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Le droit international est-il en crise


par Gbedokoun Eusebe SOSSOU
Université Amadou Hampaté Ba de Dakar - Master 2 en Droit public option Relation internationale et Management Public 2023
  

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Chapitre I - Une crise d'effectivité constatée

Le droit international est un ensemble de règles et de principes qui régissent les relations entre les États et les autres sujets de la communauté internationale. Il vise à assurer la paix, la sécurité, la coopération et le respect des droits de l'homme dans le monde. Parmi les principes fondamentaux du droit international, on peut citer la souveraineté des États, le principe du non recours à la force, l'égalité juridique des États, le règlement pacifique des différends, la non- intervention dans les affaires intérieures des États et le respect des obligations internationales.

Toutefois, dans ces principes fondamentaux il y'en a qui sont sacrosaints dans la mesure où ils abritent les autres. S'inscrivant dans cette logique, on peut évoquer le principe de la souveraineté étatique et le principe du non recours à la force qui ont fait l'objet de plusieurs consécrations, et dont leurs mises à mal aujourd'hui par des réalités politiques, économiques caractérisent le monde contemporain. On assiste ainsi à une crise d'effectivité du droit international, c'est-à-dire à un décalage entre les normes juridiques et leur application concrète. Face à cette situation, nous analyserons d'abord la défaillance de l'exercice la souveraineté étatique (section I) et nous étudierons ensuite le déclin de l'interdiction du recours à la (section II).

Section I - La défaillance de l'exercice de la souveraineté étatique

La souveraineté de l'État est aussi ancienne que l'État lui-même52. À l'origine, son rôle était essentiellement de consolider l'existence des États qui s'affirmaient en Europe contre la double tutelle du Pape et du Saint-Empire romain germanique. Jusqu'au XVIII siècle, approuvés et encouragés par Jean Bodin53, Vattel54 et les plus grands philosophes de leurs temps, les monarques y puisèrent la justification de leur absolutisme. De ce fait, la souveraineté était généralement définie comme un pouvoir suprême et illimité. Cette conception trouvait au siècle dernier une éclatante consécration dans la science juridique allemande qui, sous l'influence de Hegel, liait étroitement la notion de souveraineté à la toute-puissance de l'État. Jellinek la définissait comme « la compétence de la compétence », entendant par là qu'elle constituait le pouvoir originaire, illimité et inconditionné de l'État, de déterminer sa propre compétence. Ainsi comprise, la souveraineté de l'État ouvre toute grande la porte à des excès qui n'ont pas disparu avec l'État princier. Pour ne parler que de l'ordre international, si l'État a le droit de s'attribuer librement ses compétences, plus rien, à part sa propre volonté d'autolimitation, ne l'empêche d'empiéter sur la volonté des autres États. Cette volonté d'autolimitation tend souvent à disparaitre dans la conduite des États tant que ça s'aligne contre leurs intérêts confirmant cette assertion de Henry John TEMPLE « L'Angleterre n'a pas d'amis ou d'ennemis permanents ;

52 NGYUEN (Quoc Dinh), op.cit., p. 466.

53 Jean Bodin (1530-1596) est un royaliste « engagé », son dessein est de trouver un support juridique à l'action du roi en vue de la construction de l'État. Sa conceptualisation de l'État est destinée à servir et affermir le pouvoir royal. Il désigne l'État par l'expression Res publica : République et État sont pour lui des mots synonymes. Ses vues systématiques sont exposées dans sa grande oeuvre publiée en 1576 : Les six livres de la République. Jean Bodin définit la République (donc, l'État) : « Le droit gouvernement de plusieurs ménages et de ce qui leur est commun avec puissance souveraine ». La puissance « souveraine », voilà la caractéristique essentielle de l'État. Pas d'État sans souveraineté. Ibid.

54 Vattel (1714-1768) est un précurseur du positivisme. Né en Suisse, à Neuchâtel, sujet du roi de Prusse, Vattel est bien placé pour observer cette pratique dans l'exercice de sa fonction de diplomate au service du roi de Saxe. Son principal ouvrage : Le droit des gens ou principes de la loi naturelle appliquée à la conduite et aux affaires des nations et des souverains est écrit en français et publié en 1758. Cet ouvrage conserve aujourd'hui encore une place de choix dans la science et dans la pratique. D'après Vattel, la société internationale est par nature la « grande société des nations ». Les membres de cette société sont uniquement des États souverains. « Toute nation qui se gouverne elle-même sans dépendance d'aucun État étranger est un État souverain ».

elle n'a que des intérêts permanents »55. Par ailleurs, la souveraineté désigne en droit international public l'indépendance, l'égalité. Ainsi pour une bonne appréhension, il conviendra de relever la souveraineté comme un principe consacré en droit international (paragraphe 1) et comme un principe restructuré par les États puissants (paragraphe 2).

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