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L'état de siege et la gestion de l'administration publique par les militaires en Republique Democratique du Congo


par Hyacinthe KANTA KILESHE
Université de Lubumbashi - Licencié en Droit privé et judiciaire 2021
  

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Section 4. L'état de siège en République Démocratique du Congo

4.1. Considérations juridiques

4.1.1. Conditions

Quelles sont les circonstances susceptibles de justifier la proclamation de l'état de siège ? Poser cette question revient à se demander si, sur ce point, l'état de siège est différent de l'état d'urgence. Selon l'article 85 de la Constitution : « Lorsque des circonstances graves menacent, d'une manière immédiate, l'indépendance ou l'intégrité du territoire national ou qu'elles provoquent l'interruption du fonctionnement régulier des institutions, le président de

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la République proclame l'état d'urgence ou l'état de siège ». Deux positions peuvent être défendues sur la base de cet article.22

On peut dans un premier temps considérer qu'il y a identité parfaite entre l'état de siège et l'état d'urgence, en ce qui concerne les circonstances justifiant leur proclamation. Une autre question va alors se poser, celle de savoir si les conditions posées à l'article 85 sont alternatives ou cumulatives. En fonction du sens qu'on attribue à la conjonction « ou », on peut soutenir deux positions. Si « ou » signifie « soit », l'état de siège ou l'état d'urgence peut être proclamé lorsque l'on est, alternativement, dans l'un des cas de figure suivant : soit lorsque les circonstances graves menacent, de manière immédiate, l'indépendance ou l'intégrité du territoire national ; soit lorsqu'elles provoquent l'interruption du fonctionnement régulier des institutions. Cette interprétation, prévisible et souple, accorde une grande marge de manoeuvre au Président de la République.

Si, en revanche, « ou » signifie « et », on peut soutenir que la proclamation de l'état de siège ou de l'état d'urgence exige, cumulativement, que les circonstances graves « menacent, d'une manière immédiate, l'indépendance ou l'intégrité du territoire national », et provoquent l'interruption régulier des institutions. Cette position, non évidente de prime abord, soumet la proclamation de l'état de siège ou de l'état d'urgence à des conditions beaucoup plus contraignantes, et restreint la marge de manoeuvre du Président de la République. C'est cette seconde position que la Cour constitutionnelle semble avoir consacré [Cour Const., R.Const. 1200 du 13 avril 2020, Ordonnance n°20/014 du 24 mars 2020 portant proclamation de l'état d'urgence sanitaire pour faire face à l'épidémie de covid-19.23

Dans un deuxième temps, on peut considérer que l'état de siège est différent de l'état d'urgence, en ce qui concerne les conditions de leur proclamation. L'état de siège serait proclamé lorsque les circonstances graves provoqueraient l'interruption du fonctionnement régulier des institutions ; alors que l'état d'urgence s'envisagerait lorsque ces circonstances menaceraient (tout simplement ?), de manière immédiate, l'indépendance ou l'intégrité du territoire national.

4.1.2. Procédure

Le Président de la République n'est pas soumis à l'autorisation préalable du Congrès pour proclamer l'état de siège. La Cour suprême de justice, dans son arrêt R.Const. 061/TSR du 30 septembre 2007, a préconisé cette position.

22 Article 85 de la constitution de la RDC

23 , Journal Officiel, numéro spécial, 61e année, 16 avril 2020, p. 18].

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La Cour constitutionnelle, dans son arrêt R.Const. 1200 du 13 avril 2020, l'a corroborée. Elle a, en outre, consacré la norme de l'appréciation souveraine du Président de la République dans le choix de la procédure à suivre pour proclamer l'état de siège. Désormais, le Président de la République peut soit proclamer l'état de siège après concertation avec le Premier ministre et les Présidents de deux chambres du Parlement (article 85 de la Constitution) ; soit saisir le congrès pour autorisation (article 119 alinéa 2 de la Constitution). Ces deux options sont alternatives et non cumulatives.

