SECTION 3 : REVUE DES TRAVAUX EMPIRIQUES SUR LA
DIVERSIFICATION DES EXPORTATIONS ET LA CROISSANCE
Plusieurs travaux empiriques ont, d'une façon
spécifique, pris en compte la relation entre la diversification des
exportations et la croissance économique.En effet, l'analyse des travaux
économétriques menés par Gutiérrez de
Piñeres et Ferrantino (2000) dans le cas des pays de l'Amérique
latine (le Chili, l'Uruguay, la Colombie...) en s'appuyant sur les
données de panel, montre qu'il existe bien une interaction positive
entre la diversification des exportations et la croissance économique.
Ces résultats sont similaires à ceux obtenus par De Ferranti et
al. (2002) et Al-Marhubi (2000) dans des pays en développement ;
Hammouda et al. (2009) en Afrique du Nord entre 1980-2002 ; Mejia (2011) ;
Mudenda et al. (2014) dans le cas de l'Afrique du Sud. A travers les
modèles structurels de développement, Chenery, (1980), estime que
les pays devraient passer des exportations primaires aux exportations de
produits manufacturés pour aboutir à une croissance durable.
Dans le même ordre d'idées, Feenstra et Kee
(2004) dans leurs analyses sur le lien entre la productivité d'un pays
et la variété sectorielle de ses exportations, datant des
années 1984-1997 sur un échantillon de 34 pays, concluent qu'une
hausse de 10% de la diversité des exportations dans toutes les branches
entrainerait une augmentation de 1,3% de la productivité d'un pays. En
outre, la diversification des exportations vers les produits
manufacturés conduit à un taux de croissance plus
élevé, plus de productivité et un bien-être accru
(Haussman et al, 2007 ; Palma, 2005). En se focalisant sur la méthode
des moments généralisés, dans certains pays en
développement au cours de la période 2000-2009, Khodayi, hamed et
al (2014), arguent que la réduction de la spécialisation des
exportations, autrement dit l'augmentation de la diversification des
exportations a un effet significativement positif sur le taux de croissance
économique d'un pays.
C'est dans ce contexte que Hesse (2009), stipule que la
spécialisation principalement autour des produits de base expose les
pays à des chocs externes défavorables, entraînant une
détérioration des termes de l'échange avec pour
conséquence un ralentissement de la croissance. Naudé et Rossouw
(2011) concluent à une relation en U entre la spécialisation des
exportations et la croissance du revenu par habitant en Chine et en Afrique, en
utilisant des séries chronologiques.
En élaborant un modèle
économétrique des déterminants de la croissance
économique dans les économies de rente, riches en ressources
naturelles, à partir des données d'un échantillon
composé de 85 pays pour la période de 1965-1998, Gylfason (2005)
tente de comprendre les relations d'une part, entre la diversification
économique et la croissance et d'autre part, entre les autres
déterminants de la croissance et la diversification. Il conclut que tout
ce qui est bon pour la croissance encourage la diversification
économique.
Dans cette même perspective Sanassee et al. (2014), ont
montré dans un modèle à correction d'erreur
appliqué à Maurice qu'une augmentation de 1% de la
diversification des exportations se traduirait par une augmentation de 0,09% du
PIB réel à court terme et de 0,11% du PIB réel à
long terme. L'ajustement ne prendrait pas du temps selon les auteurs, parce que
la croissance économique contribue aussi à accroître la
diversification. A partir d'une approche économétrique par les
moindres carrés ordinaires (MCO), sur une période de 1981-2016,
Owan et al. (2020), soutiennent ainsi l'existence d'une relation positive et
significative entre le produit intérieur brut non pétrolier comme
mesure de la diversification économique et la croissance
économique tandis que les exportations non pétrolières
comme proxy de la diversification des exportations avaient un effet positif,
mais non significatif sur la croissance économique du Nigéria.
Dans leur analyse fondée sur l'hypothèse
d'existence d'une relation entre la diversification des exportations et la
croissance économique par le biais des externalités de
l'apprentissage par l'exportation et de l'apprentissage par la pratique, Herzer
et al. (2006) estiment une fonction de production type Cobb-Douglas
augmentée sur la base de données de séries chronologiques
du Chili sur la période 1962-2001. Leurs résultats montrent que
les diversifications horizontale et verticale des exportations favorisent la
croissance économique. Cette constatation corrobore les résultats
de Olaleye et al. (2013) qui concluent qu'une augmentation de la production du
secteur agricole entraînera une amélioration significative du
bien-être de la population au Nigeria. Des résultats similaires
ont été trouvés par plusieurs auteurs comme Agosin (2007)
et Ferreira (2009) ; Bakari, (2016), Lotti et Karim, (2017) dans la plupart des
pays de leur échantillon.
