Paragraphe 2 : En
matière de protection des investisseurs étrangers
Les investisseurs étrangers cherchent des conditions
d'opération qui les protègent face à l'instabilité
économique. Une protection juridique consistante des investissements
étrangers, de préférence sous la forme de règles
internationales uniformes, s'impose donc d'autant plus. Ainsi, il parait utile
qu'un tel système de protection ait vu le jour. Les États
d'accueil sont en effet liés par des normes internationales visant
à protéger les investisseurs étrangers des aléas
politiques. La bonne application de ces normes, peut généralement
être vérifiée à l'initiative des investisseurs, par
des tribunaux d'arbitrage internationaux. L'État voit ainsi son action
soumise à un contrôle extrême. Le droit international des
investissements, évolue dans un sens favorable aux investisseurs, car il
fait entrer dans son champ d'application toute la panoplie de l'action
publique. Ce qui nous subordonne pour une bonne appréhension à
évoquer les garanties juridiques (A) concourant à une protection
accrue des investisseurs étrangers et dans un autre volet aborder les
garanties juridictionnelles (B).
A : Des garanties
juridiques
La protection des attentes légitimes des investisseurs
étrangers a été assurée par l'ensemble des
traités d'investissements qui ont été le plus souvent des
traités bilatéraux d'investissements conclus entre les pays
d'origine des investisseurs ou de l'investissement et les pays hôtes de
l'investissement. En effet, cette protection a été à
l'origine rudimentaire c'est-à-dire peu développée. Les
traités bilatéraux d'investissement (TBI) font partie d'un
régime d'investissement international encadrant la manière selon
laquelle un pays et son gouvernement peuvent établir des règles
applicables aux avoirs étrangers. Au Canada, les TBI sont appelés
accords de promotion et de protection de l'investissement étranger
(APIE). Par ailleurs, les accords bilatéraux de libre-échange
contiennent des dispositions presque identiques à celles des TBI qui
prennent la forme de chapitres sur l'investissement et s'ajoutent à
d'autres dispositions
sur le commerce (par exemple le chapitre 11 de l'Accord de
libre-échange nord-américain214). Ce régime
d'investissement relève d'une application du droit international qui
assure aux investisseurs étrangers (individus et sociétés)
un haut niveau de protection contre le traitement arbitraire des États
où ils possèdent des actifs. On compte plus de 2 600
traités bilatéraux dans le monde. Ces traités
régissent l'action des gouvernements de façon rigoureuse, mais
n'imposent pas ou imposent peu de responsabilités aux investisseurs.
Il y'a aussi des conventions bilatérales
d'encouragement et de protection réciproque des investissements qui sont
des traités internationaux, conclus sur la base de la
réciprocité, entre deux États, afin de : définir
les principes et les règles de traitement et de protection qui
régiront les investissements des ressortissants d'une partie
contractante sur le territoire de l'autre partie contractante. Parmi les
règles de traitement de l'investissement, les traités peuvent
prévoir les règles du traitement national et/ou les règles
de la Nation la plus favorisée215 (clause NPF). Le principe
du traitement national consiste pour l'État d'accueil à fixer la
même règle de traitement pour l'investisseur étranger et
pour l'investisseur national. Selon la clause NPF, un investisseur
étranger ne saurait recevoir un traitement moins favorable que
l'investisseur ressortissant de la nation la plus favorisée. Les
traités ne concernent généralement que la phase
post-implantation, sauf ceux signés par les États-Unis qui
abordent la question de la phase d'implantation. S'agissant de la protection
des investissements, les traités comprennent les règles
applicables aux mesures de dépossession, aux sinistres ou dommages
provoqués par les événements politiques, au transfert des
investissements. De choisir les mécanismes qui permettront de
régler les différends entre ces parties. Les accords de
protection de l'investissement consacrent l'arbitrage comme mode
privilégié de règlement des différends, si les
parties ne sont pas parvenues à un accord au terme d'un règlement
amiable. Ils permettent aux parties d'invoquer cette clause et de recourir au
système qu'elles prévoient en dehors du contexte contractuel.
214 Le chapitre 11 de L'Accord de Libre Echange
Nord-Américain entrée en vigueur le 01 janvier 1994 se divise en
trois sections : la section A - Obligations en matière d'investissement
dont les Parties à l'Accord ont convenu. (Articles 1101 à 1114),
la section B - Procédures de règlement lorsqu'un différend
survient entre une Partie et un investisseur d'une autre Partie. (Articles 1115
à 1138) ; la section C - Définition de certains termes
employés dans ce chapitre. (Article 1139).
