle-ci n'entrera en vigueur qu'après avoir été ratifié par 2/3 des Etats membres de l'Assemblée générale, dont tous les membres permanents du Conseil de Sécurité.

135 Cour internationale de Justice, avis du 21 juin 1971 sur les Conséquences juridiques pour les Etats de la présence continue de l'Afrique du Sud en Namibie (Sud-Ouest africain) nonobstant la résolution 276 (1970) du Conseil de Sécurité (Recueil 1971, p. 13, § 22).

136 Paradoxalement, chaque membre du Conseil de Sécurité retrouve son droit de vote si une décision relative à

l'usage de la force est en jeu, même s'il est l'agresseur !

137 Pour la période 1948-1990, dix-huit cas de non application de la règle ont été relevés. Voir BLUM (Yehuda), Eroding the United Nations, Dordrecht, Martinus Nijhoff, 1993, pp. 207-211).

Cette composition a été évolutive, en effet en 1945, l'ONU comptait 51 États membres. Le Conseil de Sécurité était composé à cette époque de onze membres : les cinq permanents et six non permanents138. Les différentes vagues de décolonisation augmentent rapidement le nombre d'États membres de l'ONU. Ils étaient 76 en 1955, 99 en 1960 et 135 en 1973. A l'heure actuelle, l'ONU compte 193 États membres. L'équilibre des forces au sein de l'Assemblée générale, en faveur du Nord en 1945, est aujourd'hui largement en faveur des pays du Sud. Dès le début des années 60, ceux-ci réclamèrent une modification de la composition du Conseil de Sécurité, afin d'y être plus équitablement représentés. Le 16 septembre 1963, 43 États membres demandèrent à l'Assemblée générale d'inscrire à son ordre du jour la question d'une représentation équitable au Conseil de Sécurité, la résolution 1991 (XVIII) sera adoptée le 17 septembre 1963 par 96 voix pour, onze contre (dont celles de la France et de l'URSS) et quatre abstentions (dont celles des États-Unis et de la Grande-Bretagne). Le texte de la Charte des Nations Unies prévoit qu'un amendement au texte de celle-ci n'entrera en vigueur qu'après ratification par 2/3 des États membres, y comprenant les cinq membres permanents du Conseil de Sécurité. Les conditions d'adoption de la résolution 1991 (XVIII) ne laissaient pas présager une issue favorable à la demande de révision. Pourtant, à la dernière minute, les cinq permanents votèrent en faveur de celle-ci. La composition du Conseil de Sécurité prend sa configuration actuelle le 1 er janvier 1966 : 15 États membres, dont cinq permanents. Les dix membres non permanents sont élus par l'Assemblée générale pour des mandats de deux ans non immédiatement renouvelables (article 23, § 2 de la Charte). Trois (03) d'entre eux doivent être des pays africains, deux (02) des pays asiatiques, deux (02) appartenir à l'Amérique latine, deux

(02) autres au groupe Europe occidentale et un (01) à l'Europe orientale.

Les critiques à l'encontre du système en place, malgré la réforme de 1965, furent nombreuses. Celles-ci provenaient essentiellement de deux types de pays. Les pays en développement, qui représentent depuis les années 1960 la majorité des États membres de l'ONU, s'estimaient insuffisamment représentés au sein du Conseil de Sécurité. Ils disposent certes de huit sièges sur 15, mais d'un seul permanent, celui de la Chine. Dans cette perspective on peut prendre l'exemple du continent Africain qui dans l'optique de sa participation effective à la gouvernance mondiale, n'a cessé, depuis de nombreuses années déjà, de revendiquer un rééquilibrage, à son avantage, du pouvoir au sein des institutions mondiales notamment la place

138 Quoique non inscrit dans le texte de la Charte, la répartition des sièges des six membres non permanents suivrait généralement cette répartition : deux sièges (02) pour l'Amérique latine (qui représentait en 1945, 20 Etats membres sur 51) et un (01) pour chacun des groupes suivants : Europe occidentale ; Europe orientale ; Proche- Orient ; Commonwealth.

d'un membre permanent disposant du Veto au sein du Conseil de Sécurité. Elle évoque, à l'appui de sa requête, son exclusion en matière de prise de décision dans les instances internationales, notamment financières (FMI et la Banque mondiale). Le mode de décision dans celles-ci, qui rappelle le vote censitaire, est favorable aux grandes puissances.