4.1.3. Implications

Quelles sont les mesures qui peuvent être prises dans le cadre de l'état de siège ? Et qui est habilité à les prendre ? La Constitution (article 145) parle des « mesures nécessaires pour faire face à la situation » que le Président de la République doit prendre. En même temps, la même Constitution (article 85) prévoit que les modalités de l'état de siège sont prévues par une loi. On peut estimer qu'une loi doit préalablement être votée pour fixer de manière générale les principales mesures susceptibles d'être prises en cas d'état de siège. Elle peut ainsi prévoir la substitution des autorités civiles par les autorités militaires, en ce qui concerne uniquement les missions de maintien et de rétablissement de l'ordre public, les autorités civiles continuant à s'occuper de leurs autres tâches administratives. Autrement dit, l'état de siège ne doit pas être un prétexte pour dépouiller les autorités civiles de toutes leurs prérogatives. La loi sur l'état de siège peut aussi prévoir l'élargissement des compétences matérielle et personnelle des juridictions militaires ; le renforcement des pouvoirs de police des autorités militaires en matière de perquisition, d'interdiction des publications et des réunions.

Une fois la loi votée, le Président de la République peut prendre des mesures qu'il juge nécessaires pour faire face à la situation, en se basant sur le cadre général tracé par la loi. Cette optique permettra au pays d'avoir un cadre juridique général et pérenne sur l'état de siège, et éviterait au pays des débats et polémiques comme ceux survenus lors de la proclamation de « l'état d'urgence sanitaire », alors que les périodes de crise nécessitent plus que jamais cohésion et unité nationales.

4.1.4. Contrôle

Le juge constitutionnel protège les droits et libertés fondamentaux face aux mesures susceptibles d'être prises dans le cadre de l'état de siège. L'état de siège étant proclamé pour gérer une situation exceptionnelle, la Constitution permet qu'il soit dérogé à certains droits et libertés fondamentaux. Font souvent les frais pendant l'état de siège : la liberté d'aller et de venir, l'inviolabilité du domicile, la liberté de réunion, la liberté de manifester, la liberté

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d'expression et la liberté de presse. Mais la Constitution, en son article 61, prévoit le « noyau dur » des droits et libertés ainsi que des principes fondamentaux auxquels on ne peut pas déroger. Il s'agit de : le droit à la vie ; l'interdiction de la torture et des peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants ; l'interdiction de l'esclavage et de la servitude ; le principe de la légalité des infractions et des peines ; les droits de la défense et le droit de recours ; l'interdiction de l'emprisonnement pour dettes ; la liberté de pensée, de conscience et de religion.

C'est ainsi que lors de l'examen de la constitutionnalité des mesures contenues dans l'ordonnance du 24 mars 2020 proclamant l'état d'urgence sanitaire, le juge constitutionnel a principalement vérifié si celles-ci respectaient le noyau dur des droits et libertés fondamentaux.

4.2. Considérations politiques

4.2.1. Pari ambitieux

La proclamation de l'état de siège par le Président de la République souligne l'attention qu'il accorde à la situation sécuritaire préoccupante à l'Est du pays. Elle traduit aussi une certaine bravoure dans le chef du Président de la République, étant donné que c'est une première sous la troisième république. Mais c'est surtout l'ambition de mettre fin aux tueries de l'Est qu'il faut souligner.

4.2.2. Pari risqué

Le délai constitutionnel de l'état de siège est l'un des principaux risques. En effet, l'état de siège est proclamé pour une durée de trente jours (article 144 de la Constitution). Au vu de la complexité de la situation sécuritaire à l'Est - implications et complicités internes et externes, nationales et étrangères, selon plusieurs rapports des nations-unies, prétendre y mettre fin en trente jours parait irréaliste. Bien évidemment qu'il y a possibilité de proroger pour des périodes successives de quinze jours. Or, si après trente jours et quelques prorogations, la situation ne change pas, chaque nouvelle prorogation sera interprétée comme une preuve de l'incapacité à trouver la solution. La lassitude peut gagner du terrain, et toute mise à terme de l'état de siège sans avoir mis fin aux tueries à l'Est sera vue comme une capitulation ou un échec. C'est en cela que l'état de siège est un pari risqué. Mais ne dit-on pas : « qui ne risque rien, n'a rien », mieux, « à vaincre sans péril, on triomphe sans gloire ». La teneur d'un succès est toujours fonction du risque pris. Comme patriote, je ne peux que souhaiter la réussite de l'état de siège.

