La part de l'humain dans les problemes ecologiques selon Michel Serrespar Faustin MBUYU Université de Lubumbashi - Licence 2023 |
CHAPITRE QUATRIEME : APPROCHE CRITIQUE DE L'ECOLOGIE DU SUJET DE DROITIV. 0. INTRODUCTIONEn préambule, les trois précédent chapitres ont présenté en effet chacun pour sa part les bases de la conception écologique de Michel Serres. Il résulte de ces chapitres le sens d'une écologie juridique, subjective et objective qui tient compte des droits, de la place et du rôle de la nature, même si celle-ci dans l'histoire et même aujourd'hui est devenue une chose de transformation et de déformation. Celles-ci partent de la majorité des activités humaines. Ce contexte est le point de départ qui l'a poussé à écrire plusieurs livres et théories sur l'écologie. Le mobile est que, l'humain est de nos jours victime de ses propres actions. Ces actes dévastent la nature et lorsque celle-ci réagit, l'humain est le premier à être touché. Le troisième chapitre a présenté la théorie du contrat naturel comme solution que préconise Michel Serres au sujet du débat sur l'écologie. Cependant, puisque nous sommes dans le domaine scientifique, lequel domaine se nourrit par conjoncture et réfutation. Pour ce qui nous concerne, il nous est nécessairement recommandé, en tant que chercheur dans un domaine de dresser une critique sur les recherches que nous avons effectuées dans ses écrits. Dans ce chapitre, nous allons présenter nos analyses issues de la philosophie serresienne que nous avons jugé être les mérites pour nous, par rapport à sa façon de réfléchir. Après ceci, nous allons présenter un deuxième aspect de ladite philosophie, que nous considérerons pour notre part dit comme une limite ou faillibilité. En d'autres termes, adresser une critique présentant une certaine faille si nous voulons le contextualiser avec l'époque à laquelle nous rédigions ce travail. IV.1. ASPECT POSITIF DE L'ECOLOGIE SERRESIENNEEn préambule, chaque auteur a une manière de réfléchir et de présenter son mode de penser. Le nôtre est parti des faits observés dans le monde pour arriver à la proposition d'un contrat naturel qui répond en effet aux questions de l'écologie. En fait, les chapitres précédent ont discouru là-dessus. Dans ce chapitre, nous présenterons les mérites de notre auteur. Les premiers (mérites) sont en effet l'originalité de notre auteur lorsqu'il aborde les questions écologiques. Dans l'aspect positif, nous aborderons quatre mérites : le premier, c'est la question de l'unité entre l'humain et la nature ; le deuxième, c'est l'idée du contrat comme réponse aux problèmes écologiques : nouvelle relation humain-nature ; le troisième, c'est la relation politique-droit et enfin le quatrième, c'est sur l'idée sur la question de l'éthique serrésienne. Pour ce qui concerne le premier mérite, tout est parti de l'idée selon laquelle, il y a d'une part l'humain et de l'autre part la nature ; d'un côté un sujet et de l'autre côté un objet. L'histoire globale de l'humanité, de la science, de la philosophie ou du droit, a divisé le monde en deux. On ne réfléchit qu'en termes de la dualité. Et cela depuis les premiers savants (Égyptiens, grecs et romains). Parménide parla de l'être et du non-être ; Platon évoque le monde idéel et sensible. Le droit sépare d'un côté le sujet humain avec sa nature et de l'autre côté l'objet, nature extérieure à l'être humain. Francis Bacon conditionna l'esprit humain a triomphé sur la nature dans la logique selon laquelle l'esprit humain est supérieur aux choses de la nature. René Descartes vient avec la séparation de la substance. À ce propos, les travaux de notre auteur en écologie ont consisté en fait à militer pour la non-séparation entre l'humain et la nature. Et c'est ici que nous louons son effort, voire son originalité. Dans la logique de notre auteur, la meilleure façon de résoudre le problème écologique est de ne pas séparer d'un côté l'humain et de l'autre côté la nature. Il faut donc faire une écologie où « les hommes partagent avec les animaux la même niche323(*) ». Cette niche est le lieu où commence la connaissance entre tous les vivants qui la partagent dans la réciprocité et la symbiose. En d'autres termes, tous partagent un rapport global à la nature mère nourricière. L'objectif de cette nouvelle vision écologique que propose Michel Serres est de créer une vie collective, interspécifique qui doit combattre l'ancienne domestication, où l'humain est loup