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Le droit international est-il en crise


par Gbedokoun Eusebe SOSSOU
Université Amadou Hampaté Ba de Dakar - Master 2 en Droit public option Relation internationale et Management Public 2023
  

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Paragraphe 2 : Un principe Transgressé

Les actes terroristes du 11 septembre 2001 et l'attaque armée des États-Unis contre l'Irak posent respectivement les questions de l'imputation de la violation du non recours à la force à une entité non étatique et à une entité étatique. Ainsi, on dégagera d'une part une transgression par des acteurs non étatique (A) et d'autre part une transgression par des acteurs étatiques (B)

A : Une transgression par des acteurs non étatiques

L'article 2 paragraphe 4 dispose « Les membres de l'Organisation s'abstiennent, dans leurs relations internationales, de recourir à la menace ou à l'emploi de la force, soit contre l'intégrité territoriale ou l'indépendance politique de tout État, soit de toute autre manière incompatible avec les buts des Nations Unies ». Á la lumière de cet article une question mérite d'être posée : est-ce que les acteurs non étatiques sont-ils exclus du champ d'application de cet article ? où si eux peuvent recourir à la force ou à l'emploi de la menace sans faire objet d'aucune mesure coercitive ?

118 « Le Conseil de sécurité, avec l'aide du Comité d'état-major, fixe l'importance et le degré de préparation de ces contingents et établit des plans prévoyant leur action combinée »

119 DUPUY (René-Jean), Le droit international, ,11ème éd. Que-sais-je ? PUF, Paris, 2001, p. 38.

Une question qui a suscité beaucoup d'intérêt au lendemain des attaques terroristes de

2001.

Les acteurs non étatiques se définissent comme des individus ou des groupes qui n'agissent pas pour le compte d'un État. On peut prendre l'exemple du Boko Haram au Nigeria, Al-Shabaab en Somalie, Ansar Dine au Mali, et les Forces de défense et de résistance de l'Islam (FDRI)en Côte d'Ivoire, le Daesh et Al-Qaïda. Les acteurs non étatiques qui violent le principe d'interdiction du recours à la force peuvent mener des actions variées. Par exemple, ils peuvent mener des attaques contre des cibles militaires ou civiles, des enlèvements, des assassinats, des sabotages, des actes de terrorisme, des pillages, des viols, des recrutements forcés, des trafics d'armes et de drogues, et des extorsions.

I Il peuvent recourir à la force pour atteindre leurs objectifs politiques, économiques ou sociaux, ou pour se défendre contre des menaces perçues.

Si nous restons dans le contexte de l'attentat du 11 septembre 2001, en raison de leur ampleur, ils ont posé avec acuité les questions de la définition et de la prise en compte du terrorisme par la Communauté internationale. S'il n'existe pas de définition unanimement acceptée de cette notion120, selon le Président G. Guillaume121, trois éléments invariants la caractérisent : un élément matériel consistant en des actes de violence de nature à provoquer la mort ou à causer des dommages corporels graves, un élément intentionnel qui consiste à créer la terreur dans le public et un élément méthodologique puisque les actes terroristes nécessitent une entreprise individuelle ou collective pour la perpétration de ces actes122.

Au lendemain des actes terroristes commis par Al-Qaida, entité non-étatique, le Conseil de sécurité des Nations Unies a adopté la résolution 1368 qui assimile « tout acte de terrorisme international » à « une menace à la paix et à la sécurité internationales »123 , qualification très

120 SOREL (Jean-Marc), « Existe-t-il une définition universelle du terrorisme », in CHRISKATIS (Théodore), dir., Le droit international face au terrorisme, CEDIN, Pedone, Paris, 2002, p. 35-68.

121 Gilbert Guillaume, né le 4 décembre 1930 à Bois-Colombes, est un juriste français, président de la Cour internationale de justice de 2000 à 2003.