L'Afrique n'a pas, jusqu'ici, réussi à faire changer ce fonctionnement malgré ses multiples appels dans ce sens. Mais c'est sans conteste la place subalterne qu'elle occupe au Conseil de sécurité des Nations unies qui capitalise ses frustrations quant au rôle marginal qui lui est assigné dans la conduite des affaires du monde. C'est dans cette optique son excellence

M. Macky Sall, président en exercice de l'Union africaine à l'époque, se faisait une fois de plus l'écho de l'insatisfaction et de l'indignation des Africains par rapport à cette situation, qu'il jugeait anachronique et injuste. Il abondait en ce sens « Près de quatre-vingts ans après la naissance du système des Nations Unies et des Institutions de Bretton Woods, il est temps d'instaurer une gouvernance mondiale plus juste, plus inclusive et plus adaptée aux réalités de notre temps. Il est temps de vaincre les réticences et déconstruire les narratifs qui persistent à confiner l'Afrique à la marge des cercles décisionnels. Il est temps de faire droit à la juste et légitime revendication africaine sur la réforme du Conseil de Sécurité »139.

D'autres pays notamment l'Allemagne en tant que première puissance économique en Europe, le Japon, l'Inde et le Brésil s'estiment frustrés d'un siège auquel ils auraient légitimement droit en raison de leur poids économique ou démographique, et dont seuls les aléas de l'histoire les auraient privés. Pour rappel, seules les nations qui ont gagné la deuxième guerre mondiale disposent d'un siège permanent assorti du droit de Veto au sein du Conseil de Sécurité.

B : Une défaillance du système de sécurité collective

La sécurité collective conçue comme le système mondial spécifique d'organisation des relations internationales, ayant pour fins la paix et la sécurité internationales avec à la clé des mécanismes spécifiques (sécurité pour tous, sécurité contre tous et sécurité par tous)140. La

139 Discours prononcé le 20 septembre 2022, lors de la 77e session ordinaire de l'Assemblée générale de l'organisation des Nations Unies

140 STERN (Brigitte), « La sécurité collective : historique, bilan, perspectives », in Sécurité collective et crises internationales, SGDN, La documentation française, 1994, p. 145.

sécurité collective, comme l'appréhendent Patrick Daillier et Alain Pellet, « ne consiste pas en une coalition a priori de certains États partageant une philosophie commune contre d'autres, ni en des alliances fluides et pragmatiques ; c'est l'engagement pris par chaque État d'apporter son appui à une décision collective de s'opposer à tout État coupable141, au jugement de la majorité, d'une agression ou d'une menace à la paix »142.

En effet, l'idée de base de la sécurité collective, est celle d'une conception de la paix et de la sécurité constituant un ensemble indissociable143, et qui requiert l'effort et la participation de tous. Ce duo - paix et sécurité - revient 28 fois dans le texte de la Charte des Nations unies144. Dans le système contemporain de sécurité collective, instauré par ladite Charte, l'objectif est d'éviter par tous les moyens, « tout retour à une autre guerre mondiale. À cette fin, une menace ou une agression contre un État ou un peuple constitue une menace contre tous, et chaque nation doit participer activement à garantir la sécurité du continuum »145

Le droit de la sécurité collective perd de l'autorité et de la légitimité face aux politiques de force collectives ou unilatérales. Et pourtant, si la dernière décennie du XXe siècle était passée dans le nouvel ordre mondial, revitalisant l'esprit et la lettre des dispositions du chapitre VII de la Charte de 1945, le XXIe siècle semble épouser une stagnation des actions du Conseil de sécurité des Nations Unies en matière de situations de menace contre la paix, de rupture de la paix ou d'acte d'agression qui justifieraient de rétablir la paix et la sécurité internationales146.

En effet, le pari sur lequel repose le nouveau système de sécurité collective est que l'entente fondamentale entre les Grands, qui avait permis de gagner la guerre, permettrait de

141 FORTEAU (MATHIAS), Droit de lé sécurité collective et droit de la responsabilité internationale de l'État, Paris, Pedone, 2006, p. 423

142 DAILLIER (Patrick) et PELLET (Alain), Droit international public, LGDJ, 6e éd. Lextenso, Paris, 1999, p. 991

143 AIVO (Joel), « Défi sécuritaire, droits de l'homme et droits des réfugiés », Communication à la 14e session régionale de formation sur les droits de l'homme et les droits des réfugiés, Chaire Unesco des droits de la personne et de la démocratie, Université d'Abomey-Calavi (UAC), Cotonou-Bénin, juillet 2013, p. 5-20.