215 La clause de la nation la plus favorisée
est une clause fréquente des traités de commerce international
« par laquelle chaque État signataire s'engage à accorder
à l'autre tout avantage qu'il accorderait à un État tiers
». KOULICHER (Joseph), « Les traités de commerce et la clause
de la nation la plus favorisée du, XVIe au XVIIe siècle »,
Revue d'histoire moderne et contemporaine, Paris, Belin / CNRS,
nos 6-31, 1931, p. 3-29.
Dans la sphère africaine, il y'a le Protocole
d'investissement de la Communauté économique des États de
l'Afrique de l'Ouest (CEDEAO) signé en 2008 qui vise à promouvoir
et à protéger les investissements au sein de la région de
la CEDEAO. Il fournit un cadre pour le traitement des investisseurs
étrangers, y compris des garanties de traitement juste et
équitable, une protection contre l'expropriation et un libre transfert
de fonds et beaucoup de convention.
Ces conventions posent des principes cardinaux, qui concourent
à la protection des investisseurs estrangers. On note le principe de
non-discrimination qui impose aux États le devoir de traiter sans
discrimination les investisseurs étrangers mais aussi les
investissements nationaux. Á cet égard il faut
admettre que la discrimination est interdite, elle doit l'être aussi bien
à l'égard des individus et des sociétés
étrangères qu'à l'égard des filiales de
sociétés étrangères domiciliées sur place
mais contrôlées par l'étranger. Des questions qui se posent
apparaissent dès qu'il s'agit d'en poser les termes : le traitement de
l'investisseur étranger doit- il être rapproché de celui de
l'investisseur national, ou de celui des investisseurs étrangers
d'autres nationalités ? Et, dans le cadre de cette double comparaison,
en quoi consiste l'égalité
?
Tout d'abord, on doit noter que le principe de la
non-discrimination est limité au régime applicable à
l'investissement étranger autorisé comme le précise
l'article I alinéa 3 de la résolution 1803 (XVII) de
l'Assemblée Générale des Nations Unies qui dispose que :
« Dans les cas où une autorisation sera accordée, les
capitaux importés et les revenus qui en proviennent seront régis
par les termes de cette autorisation, par la loi nationale en vigueur et par le
droit international216».
Ce principe repose sur des clauses contingentes qui
proscrivent la discrimination. D'une part, on trouve la clause du traitement
national217 qui constitue un obstacle à la discrimination
216Résolution 1803 (XVII), AG/NU, du 14
décembre 1962 sur la Déclaration sur la souveraineté
permanente des peuples et des Nations sur les ressources naturelles, l'article
I paragraphe 3. « Dans les cas où une autorisation sera
accordée, les capitaux importés et les revenus qui en proviennent
seront régis par les termes de cette autorisation, par la loi nationale
en vigueur et par le droit international. Les bénéfices obtenus
devront être répartis dans la proportion librement convenue, dans
chaque cas, entre les investisseurs et l'Etat où ils investissent,
étant entendu qu'on veillera à ne pas restreindre, pour un motif
quelconque, le droit de souveraineté dudit Etat sur ses richesses et ses
ressources naturelles ».
217 Le traitement national est l'obligation de
considérer les investisseurs étrangers et/ou leurs
investissements d'une façon qui ne soit pas moins favorable que celle
qui est réservée aux investisseurs nationaux dans des situations
semblables. C'est une norme relative qui compare le traitement accordé
aux investisseurs et/ou aux
entre investisseur étranger et investisseur national.
D'autre part, la clause de la nation la plus favorisée
précitée qui fait obstacle à la discrimination entre les
investisseurs étrangers.
En somme, la garantie d'une protection juridique pour les
investisseurs étrangers est la pierre angulaire d'une économie
mondiale saine et dynamique. En offrant un environnement sûr et
sécurisé pour l'investissement, les pays peuvent libérer
tout le potentiel des investissements transfrontaliers, promouvoir la
croissance économique et créer un avenir meilleur pour tous.
À mesure que l'économie mondiale continue d'évoluer,
l'importance de cette garantie ne fera que croître, ce qui en fera une
préoccupation majeure pour les décideurs politiques, les chefs
d'entreprise et les investisseurs.
B : Des garanties
juridictionnelles
La protection des investissements étrangers est un
élément crucial pour encourager les flux d'investissement
internationaux et promouvoir la croissance économique durable. Dans ce
contexte, les garanties institutionnelles jouent un rôle essentiel de
protections des investisseurs étrangers dans la mesure où ils
auront accès à des recours juridiques impartiaux et efficaces en
cas de litige ou d'expropriation. Au cours de ces dernières
décennies des institutions importantes comme le Centre international
pour le règlement des différends relatifs aux investissements
(CIRDI), la cour internationale de justice, la Société
financière internationale (SFI) de la Banque mondiale ont joué un
rôle très important allant dans ce sens.