Imbs et Wacziarg (2003) dans leurs analyses portant sur
différents pays, sur la relation entre la concentration sectorielle
nationale et la structure du revenu par habitant, ont montré que la
diversification avait une relation en U inversé avec le niveau de
développement. Ainsi, selon eux, la croissance se manifeste par une
augmentation de la diversification sectorielle, mais à un certain seuil
de revenu par habitant, la distribution sectorielle de l'activité
économique a tendance à se reconcentrer. Mais leur étude a
surtout mis l'accent sur l'importance d'une gestion saine des facteurs
macroéconomiques dans les efforts de diversification des
économies.
Selon Levin et Raut (1997), lorsque les exportations totales
d'un pays comprennent une plus forte proportion d'exportations de produits
manufacturés, cela a un effet positif sur la croissance
économique.
En utilisant les données
désagrégées sur les exportations, Klinger et Lederman
(2004) montrent qu'alors que la diversification augmentait dans les pays peu
développés, elle diminuait lorsque les pays dépassaient un
certain revenu intermédiaire. Les nouveaux produits exportés
selon ces auteurs, avaient une forme d'une courbe en U inversée par
rapport aux revenus, ce qui présage que les économies deviennent
moins concentrées et plus diversifiées à mesure que les
revenus augmentent. Ce n'est qu'à des niveaux de revenus relativement
élevés qu'une augmentation de la croissance s'accompagne d'une
plus forte spécialisation et donc d'une plus faible diversification. Ces
résultats vont dans le même sens avec ceux obtenus par Cadot,
Carrère et Strauss-Kahn (2011).
Par ailleurs, Bakari et Mabrouki (2016), analysent la relation
entre la croissance économique, l'exportation et l'importation au Maroc
en s'appuyant sur les techniques de modélisation VAR et de
causalité au sens de Granger. Leurs résultats montrent
l'existence d'un effet de causalité qui va de la croissance
économique vers l'exportation alors qu'il n'existe aucun effet qui va de
l'exportation vers la croissance. Ce résultat est similaire avec ceux
obtenus par Sachin et al. (2015) dans le cas de l'Inde.
Cependant Chang et al. (2000), Sharma et Panagiotidis (2005)
trouvent des résultats qui ne semblent pas valider l'hypothèse de
la croissance tirée par les exportations. Nicet-Chenaf et Rougier (2008)
soulignent qu'une trop grande diversification des exportations peut nuire
à la croissance d'un pays. L'auteur a utilisé la méthode
des moments généralisés (GMM) et s'est concentré
sur la Tunisie, l'Égypte, la Jordanie, le Maroc, l'Algérie et
l'Israël.
Aditya et Roy (2009) sont parvenus également à
des conclusions similaires sur l'effet de la diversification des exportations
sur la croissance en utilisant la même démarche dans un
échantillon de 68 pays. De plus, Gutiérrez de Piñeres et
Ferrantino (2000) en utilisant les données des séries temporelles
obtiennent un effet négatif entre la diversification des exportations et
la croissance en Chili et en Colombie.
Conclusion partielle
En conclusion de ce chapitre, l'analyse approfondie a
porté sur la conceptualisation et la revue de la littérature sur
la diversification des exportations et la croissance économique. La
première section a détaillé les concepts clés de
diversification et de croissance, mettant en évidence les enjeux et
identifiant les déterminants de ce processus crucial. La revue de la
littérature théorique dans la section suivante a souligné
l'évolution des théories du commerce international, passant de la
spécialisation à la reconnaissance croissante de la
diversification comme moteur essentiel de la croissance, en particulier selon
les théories de la croissance endogène.
La dernière section a exploré les travaux
empiriques, révélant une diversité de résultats sur
la relation entre la diversification des exportations et la croissance
économique. Certains auteurs ont appuyé une corrélation
positive, mettant en lumière les avantages potentiels de la
diversification, tandis que d'autres ont signalé des effets
négatifs ou des seuils critiques.
En résumé, cette exploration approfondie a
jeté les bases nécessaires pour comprendre les aspects
théoriques et empiriques de la diversification des exportations et de
son impact sur la croissance économique. La prochaine étape
consistera à appliquer ces connaissances à notre contexte
spécifique, en analysant de plus près les données pour
évaluer comment ces concepts s'appliquent à notre sujet de
recherche.
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