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4.2.3. Obstacle à certaines initiatives

La Constitution interdit de la réviser pendant l'état de siège (article 219 de la Constitution). Or, certaines initiatives que le Président de la République soutient - la double nationalité par exemple - nécessitent inéluctablement une révision constitutionnelle. Dans ce sens, ces initiatives ne pourraient pas être concrétisées si l'état de siège était toujours en vigueur. Il en est de même de la dissolution de l'Assemblée nationale : la Constitution ne la permet pas pendant l'état de siège (article 148).

La question qui se pose est alors celle de savoir si ces interdictions - révision constitutionnelle ou dissolution de l'Assemblée nationale - valent uniquement en cas d'état de siège total (proclamé sur toute l'étendue du territoire national), ou même en cas d'état de siège partiel (proclamé sur une partie du territoire national), elles demeurent opposables au Président de la République. Le juge constitutionnel aura surement à se prononcer là-dessus, et tout porte à croire qu'il adopterait la seconde position.

4.2.4. Nécessité de rassembler

Au regard des points précédents, pour que l'état de siège réussisse, il doit être de courte durée. Pour qu'il le soit, il faut rassembler : on ne gagne jamais un combat en étant divisés. Si l'« union sacrée de la nation » est une large base pour le Président de la République, force est de constater que ce n'est pas suffisant. Il y a encore beaucoup de frustrations.

Le Président de la République doit tendre la main à d'autres leaders du pays, pour avoir un large consensus et soutien autour de l'état de siège. Il ne doit pas s'agir du « partage de gâteau », mais plutôt d'une mobilisation générale autour uniquement de la réussite de l'état de siège : nos militaires doivent se sentir soutenus par tous les courants politiques et par toutes les forces vives de la nation. Une sorte de trêve politique doit être observée pendant l'état de siège, en ce qui concerne uniquement les questions sécuritaires. Ce large consensus peut se traduire par un communiqué commun de soutien à l'état de siège signé par les principaux leaders politiques, toute tendance confondue. Il peut s'agir aussi des messages de soutien à nos militaires. La grandeur d'âme est donc demandée aux uns et aux autres.

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CHAPITRE DEUXIEME : LES JURIDICTIONS MILITAIRES CONGOLAISES Cette justice a été créée après qu'on ait constaté que les civils ne pouvaient plus être jugés ensemble avec les militaires, les policiers et les personnes de services nationaux, les civils lorsqu'ils commettent les infractions aux lois et règlements militaires, lorsqu'ils commentent avec les militaires des infractions prévues et punies par le code pénal militaire ; d'où le principe « jugés par ses paires, jugés par ses supérieurs ».

C'est de la qualité et du grade de la personne justiciable que dépend de la compétence personnelle des cours et tribunaux.

Tout comme la justice de droit commun, la justice militaire est organisée par la loi, celle n0023/2002 du 18 novembre 2002 modifiée par celle n015/023 du 31 décembre 2015.

Dans les sections qui suivent, nous analyserons tour à tour l'organisation et le fonctionnement des juridictions militaires congolaises, puis les peines prévues par le code pénal militaire.

Section 1. L'organisation et le fonctionnement des juridictions militaires congolaises La loi précitée divise les juridictions militaires en pyramide de quatre :

- Au sommet nous avons la haute cour militaire (HCM) ;

- Puis les cours militaires et la cour militaire opérationnelle (CM et CMO) ;

- Les tribunaux militaires de garnison (TMG) ;

- Enfin les tribunaux militaires de police (TMP).

A. La haute cour militaire (HCM)

Elle est organisée par les articles 6 à 11, 82 et 83 de la loi n0023/2002 du 18 novembre 2002 modifiée par celle n015/023 du 31 décembre 2015 portant code judiciaire militaire. Il existe une seule Haute Cour Militaire sur toute l'étendue de la RDC a son siège à Kinshasa la capitale.

