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Le droit international est-il en crise


par Gbedokoun Eusebe SOSSOU
Université Amadou Hampaté Ba de Dakar - Master 2 en Droit public option Relation internationale et Management Public 2023
  

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Paragraphe 1 : Une remarquable solidarité des États

La solidarité des États en matière de protection de l'environnement s'observe dans la recherche d'une répartition équitable des efforts (A) et dans la régulation par les instruments économiques (B)

A : Une obligation collective

Plusieurs principes de la Déclaration de Rio de 1992 concernent le principe essentiel de responsabilités communes mais différenciées : les principes 6, 7, 8 et 11. Sans entrer dans le détail de ces principes, il est tout de même indispensable d'apporter certaines précisions. Le principe 6 reconnaît la situation et les besoins particuliers des pays en développement, spécialement ceux des pays les moins avancés (PMA), en matière d'environnement, en raison de leur vulnérabilité sur ce plan à titre illustratif on peut prendre la COP 28236 au sommet de

233 Le 4 septembre 2002 s'est ouvert à Johannesburg le Sommet mondial pour le développement durable

234 BOISSON DE CHAZOURNES (Laurence), « Regards sur l'Accord de Paris - Un accord qui bâtit le futur », in TORRE-SCHAUB (Marta) & DELMAS-MARTY (Mireille), Bilan et perspectives de l'Accord de Paris (COP 21), IRJS Editions Regards croisés, Paris, 2017. p. 97-106.

235 BOISSON DE CHAZOURNES (Laurence), « Chapitre 15 - Droit de l'environnement », in, ALLAND (Denis),

Droit international public, Paris, PUF, 2000, p. 727.

236 La Conférence de Dubaï de 2023 sur les changements climatiques, ou COP 28, est une conférence internationale de l'Organisation des Nations unies se déroulant du 30 novembre au 12 décembre 2023.

Dubaï ou la plaidoirie des Etats Africains tourne autour du solidarisme étatique en matière de protection de l'environnement. Au contraire, le principe 7, qui consacre expressément le principe de responsabilités communes mais différenciées, met l'accent sur la responsabilité particulière des pays développés afin de parvenir à un développement durable, « eu égard aux pressions que leurs sociétés exercent sur l'environnement mondial et aux technologies et ressources financières dont ils disposent ». Le principe 11 reconnaît notamment que les normes écologiques appliquées dans certains pays industrialisés peuvent imposer un coût économique et social injustifié aux pays en développement.

La CCNUCC consacre ce principe de responsabilités communes mais différenciées, en affirmant « qu'il incombe aux parties de préserver le système climatique dans l'intérêt des générations présentes et futures, sur la base de l'équité et en fonction de leurs responsabilités communes mais différenciées et de leurs capacités respectives. Il appartient, en conséquence, aux pays développés parties d'être à l'avant-garde de la lutte contre les changements climatiques et leurs effets néfastes »237. Il s'agit d'un principe qui « appelle à une action universelle puisque chaque pays engagé par la Convention reconnaît explicitement porter une part de responsabilité, mais dans le respect des règles d'équité du fait de l'inégale distribution des responsabilités et des vulnérabilités face aux changements du climat ». Il se traduit par une double exigence pour les économistes : « les instruments économiques à mettre en oeuvre pour stabiliser la concentration atmosphérique des gaz à effet de serre doivent être déployés au plan global. Mais leur déploiement à grande échelle implique que les accords sur le climat répondent aux principes d'équité en respectant notamment le droit au développement des économies les moins avancées »238.

Le sentiment général à propos du principe de responsabilités communes mais différenciées est qu'il est « théoriquement juste », mais « pratiquement d'une utilisation délicate et il constitue la source d'impasses observées dans les négociations internationales pour l'application de la Convention-cadre sur les changements climatiques »239. Á travers ce principe, le droit international de l'environnement fait naître le soupçon que les pays les plus développés

237 CNUCC, article 3-1 ; v. égal. CCNUCC, préambule et article 4 ; Protocole de Kyoto, article 10 ; Plan d'action de Bali, Décision 1/CP.13, 1. a) ; Accord de Copenhague, paragraphe 1.

