Paragraphe 1 : Une
remarquable solidarité des États
La solidarité des États en matière de
protection de l'environnement s'observe dans la recherche d'une
répartition équitable des efforts (A) et dans la
régulation par les instruments économiques (B)
A : Une obligation
collective
Plusieurs principes de la Déclaration de Rio de 1992
concernent le principe essentiel de responsabilités communes mais
différenciées : les principes 6, 7, 8 et 11. Sans entrer dans le
détail de ces principes, il est tout de même indispensable
d'apporter certaines précisions. Le principe 6 reconnaît la
situation et les besoins particuliers des pays en développement,
spécialement ceux des pays les moins avancés (PMA), en
matière d'environnement, en raison de leur vulnérabilité
sur ce plan à titre illustratif on peut prendre la COP 28236
au sommet de
233 Le 4 septembre 2002 s'est ouvert à
Johannesburg le Sommet mondial pour le développement durable
234 BOISSON DE CHAZOURNES (Laurence), «
Regards sur l'Accord de Paris - Un accord qui bâtit le futur », in
TORRE-SCHAUB (Marta) & DELMAS-MARTY (Mireille), Bilan et perspectives
de l'Accord de Paris (COP 21), IRJS Editions Regards croisés,
Paris, 2017. p. 97-106.
235 BOISSON DE CHAZOURNES (Laurence), «
Chapitre 15 - Droit de l'environnement », in, ALLAND (Denis),
Droit international public, Paris, PUF, 2000, p.
727.
236 La Conférence de Dubaï de 2023 sur
les changements climatiques, ou COP 28, est une conférence
internationale de l'Organisation des Nations unies se déroulant du 30
novembre au 12 décembre 2023.
Dubaï ou la plaidoirie des Etats Africains tourne autour
du solidarisme étatique en matière de protection de
l'environnement. Au contraire, le principe 7, qui consacre expressément
le principe de responsabilités communes mais
différenciées, met l'accent sur la responsabilité
particulière des pays développés afin de parvenir à
un développement durable, « eu égard aux pressions que
leurs sociétés exercent sur l'environnement mondial et aux
technologies et ressources financières dont ils disposent ».
Le principe 11 reconnaît notamment que les normes écologiques
appliquées dans certains pays industrialisés peuvent imposer un
coût économique et social injustifié aux pays en
développement.
La CCNUCC consacre ce principe de responsabilités
communes mais différenciées, en affirmant « qu'il
incombe aux parties de préserver le système climatique dans
l'intérêt des générations présentes et
futures, sur la base de l'équité et en fonction de leurs
responsabilités communes mais différenciées et de leurs
capacités respectives. Il appartient, en conséquence, aux pays
développés parties d'être à l'avant-garde de la
lutte contre les changements climatiques et leurs effets néfastes
»237. Il s'agit d'un principe qui « appelle
à une action universelle puisque chaque pays engagé par la
Convention reconnaît explicitement porter une part de
responsabilité, mais dans le respect des règles
d'équité du fait de l'inégale distribution des
responsabilités et des vulnérabilités face aux changements
du climat ». Il se traduit par une double exigence pour les
économistes : « les instruments économiques à mettre
en oeuvre pour stabiliser la concentration atmosphérique des gaz
à effet de serre doivent être déployés au plan
global. Mais leur déploiement à grande échelle implique
que les accords sur le climat répondent aux principes
d'équité en respectant notamment le droit au développement
des économies les moins avancées »238.
Le sentiment général à propos du principe
de responsabilités communes mais différenciées est qu'il
est « théoriquement juste », mais « pratiquement d'une
utilisation délicate et il constitue la source d'impasses
observées dans les négociations internationales pour
l'application de la Convention-cadre sur les changements climatiques
»239. Á travers ce principe, le droit international de l'environnement
fait naître le soupçon que les pays les plus
développés
237 CNUCC, article 3-1 ; v. égal. CCNUCC,
préambule et article 4 ; Protocole de Kyoto, article 10 ; Plan d'action
de Bali, Décision 1/CP.13, 1. a) ; Accord de Copenhague, paragraphe
1.
