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Reconnaissance et conflit au sein des presbyeriums:une lecture a partir de la lutte pour la reconnaissance d'Axel Honneth


par Charles Dieudonné TOMB TOMB
Université de Lorraine-Metz - Master II en Sciences Humaines et Sociales, mention Théologie Catholique 2022
  

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IV.2. L'apport de l'interobjectivité dans la théorie de lutte pour la reconnaissance

La reconnaissance interobjective a pour ambition de réintroduire dans la sphère intersubjective des rapports sociaux les objets. Toutefois, Voirol part d'une objection selon laquelle, il lui semble impossible d'accepter le postulat de symétrie radicale entre les humains et les non humains dans le cadre de la théorie de la reconnaissance278. D'après lui, Honneth fait une différenciation fondamentale entre les humains et non humains : c'est ce qui lui « permet de faire de la critique de la réification, de la transformations des humains en choses »279. Ce qui est contraire avec la perspective de Latour. Dans la mesure où, « il est impossible de rendre compte et de critiquer la transformation d'un rapport entre des humains en rapports entre les choses. L'effacement de la médiation des objets chez Honneth, par le primat accordé à l'intersubjectivité symbolique, d'une part, l'impossibilité de rendre compte de la réification dans l'interobjectivité latourienne, d'autre part, incite à penser une forme de reconnaissance interobjective susceptible de faire une place accrue à l'interobjectivation sans toutefois renouer avec la symétrie latourienne »280. La première objection faite par Voirol à Latour sur la symétrie radicale entre les humains et les non humains nous semble fort pertinente. Car, il peut y avoir de liens entre les humains et les objets mais il n'en demeure pas moins qu'il y a une différence entre eux. C'est l'humain qui donne l'existence aux choses ou aux objets par le sens que celui-ci les confère. Comme le souligne Frédéric Vandenberghe : « Il suffit de suivre les objets jusqu'à leurs racines pour retrouver, en fin de parcours, les humains comme arch et comme telos. Quelle que soit la façon dont les humains sont reliés aux non-humains, ce sont toujours les humains qui rencontrent les non-humains et les dotent, le cas échéant, d'un sens, d'une valeur d'usage ou d'une valeur d'échange »281.

La seconde objection formulée par Voirol à l'endroit de Latour porte sur la question de la morale et du statut de la normativité à partir du rapport entre l'anthropologie symétrique et la théorie de la reconnaissance. Pour la théorie de la reconnaissance, la médiation est normative entre les sujets. En revanche, la médiation par les objets prônée par Latour intègre peu la dimension morale. Pour lui, ce qui compte le plus c'est ce qui fait le lien, les modalités de l'assemblage et non des questions normatives. Si c'est de cette façon qu'est articulée la

278 Ibid.

279 Ibid.

280 Ibid.

281 Vandenberghe, F., Complexité du post-humaine. Trois essais dialectiques sur la sociologie de Bruno Latour, Paris, l'Harmattan, 2006. (Voir aussi l'article de Voirol sur La lutte pour l'interobjectivation. Les remarques sur l'objet et la reconnaissance).

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problématique de la reconnaissance, cela signifie que « toute interobjectivité est une manière, même implicite, de conférer une reconnaissance à des destinataires en tant qu'elle est configurée dans l'objet s'adressant à eux à titre de programmes d'action »282. Si tel est le cas, d'après Voirol, la théorie de la reconnaissance peut corriger ce déficit normatif de l'interobjectivation latourienne par l'intégration « d'une composante morale dans les objets et les actions qu'ils engagent par leurs programmes d'action »283. Ce n'est qu'à partir de ce moment qu'il est possible de penser au rapport intersubjectif entre les sujets dans la médiation avec les objets.