Le CIRDI est une organisation intergouvernementale
créée en 1965218 pour régler les
différends entre les États et les investisseurs étrangers.
Il offre une plateforme pour la négociation et la médiation des
conflits liés aux investissements étrangers, ainsi que pour
l'arbitrage des différends qui ne peuvent être résolus par
des moyens amiables. Le CIRDI est doté d'un système d'arbitrage
conforme au droit international public, qui permet de trancher les litiges
entre les États et les investisseurs étrangers de manière
équitable et transparente. Á cet effet la CIRDI a rendu plusieurs
décisions salvatrices au cours de ces dernières
décennies.
investissements d'un pays étranger à celui qui est
accordé aux investisseurs/investissements dans le pays d'accueil.
218 Le Centre international pour le règlement
des différends relatifs aux investissements (CIRDI) a été
créé par la Convention de Washington du 18 mars 1965.
Comme exemple la sentence du 13 novembre 2000, Maffezini
contre Espagne219 dans laquelle le centre a rappelé encore
une fois la portée de la clause de la nation la plus favorisée et
aussi la décision sur la compétence du centre du 1er
décembre 2000, Ceskoslovenska Obchodni220 par laquelle, le
centre a adopté une approche large et flexible de la notion
d'investissement, en tenant compte des caractéristiques objectives de
l'opération, telles que la durée, le risque, la contribution et
la régularité, ainsi que des intentions subjectives des parties,
telles que l'existence d'un consentement à l'arbitrage et la protection
du traité bilatéral d'investissement. Cette décision a
également reconnu la personnalité juridique distincte des
investisseurs étrangers par rapport à leur État d'origine,
en permettant aux binationaux de recourir à l'arbitrage du CIRDI si
l'une de leurs nationalités est celle d'un État contractant autre
que l'État hôte. Cette décision a été suivie
par de nombreux tribunaux arbitraux du CIRDI, qui ont appliqué les
mêmes critères pour affirmer leur compétence sur des
différends relatifs à des investissements
variés221, tels que des prêts, des concessions, des
contrats de construction, des licences, des actions, des obligations, etc.
La SFI, quant à elle, est une institution
financière internationale créée en 1947 pour contribuer au
développement économique et social des pays en voie de
développement. Elle fournit des financements et des conseils techniques
aux gouvernements et aux entreprises pour soutenir leur développement
économique et social. Elle est également active dans la promotion
de l'investissement international et dans la gestion des différends
liés aux investissements étrangers.
Les responsabilités des deux institutions sont donc
complémentaires dans la mesure où le CIRDI se concentre
principalement sur la résolution des différends liés aux
investissements étrangers, tandis que la SFI se focalise sur la
promotion de l'investissement international et la fourniture de financements et
de conseils techniques aux gouvernements et aux entreprises. L'analyse de leurs
rôles respectifs montre que ces institutions internationales jouent un
rôle important dans la résolution des différends
liés aux investissements étrangers. Elles offrent des
mécanismes de protections des investissements étrangers, en
particulier ceux des petits et moyens entrepreneurs contre les risques
politiques et commerciaux. Ces garanties encouragent
219 CIRDI, Sentence du 13 novembre 2000, Maffezini c.
Espagne, Aff. N° ARB/97/7
220 CIRDI, décision sur la compétence,
1er décembre 2000, Ceskoslovenska Obchodni Banka, A.S. c./
République Slovaque, Aff. N° ARB/97/4.
221 CIRDI, sentence du 10 mars 2014, Tulip Real Estate
Investment and Development Netherlands B.V. c. Turquie, Aff. N°
ARB/11/28.
les investisseurs à investir dans des projets
productifs et rentables, ce qui contribue considérablement à la
croissance économique et sociale des pays en développement.
Outre ces deux institutions ; il y'a la cour internationale de
justice qui a joué un rôle salvateur par le biais de ces
décisions rendues en matière de protection des investisseurs
étrangers. Dans cette optique, il y l'affaire Ahmadou Sadio Diallo
(République de Guinée contre République
Démocratique du Congo)222.