144 SLIM (Habib), « La Charte et la sécurité collective : de San Francisco à Baghdâd », dans SFDI (dir.), Les métamorphoses de la sécurité collective, Paris, Pedone, 2005, p. 13

145 Cf. Rapport du Groupe de personnalités de haut niveau désignées par le Secrétaire général pour rédiger un rapport sur la responsabilité collective et la réforme de l'ONU, décembre 2004

146 KOKOROKO (Dodzi), « La nécessité devant le Conseil de sécurité des Nations Unies », Afrilex, janvier 2013,

p. 1.

conserver la paix 147. Mais comme on a pu le constater, la guerre froide a démenti une telle réalité. Il était certes établi, subrepticement dans la Charte, précisent Patrick Daillier et Alain Pellet, « que l'ONU ne pourrait rien entreprendre contre les grandes puissances dotées du véto et engagées dans un conflit qui constituerait une rupture de la paix. Mais les États en cause sont, en raison de leur désaccord très vite apparent, allés plus loin »148. Dans tout conflit, poursuivent les auteurs, « le Conseil de sécurité n'a pu entreprendre une action quelconque que si les membres permanents le lui demandaient, et dans la mesure où ils le lui demandaient. Faisant application de leurs privilèges dans des situations conflictuelles où elles n'étaient qu'indirectement impliquées, les grandes puissances ont réduit comme peau de chagrin le champ d'application de la sécurité collective ». Dès lors, la sécurité collective est revêtue du manteau politique qui lui confère un état d'inertie. Le cas de l'Iraq en 2003 en est une parfaite illustration.

En effet, Il y a maintenant deux décennies, le 20 mars 2003, le gouvernement américain, soutenu par certains pays européens dont l'Espagne, le Royaume-Uni et l'Italie, déclarait la guerre à l'Irak. Une guerre-éclair qui a duré 26 jours et dont le caractère illégal a contribué à la mort du principe de sécurité collective qui était au coeur de la création des Nations unies en 1945. Les arguments juridiques développés pour la justifier ont été divers, aucun n'étant recevable. Ce qui fait que le mécanisme était tombé de son piédestal.

Une chose aussi très importante à relever, La sécurité collective ne bénéficie pas d'une construction aisée. Elle est notamment caractérisée par l'ambiguïté149 de sa conceptualisation.

« Elle emprunte d'un côté certains traits à l'esprit d'un super-État, et de l'autre reste enracinée dans une société composée d'États souverains ». L'univers juridique dans lequel baigne la sécurité collective, est façonné par les spécificités de la société internationale et partant, celles du droit international. Les particularités de la société internationale influencent la configuration du droit international. En effet, contrairement à l'ordre interne, la société internationale est dépourvue de toute autorité supra étatique, capable de s'imposer aux États.

Cependant, ce mécanisme a connu de nombreux échecs et limites, notamment à cause du désaccord entre les grandes puissances, du droit de veto au Conseil de sécurité, de la montée

147 DAILLIER (Patrick) et PELLET (Alain), op.cit., p. 992.

148 Ibid.

149 SMOUTS, « La sécurité collective : histoire et bilan d'une doctrine équivoque », in Sécurité collective et crises internationales, Actes des journées d'études de Toulon, Secrétariat Général de la Défense Nationale, 1994, p. 175. L'auteur parle notamment de notion « floue », en référence à la sécurité collective.

des révisionnismes et des totalitarismes, de la diversité des menaces et des conflits, et de la faiblesse des moyens d'action collective. Certains auteurs ont même parlé d'un «mythe paralysant» de la sécurité collective, qui aurait empêché de réagir efficacement aux agressions et aux violations du droit international.

Aujourd'hui, la sécurité collective fait face à de nouveaux défis, tels que le terrorisme, les armes de destruction massive, les cyberattaques, les changements climatiques, les migrations, les pandémies, etc. Ces défis nécessitent des réponses adaptées, qui impliquent une coopération renforcée entre les États, les organisations internationales, la société civile et les acteurs non étatiques. Ils appellent également à une réforme du système de sécurité collective, afin de le rendre plus efficace, plus légitime et plus inclusif.

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