4.1.3. Les problèmes dans son environnement proche
et ses capacités militaires limitées
L'environnement régional, théoriquement porteur
sur le plan économique, au regard des ressources naturelles
présentes dans la région, constitue également une limite
pour l'influence rwandaise sur le continent et singulièrement dans les
Grands lacs. Le Rwanda, qui a réussi à s'imposer comme une
puissance importante sur le continent, continue d'entretenir des relations
difficiles avec certains de ses voisins. Cette situation de crise permanente
avec les pays limitrophes pourrait à terme mettre à mal les
ambitions rwandaises dans la région. Entre sa rivalité avec
l'Ouganda et ses implications dans les conflits à l'est de la RDC, le
Rwanda peine à s'imposer comme un leader avec qui les autres pays
peuvent entretenir de bonnes relations pour la stabilité de la
région et son développement.224 À un moment ou
un autre, ses voisins l'ont désigné comme un État
ennemi.225 Avec le Burundi, si on note des avancées notables
dans leurs relations diplomatiques, les tensions sont loin d'être
résolues. Avec l'Ouganda, la situation est similaire. Mais, c'est
surtout avec la RDC que les tensions sont de plus en plus vives et semblent
s'enliser un peu plus avec la résurgence du M23. Or la posture
conflictuelle que le Rwanda entretient avec ses voisins ne favorise pas le
renforcement de son leadership dans la région. En effet, plutôt
que d'inspirer l'assurance, la cohésion comme un leader est
sensée l'être, le Rwanda inspire la méfiance et
l'inimitié. Les tensions politiques avec les autres États des
grands lacs conduisent très souvent à la fermeture des postes
frontaliers et limitent les échanges commerciaux qui sont pourtant
indispensables pour son économie. Ainsi, dans cet environnement
particulièrement instable, les bénéfices attendus de
l'approfondissement de l'EAC pour le Rwanda semblent incertains.
Dépendant des autres, le Rwanda a tout intérêt à
améliorer ses relations avec ses voisins contigus s'il veut avoir une
influence positive et renforcer sa position de leader dans la région et
sur le continent.
Dans sa stratégie de projection sur le continent,
l'armée est un élément majeur que le Rwanda exporte. Si
ces interventions efficaces au Mozambique et en RCA lui ont permis de renforcer
son statut de pourvoyeur de sécurité sur le continent, selon
certains spécialistes, l'armée rwandaise risque
l'épuisement et pourrait atteindre ses limites en termes de pourcentages
des forces qu'elle est capable de déployer en Afrique. Avec la
multiplication des conflits sur le continent, le Rwanda sera dans l'obligation
de s'imposer des limites dans sa
224 S. CHABOUNI. (2020), op.cit., p.8.
225 F. REYNTJENS. (2020), op.cit., p.13.
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stratégie de déploiement
militaire.226 Rappelons que c'est un pays qui ne possède pas
d'industrie d'armement et, selon certaines sources, il aurait
déjà engagé dans sa stratégie de déploiement
militaire sur le continent près de 20 % de ses effectifs militaires.
Toutes ses opérations, bien que ne nous disposions pas des montants
réels dépensés par le gouvernement rwandais, celles-ci ont
un coût qui peut s'avérer être très important. Selon
le quotidien Africa Intelligence, les dépenses militaires du
Rwanda au Mozambique par exemples sont estimées par les autorités
rwandaises entre 10 et 20 millions de dollars par mois. Cela
équivaudrai, à plus de 100 millions de dollars sur presque un an
d'engagement militaire.227 Ces montants représentent des
sommes colossales que le Rwanda ne pourra évidemment pas endosser seul
sur le long terme en raison de ses capacités financières
limitées. À moins que les dirigeants rwandais n'aient recours
à des financements étrangers venant des pays de l'UE (France,
Portugal, Italie) dont les intérêts économiques des
sociétés nationales sont directement
menacés.228 En effet, dans cette partie du territoire
mozambicain, un projet important d'exploitation de gaz liquéfié
devant être exploité par les deux sociétés (Total
énergies, Eni) était en cours d'exécution avant la
détérioration des conditions sécuritaires dans la
région. C'est cette situation sécuritaire de plus en plus
délétère qui a poussé les entreprises
impliquées dans le projet à suspendre l'exploitation, estimant
que les conditions sécuritaires n`étaient plus réunies.
L'intervention du Rwanda à Cabo Delgado apparait donc comme salutaire
pour ces entreprises qui souhaitent un retour à la normale pour qu'elles
puissent poursuivre l'exécution de ce projet.
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