238DE PERTHUIS (Christian), DELBOSC (Anaïs) et
LEGUET (Benoit), « La place des instruments
économiques dans les négociations internationales
sur le climat », Conseil d'analyse économique n° 87, Politique
climatique : une nouvelle architecture internationale, La Documentation
française, 2009, p. 115. 239 BEDJAOUI (Mohammed),
L'humanité en quête de paix et de développement
(II), Haye, 2008, p. 361.
pourraient ralentir le développement de ceux qui le
sont moins, et devenir potentiellement « une manière pour les
pays "riches" de continuer à imposer, pour des motifs environnementaux
en apparence incontestables, des règles, des formes de gestion des
ressources, une vision du monde, des valeurs, un modèle du
bien-être qui serait le leur à leur stade de développement
et en fonction des crises qu'ils traversent »240
B : Une exigence
économique
La réglementation par les instruments
économiques en matière de droit international de l'environnement
est un ensemble de mesures destinées à encadrer les
activités économiques pour préserver l'environnement et
promouvoir le développement durable. Ces mesures visent à
créer un cadre économique qui encourage les pratiques durables et
décourage les comportements néfastes. Plusieurs instruments
économiques sont utilisés dans la réglementation
environnementale, notamment les taxes, les subventions, les politiques
commerciales et les mécanismes basés sur le marché tels
que la tarification du carbone et les obligations vertes. Ces instruments
peuvent être utilisés pour internaliser les externalités
négatives de la dégradation de l'environnement, telles que la
pollution et le changement climatique, et pour promouvoir des pratiques
durables. Comme exemple, il y a la tarification du carbone qui est un
mécanisme fondé sur le marché qui fixe un prix aux
émissions de carbone. Cela crée une incitation économique
pour les entreprises et les particuliers à réduire leur empreinte
carbone. La tarification du carbone peut prendre la forme de taxes sur le
carbone ou de systèmes de plafonnement et d'échange.
Également, il y a les obligations vertes241 qui sont des
instruments financiers qui mobilisent des capitaux pour des projets
présentant des avantages environnementaux positifs. Ils offrent aux
investisseurs la possibilité de soutenir des projets durables tout en
obtenant un retour sur investissement. Ensuite, la politique joue un rôle
dans la promotion de pratiques durables en imposant des droits de douane sur
les produits ayant des impacts environnementaux négatifs ou en offrant
des incitations aux exportations durables.
240 EWALD (François), « Le droit de
l'environnement : un droit de riches ? », revue Pouvoirs n°
127, 2008, p. 14.
« L'auteur estime même que le principe de
précaution est utilisé comme une sorte de clause de sauvegarde
permettant à chaque pays de lutter contre ce qu'il estime être une
menace grave pour son environnement, le droit de l'environnement apparaissant
alors comme « un droit protecteur qui, dans un monde globalisé,
fournit des instruments de restauration des souverainetés nationales au
nom de la protection des populations ».
241 Une obligation verte est un emprunt émis
sur le marché par une entreprise ou une entité publique
auprès d'investisseurs pour lui permettre de financer ses projets
contribuant à la transition écologique.
Sans refaire l'historique de l'utilisation des instruments
économiques dans le domaine environnemental242, il convient
tout de même de rappeler que le principe 16 de la Déclaration de
Rio de 1992 y fait référence en déclarant que «
les autorités nationales devraient s'efforcer de promouvoir
l'internalisation des coûts de protection de l'environnement et
l'utilisation d'instruments économiques, (...) ». Sur le plan
conventionnel, le traité décisif a été le Protocole
de Kyoto, avec lequel on est passé « d'une régulation de
l'environnement par les normes à une régulation par les
instruments économiques (taxes et marchés des droits)
»243. Le Protocole
« correspond à la conception anglo-saxonne
individualiste et jurisprudentielle, confiante dans les instruments
économiques, pour gérer avec la souplesse nécessaire les
rapports entre les êtres humains »244. Les trois
mécanismes de flexibilité introduits par le Protocole de Kyoto,
et désormais célèbres, l'échange de droits
d'émission, l'application conjointe et le mécanisme pour un
développement propre ont pour but de permettre aux parties de remplir
leurs obligations d'une manière qui assure le meilleur rapport
coût-efficacité, efficacité environnementale et
efficacité économique allant de pair245.
La réglementation par les instruments
économiques peut contribuer à atteindre les objectifs de
développement durable et de protection de l'environnement, mais cela
nécessite une coordination et une coopération internationale
soutenues, ainsi qu'une mise en oeuvre responsable et équitable de ces
politiques. L'effort des États dans des initiatives allant dans ce sens
est remarquable même s'il y a encore des efforts à faire.
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