122 GUILLAUME (Gilbert), Terrorisme et droit international, R.C.A.D.I, Tome III, vol. 215, 1989, p. 306.

123 Cette résolution a fait l'objet de nombreux commentaires. Voir en particulier P.-M. Dupuy, « La Communauté internationale et le terrorisme », in J.-M. Thouvenin et C. Tomuschat, dir., « Le droit international face aux nouvelles formes de menaces contre la paix et la sécurité internationales », Paris, Pedone, 2004, pp. 35-45 et L. Condorelli, « Les attentats du 11 septembre et leurs suites : où va le droit international ? », RGDIP, 2001, n° 4, p. 829-848.

générale et très imprécise, tout en reconnaissant « le droit inhérent à la légitime défense individuelle ou collective conformément à la Charte », ce qui implique que les États-Unis aient été victimes d'une agression, qualification que le Conseil de sécurité n'a pas employée puisque dans le cadre onusien elle s'applique uniquement à l'action menée par un État contre un autre à moins de considérer que le réseau terroriste Al-Qaida soit un État, hypothèse infondée, ou que cette action ait été orchestrée par l'Afghanistan contrôlé par les Taliban ce qui aurait pour effet d'imputer les faits illicites à un État, même défaillant124 , et non à une entité non étatique.

Mais, cette hypothèse n'est pas non plus juridiquement recevable en raison du manque de preuves d'un lien de rattachement entre Al-Qaida et le régime des Talibans. Or, selon la Commission du droit international, qui a adopté en 2001 un texte codifiant le droit de la responsabilité internationale des États, l'imputabilité de l'action d'une personne ou d'un groupe de personnes à un fait de l'État ne peut être admise que « si cette personne ou ce groupe de personnes, en adoptant ce comportement, agit en fait sur les instructions ou les directives où sous le contrôle de cet État »125. Ainsi, le soutien apporté par le régime des Talibans au réseau Al-Qaida ne peut, en aucun cas, avoir le caractère d'une agression, confirmant la jurisprudence dégagée par la Cour internationale de justice dans l'affaire Nicaragua c/États Unies.

Les conséquences de ces violations sont graves et peuvent avoir un impact sur le droit international. Tout d'abord, cela peut affaiblir l'autorité de l'État et sa capacité à protéger ses citoyens. De plus, cela peut entraîner des violations des droits de l'homme, des déplacements forcés de populations et des pertes de vies humaines. Enfin, cela peut remettre en question la légitimité du droit international et de ses institutions, car il est difficile de faire respecter le droit international lorsque les acteurs non étatiques sont impliqués.

B : Une transgression par des Acteurs Étatiques

Cette transgression s'observe dans l'émergence d'un nouveau principe qui ne s'adosse sur aucun texte ou convention juridique internationale le légitimant. Ce principe est la légitime

124 Voir sur cette notion, C.D. Classen, « Failed States » and the prohibition of the use of force », in J.-M. Thouvenin et C. Tomuschat, dir., « Le droit international face aux nouvelles formes de menaces contre la paix et la sécurité international », Paris, Pedone, 2004, pp. 129-140.

125 CONDORELLI (Luigi), « L'imputation à l'Etat d'un fait internationalement illicite : solutions classiques et nouvelles tendances », RCADI, t. 189, 1984, p. 13-221.

défense préventive érigée par les États Unis d'Amérique. Cette légitime défense préventive peut être appréhendée sous le vocable de la guerre préventive ou sous son appellation ancienne : la guerre préemptive.

En effet, l'attaque armée des États-Unis contre l'Irak est symptomatique du recours à la force unilatérale qui transgresse les règles de droit international applicables en la matière. Les États-Unis ont attaqué l'Irak ni en se fondant sur la légitime défense prévue par l'article 51 de la Charte, ni sur le fondement d'une action militaire décidée par le Conseil de sécurité dans le cadre du Chapitre VII, qui sont les deux cas de recours licite à la force armée.

La justification américaine du recours à la force est fondée sur la résolution 1441 du Conseil de sécurité qui autoriserait explicitement ou implicitement les États-Unis à recourir à la force en constatant que la résolution 687 imposant des obligations à l'Irak n'a pas été respectée, notamment s'agissant du désarmement, et que par conséquent la résolution 678 autorisant les États Membres à user de tous les moyens nécessaires pour faire respecter les résolutions précédentes visant à rétablir la paix et la sécurité internationales serait toujours applicable. Mais, en aucun cas la résolution 1441 ne saurait justifier le recours unilatéral à la force des États-Unis et de leurs alliés puisque dans le paragraphe 4 de ce texte le Conseil réaffirme qu'en cas de « nouvelle violation patente des obligations de l'Irak, il sera saisi aux fins de qualification », pouvant en particulier autoriser le recours à la force.