1) Composition de la Haute Cour Militaire

Elle est composée d'un premier président, d'un ou plusieurs présidents et des conseillers. Ils sont nommés et le cas échéant révoqués par le président de la République conformément aux statuts de magistrats.

Les CM connaissent les recours en appel contre les décisions des tribunaux de garnison.

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La HCM siège avec 5 membres, tous officiers généraux ou supérieurs dont 2 magistrats de carrière. Lorsqu'elle siège en appel, elle est composée de 5 membres dont 3 magistrats de carrière.

2) Personnes justiciables de la HCM

La HCM à la compétence de juger les officiers généraux des FARDC, les membres de la police nationale congolaise (PNC), les personnes du service national du même rang, les magistrats militaires membres de cette cour, les magistrats militaires de l'auditorat général, des cours opérationnelles, des auditorats militaires près ces cours et les membres non magistrats militaires des dites juridictions. La HCM connait des recours en annulation contre les arrêts et les jugements rendus en dernier ressort par les cours et tribunaux militaires excepté ceux de CMO qui ne connaissent pas des recours.

B. Les cours militaires (CM)

Elles sont prévues par les articles 12 à 17, 84 et 85 de la loi précitée. Il est institué une cour militaire dans chaque province et 2 dans la ville de Kinshasa la capitale.

1) Composition de la CM

Elle est aussi composée d'un premier président, d'un ou plusieurs présidents et des conseillers.

Elle siège à 5 membres tous officiers supérieurs au-moins dont 2 magistrats de carrière. Le premier président peut en cas de nécessité requérir les services d'un magistrat civil en vie de compléter le siège. Préconisé par les articles 21, 22, 88 et 89 de la loi citée ci-haut.

2) Les personnes justiciables de la CM

Cette cour est compétente pour juger les officiers supérieurs des FARDC, de la PNC, et du service national de même rang, les fonctionnaires de commandement du ministre de la défense, les magistrats militaires des tribunaux de garnisons et ceux des auditorats près ces tribunaux.

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C. Les cours militaires opérationnelles (CMO)

Sont prévues par les articles 18 à 20, 86 et 87 de ladite loi.

Elles ne sont créées que par ordonnance présidentielle, elles ne sont pas permanentes et ne sont établies que dans certains cas, par exemple en cas de guerre ou dans toute circonstance exceptionnelle (rébellion ou insurrection militaire).

Il est établi dans les zones d'opération de guerre des CMO qui accompagnent des fractions de l'armée en opération. L'implantation des CMO est décidée par le président de la République.

Les CMO n'ont pas des limites de compétence territoriale. Elles sont compétentes pour connaitre toutes les infractions relevant des juridictions militaires qui leurs sont déférées ou soumises.

Elles siègent avec 5 membres dont un magistrat au moins et leurs décisions sont sans recours.

D. Tribunaux militaires de garnison (TMG)

Normalement il est prévu 1 ou 2 TMG dans le ressort d'un district, d'une ville, d'une garnison ou d'une base militaire.

1) Composition du TMG

Le TMG est composé d'un président (officier supérieur ou subalterne, magistrat de carrière) et 4 juges assesseurs (OPJ a beaucoup d'expérience assimilé au juge question de compléter le siège).

2) Personnes justiciables du TMG

Le TMG est compètent pour juger les officiers des FARDC, de la PNC, des SN d'un grade inférieur à celui de major.

E. Les tribunaux militaires de police (TMP)

Les TMP sont prévus par les articles 23 à 26, 90 et 91 de la loi n0023/2002 du 18 novembre 2002 modifiée par celle n015/023 du 31 décembre 2015 portant code judiciaire militaire

24 Art 26 CJM

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1) Composition du TMP

Il est institué un ou plusieurs TMP dans le ressort d'un TMG, ce sont les magistrats du TMG qui sont désignés pour composer le TMP. Il siège à 3 juges dont un magistrat de carrière.

Ces magistrats sont désignés par le premier président de la CM.

2) Personnes justiciables

Ce tribunal est compétent pour juger les militaires des FARDC ou assimilés d'un grade inférieur à celui de major qui se rendent coupables des infractions punies de 1 an de SP au maximum.

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