pour l'autre ; les techniques transforment les espèces et l'habitat ; l'économie marchande les choses de la nature. En effet, si la nature devint séparée de la culture, cette séparation est le problème fondamental de l'humain et de tous les discours écologiques, car l'humain, séparé des autres êtres de la nature, pense et croit être en dehors des choses du monde qui n'ont rien avoir avec lui. Tout compte fait, les problèmes écologiques, au-delà de diverses conceptions évoquées dans les deux premiers chapitres, viennent de la dualité insérée dans la logique du comportement humain pour qui, son « esprit a horreur du mélange324(*) ». Ce principe fonde l'ensemble des travaux de notre auteur. Son souhait est celui de ne pas séparer d'abord la nature, ensuite, la culture, la nature et l'humain et enfin l'objet du sujet. Bruno Latour ajoute à ce sujet que, « le travail de médiation devient le centre même du double pouvoir naturel et social. Les réseaux sortent de leur clandestinité. L'empire du milieu est représenté. Le tiers état qui n'était rien devient tout325(*) ». En analysant les concepts contrat, symbiose ou tiers-instruit, ils ont une signification d'intersection. Ceci pour dire, le mérite de l'auteur est de montrer à l'ensemble des savants le danger de la dualité dans l'écologie. Cette dualité qui a permis à l'humain de se croire au-dessus et supérieure à la nature. La science et la philosophie seront fondées sur ce principe de séparation. Si nous analysons l'affirmation de notre auteur quand il dit : « nous ne sommes pas un, mais deux326(*) ». Cette affirmation veut dire que nous sommes séparés sans le savoir. Pour ainsi dire, au début, nous étions d'abord un et maintenant, nous sommes deux. Humain et choses de la nature, nous étions frères. La dualité est le point de départ avec lesquels nous analysons l'aspect positif de la pensée écologique de Michel Serres. Tout son effort ou mérité sera de combattre pour l'unicité de tout ce qui a été séparé pour construire une pensée écologique. La pensée écologique développée dans ce travail avec notre auteur a pour originalité l'introduire d'une nouvelle logique qui va au-delà du principe de deux valeurs ou principe de non-contradiction. La critique positive est celui de réconcilier l'amitié de l'être humain et des autres êtres de la nature à la manière du cerveau où la paralysie de l'une entraine la défaillance d'une partie contraire du corps. Comme lui-même le dit en ce mot : « Il me semble meilleur de vivre, parler ou penser avec tous ses organes qu'en retranchant de leur ensemble une moitié noir327(*) ». Le sens du contrat est synonyme de l'unification après séparation. Au demeurant, chaque philosophe ou écrivain est fils de son temps. Le nôtre aussi, ses écrits transmettent son époque et même celle du futur. Le contexte dans lequel il a écrit sa pensée sur les problèmes écologiques véhicule cependant le souci qui a traversé son époque. Mais sa pensée reste encore d'actualité pour notre époque. En parlant des problèmes écologiques comme problèmes globaux, Michel Serres remmène le débat à un autre niveau où les humains doivent s'unir et conjuguer leur force pour résoudre ces problèmes au niveau planétaire en tant que préoccupation qui touche l'humanité en général. Il est donc impératif que cette force donne solution à ces problèmes ; force unique incluant toutes les choses de la nature pour créer l'équilibre et l'harmonie. Ainsi, il introduit la troisième valeur, celle qui met en symbiose les deux autres : vrai et faux. Cette troisième valeur signifie que, la présence de l'autre est une des conséquences de l'antécédent. Cette réflexion de Michel Serres met aussi en difficulté le naturalisme ontologique pour qui l'univers est ce qu'il est, immuable, éternelle et stable. Conséquence ; il est régi par une logique binaire. Pourtant, quand nous observons dans la nature, tous les êtres font une mobilité et un mécanisme systématique : naissance, croissance et mort. D'après notre analyse, aux origines, l'humain et la nature ne faisaient qu'un, puisqu'ils sont mêlés. L'humain représente la nature et la nature lui confère toutes ses caractéristiques. Au troisième chapitre, nous avons souligné avec Michel Serres du retour à la nature comme une des objectifs du contrat. En fait, il s'agit d'un retour au point de départ où tout était une même nature. Le sens du contrat avec notre auteur est de former un seul corps, esprit, une union, une interpénétration