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La coopération intercommunale; le nouvel dispositif de mise en œuvre de la territorialisation des politiques publiques axée sur la stratégie de développement agricole: cas de l'agropole de l'ouest (Malicounda-Nguéniène-Sandiara)


par Anne Marie GUEYE
UCAD - Master 2022
  

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Conclusion partielle :

Le projet Agropole de l'Ouest de par sa conception prévoit une innovation majeure du secteur

agricole dans la zone intercommunale, mais aussi au niveau régional. À travers les différentes filières ciblées, la zone de transformation agro-industrielle du territoire intercommunal impactera positivement les sous-secteurs de l'agriculture et l'élevage, mais participera aussi à un accroissement significatif des revenus des populations ainsi que ceux des municipalités de l'entente. En outre, les installations et aménagements, pourront tout aussi influer indubitablement à l'amélioration du cadre de vie des villages environnants. Nonobstant, le projet est tout aussi sujet à certains points négatifs qui méritent d'être soulevés dans cette étude.

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Chapitre 3 : Analyse des impacts négatifs induits par le projet de l'Agropole de

l'Ouest :

Introduction partielle :

Tout comme l'analyse des activités retenues par le projet puisse impacter positivement

l'économie et les sous-secteurs agricoles ciblés, une tout autre analyse démontre une forte probabilité d'engendrement d'effets négatifs. Dans un contexte marqué par une croissance accrue de la perte de zones pastorales causées pour l'essentiel par un accaparement accrue du foncier rural, le déclassement de la surface forestière de Ballabougou vient ainsi accroître le problème lié à la perte des zones pastorales. En outre, les activités attendues du projet peuvent tout aussi être un moyen de dégradation du cadre environnementale mais surtout effriter les problèmes rencontrés par l'agriculture familiale.

I- Impacts négatifs liés au déclassement de la forêt et aux activités de

l'Agropole :

Les procédés de classement et déclassement d'une forêt sont ainsi établies selon des dispositifs

prévus par la loi 2018-25 du 12 novembre 201873. En sa section 5 intitulée Du classement et du déclassement, la loi instaure en l'article 27 de cette section que « Le déclassement d'une forêt ou d'une terre à vocation forestière ne peut intervenir que pour un motif d'intérêt général ou de transfert des responsabilités de l'État en matière de gestion forestière au profit d'une collectivité territoriale qui garantit la pérennité de la forêt ». Dans un contexte de désertification accrue conduisant à la perte de l'écosystème dû aux effets du changement climatiques et à un déficit flagrant de lieux de pâturage au sein des villages de Malicounda, Nguéniène et Sandiara, quels impacts engendreront le déclassement de la forêt de Ballabougou ?

a- Une intensification de la perte des zones pastorales

L'importance affichée de la forêt dans le secteur de l'élevage est grandement démontrée grâce

aux réponses fournies par les populations des villages environnants. La zone est décrite par l'ensemble des chefs de ménages comme un important lieu de pâturage servant non seulement de lieu de subsistance pour le bétail, mais aussi constitue un important lieu de transhumance d'éleveurs des départements environnants en période hivernale. De fait, la forêt participait de manière significative à l'atténuation des conflits entre agriculteurs et éleveurs.

73 Loi portant nouveau code forestier adopté sous le régime du président de la République Macky SALL

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Les aléas climatiques et les dégâts engendrés ne laissent pas en rade la zone de l'entente. La perte des forêts proches des lieux de pâturage proche des habitations a été un problème tout autant soulevé par les populations.

Image 15 et 16 : paysage forestier à Mbourokh et à Ndollor

Source : clichée Anne Marie Guèye prise le 9 Décembre 2022 à 13h 44mn

Source : clichée Anne Marie Guèye prise le 7 Décembre 2022 à 12 42mn

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Image 17 : paysage forestier à Guedj Maad

