La libéralisation progressive du dirham marocain: quel impact sur l'économie marocaine?par Rime Kamel Université Moulay Ismail - Licence fondamentale en sciences économiques et de gestion 2022 |
B. Enjeux de la réforme du régime de change au MarocLe choix d'un régime de change par un pays en développement est toujours une décision difficile. Le taux de change réel qui exprime le prix relatif des biens locaux par rapport aux prix des biens étrangers, et plus généralement le prix des biens faisant l'objet du commerce international par rapport aux biens n'en faisant pas l'objet ou biens domestiques, influence l'ensemble de la structure des prix et ce faisant exerce des impacts multiples, financiers, économiques et sociaux. Quant au choix de son régime des changes le Maroc semble à la croisée des chemins. a) Les arguments en faveur de la fixité du taux de changeLa fixation du taux de change aide à contrôler l'inflation et réduit la variabilité du taux de change réel inhérente aux monnaies flottantes. Il existe un consensus dans la littérature; un exemple est le travail récent du FMI, Perspectives économiques régionales, Afrique subsaharienne, croissance à plusieurs vitesses, octobre 2016, chapitre 27(*). Selon ce rapport (p. 57), les résultats de la régression des taux d'inflation appliqués à tous les pays en développement montrent que les pays ayant des régimes de taux de change fixes (systèmes de caisse d'émission, pays sans monnaie officielle distincte, y compris les unions monétaires, régimes traditionnels de taux de change fixes ) supérieur au régime intermédiaire (panier de devises, crawling pegs8(*), bande horizontale) et au régime flottant, c'est-à-dire qu'en moyenne, le point d'inflation a diminué de 7 points de pourcentage au cours de la période 1980-2014. La confiance des agents économiques dans la volonté des autorités monétaires de contrôler l'inflation accroît l'efficacité de la politique monétaire. Un taux de change fixe contribue à la crédibilité des autorités monétaires. En effet, un déficit de la balance des paiements causé par un excédent monétaire entraîne automatiquement la destruction de la monnaie. De plus, la dévaluation étant perçue comme un échec de la politique, les agents économiques sont amenés à s'attendre à ce que les autorités monétaires prennent des mesures efficaces pour l'éviter. Or, on sait que la confiance dans la volonté des banques centrales à maîtriser l'inflation est un facteur important de succès de leurs politiques en modérant les anticipations d'inflation (Barro et Gordon, 2013)9(*). Le régime de change fixe du Maroc s'est accompagné d'une remarquable stabilité monétaire, comme le montre le tableau 5 ci-dessous : Tableau 5 : Taux d'inflation (moyennes annuelles des prix à la consommation)%
*Projections Source: IMF regional Economic Outlook: Middle East, North Africa, Afghanistan and Pakistan, April 2019 Statistical Appendix. D'autre part, le système financier sous-développé et le marché financier naissant ont contribué à l'instabilité sous le régime de taux de change flottant. C'est pourquoi, dans ces pays, les régimes de change fixe conduisent à une croissance du produit par habitant plus forte que les régimes de change flottant. Cette conclusion théorique est étayée par leur analyse économétrique, qui montre que les effets positifs des institutions résilientes n'existent que dans les pays à fort développement financier. Si l'on regarde le ratio du crédit bancaire au secteur privé en pourcentage du PIB (un indicateur traditionnel du développement financier), le Maroc se situe au milieu des pays en développement à revenu faible et intermédiaire (soit 134% contre 136%). Les petites et moyennes entreprises (PME), qui ne reçoivent que 33 % de ce crédit, considèrent l'accès au financement comme une deuxième contrainte au développement de leur entreprise (FMI 2019, p. 12 du rapport des services). Figure 3 : Taux de change effectifs du Maroc NB : le taux de change effectif réel est calculé par le FMI en utilisant les indices de prix à la consommation. La pondération est glissante sur trois ans et comprend l'ensemble des partenaires commerciaux représentant au moins 0,45% du commerce extérieur marocain (nouvelle formule de mars 2019, appliquée à partir de l'année 2004 ; de 2000 à 2003 : 1% du commerce extérieur) Source : FMI Statistiques financières internationales L'industrie manufacturière étant au coeur de la stratégie de croissance du Maroc, il est nécessaire de se concentrer sur ce secteur dont dépend la diversification de l'économie. Les chiffres spécifiques du Maroc permettent de prendre en compte spécifiquement la productivité de l'industrie de transformation : de 2007 à 2017, cette croissance de la productivité a été très forte, soit un total de 34%, contre 9% lorsque la productivité est calculée en PIB (voir Figure 4). Figure 4 : Productivité du secteur manufacturier NB : la productivité du travail est égale à la valeur ajoutée des industries de transformation en volume divisée par l'emploi dans ce secteur (millions de dirham 2007). Source : Maroc Haut-Commissariat au Plan. * 7Chapitre réalisé sous la direction de Dalia Hakura, coordonné par Charalambos Tsangarides, avec la collaboration de Mumtaz Hussain, Tim Willems et Jiayi Zhang. * 8Correspond à un ancrage glissant qui vise à lisser le rythme de dépréciation de la monnaie nationale par rapport à la devise de référence. * 9 Pour une analyse du mécanisme sous-jacent voir S. Guillemont Jeanneney, 2015, p.120-122. |
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