et interférence. C'est le concept même de symbiose qui résume l'unicité et nouveau rapport. Par ailleurs, son idée unifie ce qui a été séparé par l'histoire en articulant le savoir et le droit est une originalité. Car, son effort est celui de conditionner les deux dans une relation d'interdépendance pour résoudre la question de l'humain dans son nouveau rapport face au monde. Cette relation devient ainsi la condition de possibilité pour une vérité prépondérante et l'équivalence juridique pour statuer ce nouveau partenariat entre les êtres vivants. A ce sujet, ce que nous constatons comme mérite, en plus de ce que nous avons dit, l'auteur veut montrer en général qu'il n'y a pas de dualité en science, écologie ou droit. C'est dans ce sens qu'il revient toujours à la notion du contrat. Celui-ci essaye simplement de faire abstraction à la logique du principe d'identité en essayant de souligner le tiers-instruit comme une nouvelle forme de logique avec laquelle on peut arriver à décrypter les problèmes scientifiques, écologiques et juridiques. Comme dit avant, la réunification de la conception dualiste ou la suppression de toute dualité dans ces trois domaines, c'est ce qui a permis à notre auteur un centrage de sa réflexion sur la proposition des sciences de la vie et de la terre comme objet nouveau de ces trois disciplines. Ceci étant, le centre de préoccupation de toutes les sciences ne rient d'autre que la vie et la terre commune unification du sujet-objet. Sur ce point de vue, le savoir, la loi, les vivants reposent sur le nouveau centre unique exempt de toute dualité. Le deuxième mérite est celui centré sur l'idée du contrat comme réponse aux problèmes écologiques en termes d'un nouveau rapport entre humain et nature. D'un point de vue, Michel Serres ouvre une nouvelle approche de l'écologie sur l'essentielle de la politique, du droit, de la science et la philosophie. Une approche selon laquelle notre rapport au monde est structuré par des liens d'interdépendances. Il montre dans l'ensemble de sa réflexion l'effort de respecter la nature comme sujet de droit, avec lequel, l'humain est partenaire équitable. Son approche part de l'histoire de la philosophie, du droit et des sciences pour situer les problèmes écologiques à toute l'histoire du vivant. Il montre et met en relation la société et le savoir pour repenser autrement la question du sujet et de l'objet de l'écologie. Par substitution au contrat social, Michel Serres introduit l'idée du contrat naturel. Son concept à une origine juridique et en tant que telle, toutes les choses de la nature sont ipso factode sujets de droit, mais cette fois-ci le droit naturel classique parce que la signature exige un équilibre des partenaires (sujet-sujet). C'est dans ce sens que, « La nature globale, la planète-Terre en sa totalité, [...] est le nouveau corrélat de ces nouvelles plaques d'hommes, sièges d'interrelations réciproques et croisées entre les individus et les sous-groupes, leurs outils, leurs objets-monde et leurs savoirs, rassemblements qui peu à peu perdent les rapports avec le lieu, la localité, le voisinage ou la proximité328(*)». Ceci veut dire, la planète dans son ensemble est sujet de droit ; aucun autre sujet ne peut s'approprier comme un bien privé. Le nouveau sujet de droit enjoint à l'humain un nouveau rapport puisqu'il est bien commun. Il est une originalité pour notre auteur dans la mesure où les problèmes écologiques trouvent fondement dans le domaine du droit. Le philosophe français, au-delà du domaine scientifique et politique, ramène les débats écologiques au niveau de la sphère juridique où la plupart de scientifiques semblent ignorés. En offrant de la matière aux juristes et aujourd'hui, nous pouvons affirmer avec honneur que, le droit de l'environnement ou de la nature a un soubassement dans le contrat naturel. La nature telle mise en valeur par Michel Serres est intrinsèque à elle-même. Les travaux de notre maître ont intéressé non seulement les scientifiques, mais aussi l'historien des sciences. Pour ainsi dire, les problèmes ou les débats sur les problèmes écologiques n'ont aucune limite en ce qui concerne le domaine. En plus, à son époque déjà, l'académicien envisageait les droits liés à la nature. Même si pour les uns cette idée était absurde pour la plupart de penseurs, aujourd'hui cette idée a servi des bases au droit de l'environnement. Dans un de ces entretiens, il souligne que « Aujourd'hui, quand