Source : clichée Anne Marie Guèye prise le 15 Décembre2022 à 11h28mn

Outre les conséquences des aléas climatiques, les effets induits par l'octroi des terres constituant d'anciennes zones de pâture viennent emboiter le pas. Différents mouvements de contestations faisant suite à des délibérations de terres au profit de multinationales ont été répertoriés dans la zone. Des conflits fonciers ont été notés dans certains villages des communes de l'Entente à l'image du différend opposant les éleveurs du village de Ballabougou et la commune de Nguéniène qui, après délibération, a concédé au projet Produmel 100 ha des terres du village qui constituait le seul espace restant à la population pour faire paître leurs troupeaux74. La récurrence du problème d'octroi de terres à des entreprises a ainsi fait couler de l'encre. En effet, les études de Cicodev en 2010 montrent qu'en l'espace de 10 ans (2000 à 2010), 650 000 hectares ont été octroyés à 17 investisseurs privés étrangers ou nationaux, soit 16% des terres arabes (sic) du Sénégal75.

Constituant d'anciennes zones pastorales, les délibérations émises, par les municipalités visant l'octroi de terres à des entreprises privées, ont fini par faire perdre aux populations autochtones

74 Selon une littérature tirée du net sur le site http://www.mbour.info, consulté le 19/07/2023 à 20h13mn

75 Moussa Ndour Accaparement des terres par les promoteurs nationaux et internationaux et stratégies de survie des populations locales : le cas de la commune de Nguéniène (Mbour-Sénégal). 2020. ffhalshs03092985

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des espaces essentiels pour la pratique de l'élevage. Le déclassement de la superficie de 1160 ha de la forêt de Ballabougou, espace partagé entre les trois communes initiatrices du projet de l'Agropole, affectera de surcroît la transhumance des troupeaux qui disposait de la forêt comme zone de pâturage. Le projet de l'Agropole de l'Ouest concentré pour l'essentiel sur le développement des agro-industries (avec une surface évaluée à 740 ha sur une superficie totale de 1160 ha) va procéder de fait à l'attribution d'une ancienne surface vouée à l'élevage constituant un des rares espaces d'abreuvement et de transhumance des troupeaux de la région à des entreprises privées. L'objectif du gouvernement promouvant une transformation structurelle de l'économie passant par l'industrialisation des secteurs qui soutiennent l'économie témoigne de la priorisation du développement des agro-industries dans le projet.

b- Une dégradation du cadre environnementale

La question environnementale ne saurait être banalisée dans ce projet du fait son implantation au sein de l'une des nombreuses forêts classées du Sénégal.

Le classement d'une forêt fait suite à une recherche de préservation de la végétation et de la biodiversité. La dégradation de plus en plus croissante du cadre environnementale notée au sein des collectivités avec notamment la faiblesse relative de la biodiversité locale, une végétation montrant par endroit de véritables signes de dégradation avancée, la disparition de la faune liée intimement à la perte de la végétation des suites d'actions anthropiques, une forte dégradation liée à la pression des terres de culture, à l'exploitation abusive et anarchique des ligneux, à la sécheresse et aux feux de brousse expliquant la raréfaction, voire la disparition de certaines essences forestières76 demeurent des problèmes majeurs au sein des collectivités de l'Entente.

En effet, si les premières théories sur la désertification avaient mis en avant le rôle de la surexploitation du milieu par l'homme, telles que le surpâturage, l'abattage d'arbres ou l'agriculture extensive, on observe que la diffusion de stratégies paysannes efficaces permet une amélioration du couvert ligneux dans de nombreux secteurs sahéliens.77 Ces stratégies déployées passent dans l'ancienne forêt de Ballabougou, selon le capitaine Bineta Ndiaye, par l'existence de contrats de cultures avec les populations qui constituait un moyen de reboisement de la forêt de Ballabougou par incitation des agriculteurs implantés dans la forêt à la plantation

76 Voir PDC Malicounda, PDC Nguéniène (2021-2026) et PDC Sandiara (2018-2023)

77 Benoit Toulouse : Utilisation et gestion de la savane arborée par les sociétés rurales au Sahel. Le cas de la forêt classée de Nianing (Sénégal) consulté sur le site www.cairn.info, pages 153 à 170

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de végétaux dans le périmètre après les récoltes pour promouvoir la régénération du couvert végétal.