IV.3. De la médiation entre les sujets et les objets

La médiation entre le sujet et l'objet est possible si elle s'opère dans la perspective de l'autre pour accéder au sens de ses propres actions et développer un rapport à soi284. Cet autre qui vient pour faire corps entre le sujet et l'objet n'est pas toujours un humain. Il peut être une activité particulière. Ce qui fait que la reconnaissance de soi par autrui entre dans le sillage de la reconnaissance de soi dans quelque chose et elle devient une reconnaissance à l'oeuvre : « Les sujets demandent à être reconnus par d'autres sujets mais ils cherchent aussi à se reconnaître, à leurs propres yeux, dans ce qu'ils font »285 d'où l'importance de la reconnaissance par les choses. Toutefois, il est possible d'envisager les relations de reconnaissance entre les sujets dans leurs rapports intersubjectifs mais aussi en termes d'interobjectivation permettant de mettre en exergue « le rôle de la matérialité des objets dans la formation du rapport à soi, mais aussi du rapport aux autres par la médiation des objets »286.

Le désir d'être reconnu est donc au coeur de la lutte pour la reconnaissance. Être reconnu, « c'est être identifié, or il y a aussi un plaisir à se rendre méconnaissable ». Dans le cas des presbyteriums, certains membres se heurtent à l'exigence de la reconnaissance soit par manque de confiance en soi, soit alors par dissolution de l'estime de soi. Par conséquent, ces membres peuvent vouloir légitimement échapper à l'approbation des autres plutôt que de se soumettre à elle287. Echapper à l'approbation des autres c'est remettre en cause l'attitude positive envers soi-même et la valeur que les autres vous accorde. De tels membres ne peuvent que trouvées

282 Ferrarese, E., (sous la dir.), Qu'est-ce que lutter pour la reconnaissance ? op.cit., p. 178.

283 Ibid., p. 179.

284 Ibid.

285 Le Blanc, G., L'invisibilité sociale, op.cit., p. 122.

286 Ferrarese, E., (sous la dir.), Qu'est-ce que lutter pour la reconnaissance ? op.cit., p. 180-181.

287 KEDE, J.D., « De la réception de l'oeuvre d'Axel Honneth », in Hunyadi, M. (sous la dir.), Axel Honneth. De la reconnaissance à la liberté, op.cit., p. 33-40.

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des stratégies de fuite en avant comme celles de déguisement, de dédoublement, de falsification et d'occultation288 pour ne pas tomber dans la désapprobation, la frustration, l'humiliation voire le mépris. Quoi qu'on dise le désir de reconnaissance de soi par autrui ou par le biais des objets restent au centre de la lutte pour la reconnaissance en vue de l'autoréalisation pour une vie bonne et réussie.

A la fin de ce dernier chapitre, il a été question de l'apport de la théorie de la lutte pour la reconnaissance mutuelle dans la résolution des conflits au sein des presbyteriums. Nous sommes partis du postulat selon lequel, c'est dans les presbyteriums où la reconnaissance mutuelle devrait se vivre entre les membres plus qu'ailleurs. Mais force est de constater que c'est là où l'on fait plus l'expérience du déni de reconnaissance ou du mépris comme partout ailleurs où les hommes vivent ensemble. Comment l'expérience du mépris peut-elle envahir la vie affective des sujets humains au point de les jeter dans la résistance et l'affrontement social, autrement dit, dans la lutte pour la reconnaissance289 ? Si l'expérience du mépris conduit à la lutte pour la reconnaissance c'est en vue de la réalisation de soi. Car, « la lutte pour la reconnaissance constitue la force morale qui alimente le développement et le progrès de la société humaine »290. C'est ainsi que pour retrouver la reconnaissance authentique au sein des presbyteriums, à partir des modèles de reconnaissance intersubjective chez Axel Honneth, nous avons proposé trois piliers comme solution pour la résolution des conflits. Il s'agit de l'amour, du droit et de la solidarité. C'est à travers ces trois sphères à franchir de manière successive et progressive que les différents membres des presbyteriums parviendront à la formation de leur identité personnelle. Aussi pourront-ils être reconnus et se voir confirmer comme des sujets individualisés et autonomes. Par ailleurs, la reconnaissance de soi par autrui n'apparaît pas comme le seul et l'unique moyen de la reconnaissance intersubjective. Parce qu'à côté, il est possible d'envisager un autre paradigme de reconnaissance. Il s'agit de la reconnaissance interobjective dont le rôle est d'intégrer la matérialité des objets dans la formation du rapport à soi, mais aussi du rapport aux autres par la médiation des objets.

288 Ibid.

289 Honneth, A., La lutte pour la reconnaissance, p. 225.

290 Ibid., p. 240.

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