Le Rwanda: analyse géopolitique d'une puissance émergente africainepar Guy Herod PAMBO MIHINDOU Université Omar Bongo - Master 2023 |
4.1.2. Une économie encore dépendante de la conjoncture extérieureDepuis la fin du génocide, de nombreux efforts de reconstruction ont été engagés par les grandes puissances occidentales au Rwanda, d'abord sous l'égide de l'ONU puis dans le cadre de dons et aides financières pour son développement. Du fait de sa situation particulière post génocide, de la bonne gouvernance qui caractérise le pays et par l'habile utilisation du drame au niveau international, le Rwanda a pu bénéficier d'une aide internationale importante. Celle-ci représentait la principale source de financement du pays au lendemain du génocide. Entre 1994 et 2012, elle constituait plus de la moitié du budget de l'État rwandais. Au plus fort de sa participation au budget rwandais, l'aide étrangère représentait près de 78 % des parts du budget total (cf. graphique 2). Même si elle ne représente aujourd'hui qu'environ 15, 20 % du budget selon les données 2021 du ministère de l'économie, elle demeure une manne financière importante dont le gouvernement rwandais ne peut se passer. Cette dépendance à l'aide internationale l'oblige à être en bon termes avec ses bailleurs de fonds, les risques de déstabilisation de son système économique étant importants en cas de suspension ou retrait de celle-ci. En effet, en matière des finances publiques, la dépendance aux aides étrangères fait peser un risque sur son économie et peut compromettre les projets de développement envisagés sur la base de cette manne financière. Ces conditions ne sont pas idéales pour le Rwanda car elles limitent ses agissements en tant qu'État et pose le problème de sa souveraineté économique. D'ailleurs en 2012, alors que l'aide internationale représentait 48 % du budget (cf. graphique 2), de nombreux partenaires économiques du Rwanda avaient décidé de suspendre leurs aides en raison des accusations de soutien à une mutinerie présente à l'est de la RDC. Suite à ses différentes accusations, les principaux partenaires ont suspendu leurs aides au développement et ainsi que leurs coopérations dans le domaine militaire avec le Rwanda. Dans les faits, les États-Unis et la Belgique ont temporairement arrêté leurs coopérations militaires avec le Rwanda, les allemands, les suédois et les néerlandais dans la foulée ont partiellement interrompus des aides au développement, tout comme la banque africaine de développement (BAD). La Grande-Bretagne, pourtant considérée comme l'allié le plus fidèle au gouvernement rwandais et principal contributeur au budget rwandais avait également décidée de suspendre son aide.219 219 J. RÉVILLON. (2014), op.cit., p.28. 87 Ces suspensions ont eu des conséquences sur l'économie du Rwanda et ont impacté la croissance de son PIB. Celui-ci a chuté et est passé de 8,8 % en 2012 à 4,7 % en 2013.220 Cette situation a démontré que les aides internationales perçues par le Rwanda pour soutenir son développement, étaient conditionnées d'une certaine façon par les agissements du Rwanda dans la région, notamment dans la partie est de la RDC où le Rwanda est régulièrement accusé par de nombreuses ONG et groupes d'experts onusiens de soutenir des groupes rebelles armés. À l'heure où le M23 est de nouveau actif à l'est de la RDC, plus de dix ans après sa défaite contre les FARDC et la MONUSCO, le Rwanda se retrouve de nouveau sous le feu des critiques. Il est de nouveau accusé par son voisin de soutenir les actions militaires menées par ce groupe rebelle. Après de long mois, d'observations, d'appel au dialogue et au cessez le feu, les puissances occidentales partenaires (États-Unis, Grande Bretagne, France) du Rwanda ont condamné ouvertement son soutien au M23.221 Même si pour l'instant, ces différentes condamnations venues du monde occidental n'ont pas donné lieu à des sanctions sur le plan économique, comme ce fut le cas en 2012. Toutefois, il apparait comme en 2012 que les risques de nouvelles suspensions ou suppressions des aides internationales, planent sur le Rwanda surtout si la situation continue de se détériorer du point de vue sécuritaire à l'est de la RDC.222 Si il y a des sanctions économiques contre l'État rwandais, celles-ci pourraient impacter négativement son économie. Cette dépendance à l'aide internationale révèle à quel point le système économique rwandais est vulnérable et sujet à la donne extérieure. L'autre aspect qui rend le système économique du Rwanda peu solide est sa dépendance au cours des matières premières. Les principales exportations rwandaises sont le café et le thé. L'exportation de ces produits a déjà connu des baisses importantes dans les années 1980 et avait contrarié l'économie rwandaise.223 Ces deux produits sont encore aujourd'hui des ressources importantes d'exportations du Rwanda. Mais, soumis à la conjoncture internationale, les revenus issus de l'exportation de ces produits peuvent être revus à la baisse en cas de crise dans le secteur et soumettraient encore une fois l'économie rwandaise à la dure réalité de sa dépendance aux marchés internationaux. Aides internationales et dépendances à l'exportation 220 A. NGIRABATWARE. (2022). RWANDA : Comprendre la croissance d'une économie de guerre pendant 30 ans. Paris : Editions du Panthéon, 404p. 221 JEUNE AFRIQUE. (2022, 20 décembre). RDC : Paris « condamne le soutien » du Rwanda au M23. Disponible à l'adresse : https://www.jeuneafrique.com/1402516/politique/rdc-paris-condamne-le-soutien-du-rwanda-au-m23/ 222LE MONDE, AFP & REUTERS. (2023, 4 mars). RDC : en visite à Kinshasa, Emmanuel Macron appelle au respect du plan de paix dans l'est du pays. Le monde Afrique. Disponible à l'adresse : https://www.lemonde.fr/afrique/article/2023/03/04/rdc-en-visite-a-kinshasa-emmanuel-macron-appelle-au-respect-du-plan-de-paix-dans-l-est-du-pays_6164154_3212.html 223 A. NGIRABATWARE. (2022), op.cit. 88 des produits soumis à la volatilité des prix sur le marché international sont donc les deux éléments qui exposent l'économie rwandaise à diverses crises selon les périodes. |
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