Par manque de données fiables sur la biodiversité de la forêt, mesurer l'incidence directe du déclassement de la forêt et des activités de l'Agropole sur celle-ci s'avèrerait non fiable. Néanmoins, au regard du paysage forestier existant au sein du territoire intercommunal et de sa position géographique par rapport à la forêt classée de Nianing, une analyse minutieuse de leurs impacts sur ce dernier est plus que nécessaire.

Le déclassement de la forêt de Ballabougou, qui s'est avérée être un important domaine forestier pour l'ensemble des populations du département de Mbour, compromettra ainsi l'existence d'étendue forestière dans le territoire qui s'élevait à trois domaines forestiers78 dans le périmètre des collectivités de l'entente intercommunale.

Carte 3: Etendues forestières existantes dans la zone intercommunale

Conception : Anne Marie GUEYE 2023

En outre, la convoitise des forêts de la zone par les élites locales pour la mise en place de projet d'intérêt publique a participé à l'exacerbation de la perte des zones forestière. Le projet de

78 La forêt classée de Nianing (3100 ha) située dans la commune de Malicounda et la forêt classée de Joal (22776 ha) au sein de la collectivité de Nguéniène, et celle de Ballabougou déclassée par décret présidentiel.

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l'Agropole qui a fait perdre à la région une importante surface forestière, sans proposition d'un classement compensatoire79 d'une superficie équivalente, fait planer de surcroit le risque d'empiètement sur la forêt classée de Nianing qui a déjà fait l'objet de déclassement d'une superficie de 243 ha80 pour l'aménagement de la station balnéaire de Pointe Sarène.

Carte 4 : Situation de la forêt de Ballabougou par rapport à celle de Nianing

Conception : Anne Marie GUEYE 2023

Par sa proximité avec la forêt classée de Nianing, sujet à des usages tels que le bois de chauffe, le pâturage aérien, le bois de construction, la médecine traditionnelle et les charbonniers81 qui ne favorisent pas la pérennisation de la biodiversité, les activités de l'Agropole pourraient intensifier le risque de dégradation de cette forêt. L'introduction d'intrants et de semences pour les besoins de l'agriculture, coïncidant avec la validation au Sénégal de l'usage d'organismes génétiquement modifiés (OGM), ainsi qu'une priorisation de la mécanisation agricole, pourrait engendrer la pollution des sols et des eaux, mais aussi affecter la santé des populations. En

79 Le classement compensatoire est un procédé visant à octroyer une superficie équivalente à celle déclassée pour garantir la pérennisation de la biodiversité.

80 Ce déclassement a cependant fait l'objet d'un classement compensatoire d'une assiette foncière de 243 ha portant décret n° 2020-1175 du 27 mai 2020

81 Toulouse, 2019, ibid., page 153 à 170

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parallèle, l'utilisation importante de ressources hydriques pour les besoins de la production pourrait participer aussi à l'amenuisement des ressources en eaux disponibles dans cet espace.

II- Impacts négatifs liés à la conception du projet de l'Agropole :

S'appuyant sur le PRACAS qui met l'accent sur l'émergence d'une agriculture capable de :(i) nourrir mieux et durablement, sur une base endogène, les populations ,(ii) tirer profit des avantages du commerce international ,(iii) sécuriser et augmenter les revenus des ruraux , procurer des emplois agricoles et non agricoles ,(v) gérer durablement les ressources naturelles ; et améliorer l'état nutritionnel des populations82, le projet de l'Agropole de l'Ouest, quant à ses objectifs liés à l'amélioration des conditions de vie et du revenu des populations, fait planer une incertitude par rapport à l'atteinte de ces derniers.

Au niveau de la zone nomade d'élevage, Mor Fassé Ndiaye83 spécifie que cette surface a pour vocation de rassembler tous les groupements d'éleveurs qui exploitait la zone et le choix des critères d'adhésion seront laissés à ces groupements. De fait, au regard de la faible exploitation de la forêt par les populations environnantes ainsi que leurs faibles adhésions aux groupements d'éleveurs (15 adhérents)84 on est tenté de se demander qui seront ces éleveurs. Une question latente, mais qui mérite d'être soulevée du fait que cette aire se présente comme la seule zone attribuée exclusivement aux anciens éleveurs du territoire intercommunal qui espèrent avec enthousiasme profiter des activités du projet en y prenant part.