238DE PERTHUIS (Christian), DELBOSC (Anaïs) et LEGUET (Benoit), « La place des instruments

économiques dans les négociations internationales sur le climat », Conseil d'analyse économique n° 87, Politique climatique : une nouvelle architecture internationale, La Documentation française, 2009, p. 115. 239 BEDJAOUI (Mohammed), L'humanité en quête de paix et de développement (II), Haye, 2008, p. 361.

pourraient ralentir le développement de ceux qui le sont moins, et devenir potentiellement « une manière pour les pays "riches" de continuer à imposer, pour des motifs environnementaux en apparence incontestables, des règles, des formes de gestion des ressources, une vision du monde, des valeurs, un modèle du bien-être qui serait le leur à leur stade de développement et en fonction des crises qu'ils traversent »240

B : Une exigence économique

La réglementation par les instruments économiques en matière de droit international de l'environnement est un ensemble de mesures destinées à encadrer les activités économiques pour préserver l'environnement et promouvoir le développement durable. Ces mesures visent à créer un cadre économique qui encourage les pratiques durables et décourage les comportements néfastes. Plusieurs instruments économiques sont utilisés dans la réglementation environnementale, notamment les taxes, les subventions, les politiques commerciales et les mécanismes basés sur le marché tels que la tarification du carbone et les obligations vertes. Ces instruments peuvent être utilisés pour internaliser les externalités négatives de la dégradation de l'environnement, telles que la pollution et le changement climatique, et pour promouvoir des pratiques durables. Comme exemple, il y a la tarification du carbone qui est un mécanisme fondé sur le marché qui fixe un prix aux émissions de carbone. Cela crée une incitation économique pour les entreprises et les particuliers à réduire leur empreinte carbone. La tarification du carbone peut prendre la forme de taxes sur le carbone ou de systèmes de plafonnement et d'échange. Également, il y a les obligations vertes241 qui sont des instruments financiers qui mobilisent des capitaux pour des projets présentant des avantages environnementaux positifs. Ils offrent aux investisseurs la possibilité de soutenir des projets durables tout en obtenant un retour sur investissement. Ensuite, la politique joue un rôle dans la promotion de pratiques durables en imposant des droits de douane sur les produits ayant des impacts environnementaux négatifs ou en offrant des incitations aux exportations durables.

240 EWALD (François), « Le droit de l'environnement : un droit de riches ? », revue Pouvoirs n° 127, 2008, p. 14.

« L'auteur estime même que le principe de précaution est utilisé comme une sorte de clause de sauvegarde permettant à chaque pays de lutter contre ce qu'il estime être une menace grave pour son environnement, le droit de l'environnement apparaissant alors comme « un droit protecteur qui, dans un monde globalisé, fournit des instruments de restauration des souverainetés nationales au nom de la protection des populations ».

241 Une obligation verte est un emprunt émis sur le marché par une entreprise ou une entité publique auprès d'investisseurs pour lui permettre de financer ses projets contribuant à la transition écologique.

Sans refaire l'historique de l'utilisation des instruments économiques dans le domaine environnemental242, il convient tout de même de rappeler que le principe 16 de la Déclaration de Rio de 1992 y fait référence en déclarant que « les autorités nationales devraient s'efforcer de promouvoir l'internalisation des coûts de protection de l'environnement et l'utilisation d'instruments économiques, (...) ». Sur le plan conventionnel, le traité décisif a été le Protocole de Kyoto, avec lequel on est passé « d'une régulation de l'environnement par les normes à une régulation par les instruments économiques (taxes et marchés des droits) »243. Le Protocole

« correspond à la conception anglo-saxonne individualiste et jurisprudentielle, confiante dans les instruments économiques, pour gérer avec la souplesse nécessaire les rapports entre les êtres humains »244. Les trois mécanismes de flexibilité introduits par le Protocole de Kyoto, et désormais célèbres, l'échange de droits d'émission, l'application conjointe et le mécanisme pour un développement propre ont pour but de permettre aux parties de remplir leurs obligations d'une manière qui assure le meilleur rapport coût-efficacité, efficacité environnementale et efficacité économique allant de pair245.

La réglementation par les instruments économiques peut contribuer à atteindre les objectifs de développement durable et de protection de l'environnement, mais cela nécessite une coordination et une coopération internationale soutenues, ainsi qu'une mise en oeuvre responsable et équitable de ces politiques. L'effort des États dans des initiatives allant dans ce sens est remarquable même s'il y a encore des efforts à faire.

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