Chapitre I - Une crise d'effectivité
constatée
Le droit international est un ensemble de règles et de
principes qui régissent les relations entre les États et les
autres sujets de la communauté internationale. Il vise à assurer
la paix, la sécurité, la coopération et le respect des
droits de l'homme dans le monde. Parmi les principes fondamentaux du droit
international, on peut citer la souveraineté des États, le
principe du non recours à la force, l'égalité juridique
des États, le règlement pacifique des différends, la non-
intervention dans les affaires intérieures des États et le
respect des obligations internationales.
Toutefois, dans ces principes fondamentaux il y'en a qui sont
sacrosaints dans la mesure où ils abritent les autres. S'inscrivant dans
cette logique, on peut évoquer le principe de la souveraineté
étatique et le principe du non recours à la force qui ont fait
l'objet de plusieurs consécrations, et dont leurs mises à mal
aujourd'hui par des réalités politiques, économiques
caractérisent le monde contemporain. On assiste ainsi à une crise
d'effectivité du droit international, c'est-à-dire à un
décalage entre les normes juridiques et leur application
concrète. Face à cette situation, nous analyserons d'abord la
défaillance de l'exercice la souveraineté étatique
(section I) et nous étudierons ensuite le déclin de
l'interdiction du recours à la (section II).
Section I - La
défaillance de l'exercice de la souveraineté étatique
La souveraineté de l'État est aussi ancienne que
l'État lui-même52. À l'origine, son rôle
était essentiellement de consolider l'existence des États qui
s'affirmaient en Europe contre la double tutelle du Pape et du Saint-Empire
romain germanique. Jusqu'au XVIII siècle, approuvés et
encouragés par Jean Bodin53, Vattel54 et les plus
grands philosophes de leurs temps, les monarques y puisèrent la
justification de leur absolutisme. De ce fait, la souveraineté
était généralement définie comme un pouvoir
suprême et illimité. Cette conception trouvait au siècle
dernier une éclatante consécration dans la science juridique
allemande qui, sous l'influence de Hegel, liait étroitement la notion de
souveraineté à la toute-puissance de l'État. Jellinek la
définissait comme « la compétence de la compétence
», entendant par là qu'elle constituait le pouvoir originaire,
illimité et inconditionné de l'État, de déterminer
sa propre compétence. Ainsi comprise, la souveraineté de
l'État ouvre toute grande la porte à des excès qui n'ont
pas disparu avec l'État princier. Pour ne parler que de l'ordre
international, si l'État a le droit de s'attribuer librement ses
compétences, plus rien, à part sa propre volonté
d'autolimitation, ne l'empêche d'empiéter sur la volonté
des autres États. Cette volonté d'autolimitation tend souvent
à disparaitre dans la conduite des États tant que ça
s'aligne contre leurs intérêts confirmant cette assertion de Henry
John TEMPLE « L'Angleterre n'a pas d'amis ou d'ennemis permanents
;
52 NGYUEN (Quoc Dinh), op.cit., p. 466.
53 Jean Bodin (1530-1596) est un royaliste «
engagé », son dessein est de trouver un support juridique à
l'action du roi en vue de la construction de l'État. Sa
conceptualisation de l'État est destinée à servir et
affermir le pouvoir royal. Il désigne l'État par l'expression Res
publica : République et État sont pour lui des mots synonymes.
Ses vues systématiques sont exposées dans sa grande oeuvre
publiée en 1576 : Les six livres de la République. Jean
Bodin définit la République (donc, l'État) : « Le
droit gouvernement de plusieurs ménages et de ce qui leur est commun
avec puissance souveraine ». La puissance « souveraine »,
voilà la caractéristique essentielle de l'État. Pas
d'État sans souveraineté. Ibid.
54 Vattel (1714-1768) est un précurseur du
positivisme. Né en Suisse, à Neuchâtel, sujet du roi de
Prusse, Vattel est bien placé pour observer cette pratique dans
l'exercice de sa fonction de diplomate au service du roi de Saxe. Son principal
ouvrage : Le droit des gens ou principes de la loi naturelle
appliquée à la conduite et aux affaires des nations et des
souverains est écrit en français et publié en 1758.
Cet ouvrage conserve aujourd'hui encore une place de choix dans la science et
dans la pratique. D'après Vattel, la société
internationale est par nature la « grande société des
nations ». Les membres de cette société sont uniquement des
États souverains. « Toute nation qui se gouverne elle-même
sans dépendance d'aucun État étranger est un État
souverain ».
elle n'a que des intérêts permanents
»55. Par ailleurs, la souveraineté désigne
en droit international public l'indépendance, l'égalité.
Ainsi pour une bonne appréhension, il conviendra de relever la
souveraineté comme un principe consacré en droit international
(paragraphe 1) et comme un principe restructuré par les États
puissants (paragraphe 2).
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