La répartition des surfaces a exploité promeuvent d'emblée une implantation accrue des agro-industries avec l'attribution de la plus grande surface (740 ha). Bien que l'entrée dans cette zone soit permise aux particuliers et entreprises privées, les seuils minimums d'investissement élevés incluant des critères de création d'emploi exclue aussitôt les petits agriculteurs85 et participerait à l'atteinte au paroxysme des conflits liés à l'accaparement des terres par des privés au détriment des populations autochtones. Les incitations à la création d'emploi et d'accueil de stagiaire inclus comme critères d'éligibilité reste cependant évasifs du fait que leur nature n'est toutefois pas spécifié et il est à craindre qu'ils restent saisonniers [...] et mal rémunérés au regard de l'offre de main d'oeuvre disponible86 et pourrait de la sorte, exacerber

82 Document du PRACAS page 16

83 Directeur de cabinet du maire de Malicounda

84 Voir graphique sur la répartition des chefs de ménage appartenant à un groupement

85 Mémoire Emma Tyrou

86 Florence Brondeau. Agrobusiness et développement agricole. Quels enjeux pour quelles perspectives? Le cas de la zone Office du Niger. Mali. Agrobusiness et développement agricole. Quels enjeux pour quelles perspectives? Le cas de la zone Office du Niger. Mali., 2009, Côte d'Ivoire. ffhal-00740812, page 8

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l'exploitation des populations par les entreprises privées. Ainsi, face à une situation qui semble réduire les futures bénéficiaires en simples ouvriers agricoles, la désillusion de ces populations qui nourrissent déjà l'espoir d'acquérir des parcelles au sein de l'Agropole pourrait être facteur de nouveaux conflits.

La caractérisation du type d'entreprises autorisées à accéder à la zone agrobusiness (investisseurs privés)87 exclut les agriculteurs familiaux88 à l'accès au foncier aménagé et met à profit les opérateurs privés issus des milieux urbains ou en faveur des multinationales (Ouattara, 2016).89 De fait, les aménagements les plus importants sont concentrés dans ces espaces dédiés aux agro-industries, qui, selon leurs activités prévues, participeront à l'atteinte à la souveraineté alimentaire. La grande importance accordée à l'agrobusiness est d'autant plus comprise que les agropoles sont présentés comme une stratégie territoriale pour l'industrialisation d'un secteur, une stratégie qui répond avant tout à l'objectif d'attirer des fonds privés sans creuser les dépenses publiques (Banque Mondiale, 2018).90 Cependant, cette caractérisation n'étant pas accompagnée de mesures incitatives à la destination de la plus grande partie des productions au marché nationale pourrait engendrer un accaparement des espaces à haut potentiel de production par les agrobusiness dont la destination des productions pourrait se tourner vers l'exportation et ainsi compromettre l'atteinte de la souveraineté alimentaire.

L'agrégation entre agrobusiness et agriculture familiale n'ayant pas aussi fait l'objet de critères d'installation dans l'Agropole fait planer le doute sur l'avenir des agricultures familiales. Les agricultures familiales ne bénéficient que des opportunités d'accès à la zone d'élevage (dont les modalités d'implantation et la nature des futurs attributaires n'est que peu précisées) et des services du centre agro-industriel moyennant une somme «élevé» au regard du manque de revenu de ces derniers. La faible prise en compte des contractualisations entre agrobusiness et agriculture familiale pourrait engendrer la transformation de ces derniers en main d'oeuvre agricole face à leurs vulnérabilités devant ces nouveaux acteurs plébiscités par les autorités publiques.

87 Les critères d'éligibilités spécifient comme critères d'accès à la zone des 740 ha les entreprises privés

88 Nous utilisons ici le terme générique d'agriculteurs familiaux pour désigner les petits producteurs ainsi que leurs associations.

89 Les pôles de croissance agricoles : la panacée aux maux de l'agriculture africaine ?

90 Repris par Emma Tyrou, page 52.

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"Tu supportes des injustices; Consoles-toi, le vrai malheur est d'en faire"   Démocrite