Il ressort des faits que, le 28 décembre 1998, la
Guinée a déposé une requête introductive d'instance
contre la République démocratique du Congo au sujet d'un
différend relatif à de « graves violations du droit
international » qui auraient été commises sur la
personne de M. Ahmadou Sadio Diallo, ressortissant guinéen. Dans sa
requête, la Guinée soutenait que Monsieur Ahmadou Sadio Diallo,
homme d'affaires de nationalité guinéenne, avait
été, après trente-deux (32) ans passés en
République démocratique du Congo, injustement
incarcéré par les autorités de cet État,
spolié de ses importants investissements, entreprises et avoirs
mobiliers, immobiliers et bancaires puis expulsé. La Guinée y
ajoutait que « cette expulsion était intervenue à un
moment où M. Ahmadou Sadio Diallo poursuivait le recouvrement
d'importantes créances détenues par ses entreprises
Africom-Zaïre et Africontainers-Zaïre sur l'État congolais et
les sociétés pétrolières qu'il abritait et dont il
était actionnaire ».Dans sa requête, la Guinée
invoquait, pour fonder la compétence de la Cour, les déclarations
d'acceptation de la juridiction obligatoire de celle-ci faites par les deux
États au titre du paragraphe 2 de l'article 36 du Statut de la Cour.
D'abord dans son arrêt sur le fond du 30 novembre 2010,
la Cour a jugé que, eu égard aux conditions dans lesquelles M.
Diallo avait été expulsé le 31 janvier 1996, la RDC avait
violé l'article 13 du Pacte international relatif aux droits civils et
politiques, ainsi que le paragraphe 4 de l'article 12 de la Charte africaine
des droits de l'homme et des peuples. Elle a également jugé que,
eu égard aux conditions dans lesquelles M. Diallo avait
été arrêté et détenu entre 1995 et 1996 en
vue de son expulsion, la RDC avait violé les paragraphes 1 et 2 de
l'article 9 du Pacte et l'article 6 de la Charte africaine. La Cour en bon
droit a conclu que « la République démocratique du Congo
avait l'obligation de fournir une réparation appropriée, sous la
forme d'une indemnisation, à la République de Guinée pour
les conséquences préjudiciables résultant des violations
d'obligations internationales visées aux points 2 et 3 du dispositif
» et ensuite
222 Ahmadou Sadio Diallo (République de
Guinée c. République démocratique du Congo),
indemnisation, arrêt,
C.I.J. Recueil 2012, p. 324.
dans sa décision du 19 juin 2012, La cour a conclu que
l'indemnité à verser à la Guinée s'élevait
donc à un total de 95 000 dollars, payable le 31 août 2012 au plus
tard. Elle a décidé que, en cas de paiement tardif, des
intérêts moratoires sur la somme principale courraient, à
compter du 1er septembre 2012, au taux annuel de 6 pour cent. La
Cour a décidé que chaque Partie supporterait ses frais de
procédure.
Cette affaire est intéressante également
à d'autres égards et est d'une pertinence notoire dans la mesure
où la CIJ n'est compétente que pour connaitre des litiges
purement étatiques223. Mais là il s'agit d'un individu
qui saisit la cour par le biais de son État et cette dernière y
fait référence à la jurisprudence des autres juridictions
internationales et régionales des droits de l'Homme. Des questions
peuvent être soulevées sur l'interaction et l'influence mutuelle
entre la CIJ et ces juridictions ainsi que sur la position qu'adopterait la
Cour s'il s'agissait de questions « plus controversées touchant
à la souveraineté étatique »224. La
Cour adopterait-elle la position des juridictions de protection des droits de
l'Homme qui sont plus protectrices ?
Toutefois, on doit relever que cette posture qu'a pris la cour
n'est pas soudaine. Depuis des années déjà la cours
rendait déjà des décisions remarquables en remarquable en
matière de protection des investisseurs étrangers comme on l'a eu
à observer dans l'arrêt CIJ, arrêt Nottebohm en
1955225 et Barcelona traction en 1970226
En somme, ces garanties institutionnelles de protection des
investissements étrangers encadrées par le droit international
sont un élément clé pour les particuliers qui souhaitent
investir à l'étranger, et participer ainsi à la promotion
de la stabilité et de la croissance économique mondiale,
même si les règles sont toujours en pleine mutation.
223 Article 34-1 du statut de la cour internationale
de justice.
224 EL BOUDOUHI (Saida), « Affaire Ahmadou Sadio
Diallo (République de Guinée c. République
Démocratique du Congo), Fond : La CIJ est-elle devenue une juridiction
des droits de l'Homme ? », Annuaire français du droit
international, N°56, 2010, pp. 277-299.
225 CIJ, arrêt, 6 avril 1955, Nottebohm, Rec.
CIJ, 1955.
226 CIJ, arrêt, 5 février 1970, Barcelona
Traction (Belgique c/ Espagne), (fond), Rec. CIJ, 1970.
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