L'attaque armée des États-Unis contre l'Irak doit donc être qualifiée d'agression puisqu'il s'agit bien d'une invasion « du territoire d'un État par les forces armées d'un autre État » selon les termes de la résolution 3314 définissant l'agression et qui constitue un crime en tant que violation de la règle impérative de l'interdiction du recours à la force126. Mais, plutôt que de procéder à une telle qualification, le Conseil de sécurité des Nations Unies a pris acte de l'occupation américaine en Irak, par l'intermédiaire de sa résolution 1511127. Or, si l'on suivait la logique du système de sécurité collective onusien, c'est l'Irak qui aurait dû invoquer son droit à la légitime défense. Mais, celle-ci est devenue un instrument aux mains des États-Unis qui

126 Selon l'article 19 § 3 du projet d'articles de la C.D.I sur la responsabilité des Etats, « un crime international peut notamment résulter : (a) d'une violation grave d'une obligation internationale d'importance essentielle pour 2ème le maintien de la paix et de la sécurité internationales, comme celle interdisant l'agression », A.C.D.I, 2e partie, 1976, p. 89.

127 NGUYEN- ROUAULT (Florence), « L'intervention armée en Irak et son occupation au regard du droit international », RGDIP, n° 4, 2003, p. 835-864.

l'utilisent, de manière préventive, contre les soi-disant États voyous128, provoquant ainsi une dénaturation.

En se basant sur les résolutions 1368 et 1373 du Conseil de sécurité qui réaffirment, respectivement, le droit inhérent et naturel à la légitime défense, les États-Unis ont développé une conception extensive de la légitime défense qui s'inscrit dans la guerre contre le terrorisme menée par l'administration Bush, qui s'est concrétisée par l'attaque de l'Afghanistan des Talibans, considéré comme un berceau du terrorisme. Mais, cette sorte d'application du principe de précaution au recours à la force n'est pas reconnue par le droit international qui exige une agression armée comme condition préalable au droit de légitime défense. Il n'existe d'ailleurs aucun précédent qui validerait la thèse américaine puisque par exemple le bombardement, par l'aviation israélienne du réacteur irakien d'Osiraq, le 7 juin 1981, au titre de la légitime défense préventive, a été violemment condamné par le Conseil de sécurité129.

Une conception extensive de la légitime défense peut aussi être assimilée à des représailles armées, en raison de ses caractères préventif et répressif, qui sont interdites par le droit international130. S'il est certain que le droit positif ne reconnaît pas la notion de légitime défense préventive, il est aussi évident que le droit international est inadapté face à la menace terroriste. Ne faudrait-il pas alors que la communauté internationale définisse les conditions de mise en oeuvre de la légitime défense préventive, qui nous paraît être le seul moyen de lutter efficacement contre les nouvelles formes de terrorisme international.

Mais aujourd'hui force est de constater que nous assistons à une prolifération de ce principe de légitime défense préventive. Le dernier exemple en date est l'attaque de l'Ukraine par la Russie. En espèce le 24 février 2022, la Fédération de Russie engageait une « opération militaire spéciale » sur le territoire ukrainien en invoquant diverses justifications, lesquelles sont précisément au coeur des enjeux juridiques principaux attachés à la situation. Parmi ces justifications se trouve la légitime défense préventive.

La légitime défense préventive reste une notion controversée en droit international. Bien que certains États aient invoqué la légitime défense préventive pour justifier l'emploi de la force armée contre des menaces imminentes, cette pratique est généralement considérée comme

128 DERRIDA (Jacques), « Voyous », éd. Galilée, 2003, p. 115.

129 Dans une résolution 487 du 19 juin 1981, le Conseil de sécurité a qualifié cette attaque de « violation claire de la Charte des Nations Unies et des normes de conduite internationales »

130 Voir VENEZIA (Jean-Claude), « La notion de représailles en droit international public », RGDIP, 1960, p. 465- 498

contraire au droit international, car elle remet en question le principe d'interdiction du recours à la force et peut conduire à une escalade des tensions internationales. En outre, l'emploi de la force armée pour prévenir des menaces imminentes renforce l'hégémonie des États les plus puissants et affaiblit l'effectivité du droit international.

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"Qui vit sans folie n'est pas si sage qu'il croit."   La Rochefoucault