on dit pacte écologique, on ne dit guère plus que contrat naturel. Donc, effectivement, j'avais déjà confiance dans le droit329(*) ». Son mérite ou aspect positif est celui de faire insérer les problèmes écologiques dans le domaine du droit. La charte de l'environnement serait issue de l'influence du contrat naturel. L'objectif, comme dit Mathieu Blesson, est celui « accorder à la nature comme aux hommes le droit à la liberté, le droit à l'égalité, le droit à la fraternité330(*) ». L'effort ou le mérite de notre auteur est celui de libérer la nature à l'emprise de l'humain par l'intermédiaire du droit. De ce qui précède, nous avons constaté que notre auteur a renversé la notion du sujet de droit. Si pour Jacques Leclercq un sujet de droit est seul la personne humaine qui a un pouvoir et une liberté morale, Michel Serres va étendre cette notion même aux choses de la nature. Celles-ci ne sont pas vues comme objet, mais plutôt comme sujet parce qu'elles ont un pouvoir intrinsèque à elles plus que celui de l'humain. Sachant aussi qu'elles rendent d'énormes services et biens à l'humain. Selon lui, « il serait bon de faire un pas de plus et de dire que la nature serait ce sujet de droit avec lequel on passerait ce fameux contrat331(*) ». Par rapport à sa théorie du contrat, tout acte dévastateur à la nature implique une condamnation juridique à son acteur. En rendant la nature un sujet de droit, celui permet à l'humain de se remettre en question et envisager un contrat de partenariat avec son semblable. Ainsi, le droit n'a plus seulement à légiférer les lois pour l'humain mais, les droits de la nature aussi. Et donc il confère aux choses de la nature des droits que le contrat social n'avait pas pu penser. Son grand effort est celui d'accorder une dignité juridique en partant des thèses issues du contrat social pour briser le droit de propriété. A ce propos, Le contrat naturel, Le Temps des crises, véhiculent la grande partie de la pensée écologique de notre auteur. Ils partent de l'histoire de la terre, du droit, de l'humanité et de la science, pour présenter une nouvelle forme de penser les relations de l'humain et la nature. Le fait de présenter cette histoire sous forme de lutte, violence et guerre est une originalité. Ceci explique la présence des vocabulaires issus de l'expérience de la deuxième guerre mondiale et autres. Le premier livre par exemple est plus juridique, écologique. Mais son travail sur l'écologie a rompu l'ordre qu'imposait l'humain sur la nature et sa prétention de l'esprit universel. De même qu'avec l'ordre épistémologique d'un savoir transformateur de la nature provenant toujours de cet humain. Notre auteur repense autrement le lien entre notre habitat et notre mode de connaissance. Sa curiosité scientifique l'amène a creusé profondément la question des problèmes écologiques et leurs mutations dans notre société. Partant de l'ordre épistémologique et physique, il trace le schéma de la pensée pour aborder les questions écologiques dans le domaine du droit. Ainsi, lorsque nous essayons de tracer son schéma, il commence par condamner cet esprit de se croire un universel dans la nature. Esprit que l'humain a pu développer au courant de l'histoire et qui justifie en effet toutes ces turbulences, puisqu'il exclut une partie de la nature. Le mérite est le fait de lutter contre cette prétention de l'universel. La question fondamentale qu'il se pose, est celle de savoir : pourquoi seulement l'humain serait le seul sujet de droit. Cette question traverse l'ensemble du contrat naturel. La réponse à la question est que, l'humain et la nature doivent coexister ensemble. En élaborant sa théorie du contrat avec la nature, Michel Serres inclus d'une par les théories du contrat social, mais en faisant un dépassement. Alors que le contrat social de Rousseau fait abstraction aux réalités extérieures à l'humain, celui naturel tient compte d'elles. Raison pour laquelle, Le contrat naturel a le mérite de prendre en considération la nature oubliée ou négligée par les penseurs modernes du droit. Car pour eux, le doit, c'est de la positivité humaine, alors que pour Michel Serres, le droit, c'est d'abord ce domaine incluant la nature intérieure et extérieure à l'humain. Puisqu'il recourut au droit naturel classique. Celui qui tient compte de l'humain ainsi des aux choses extérieures à lui. Son mérite est de prendre en compte les choses de la nature et faire d'elles une préoccupation juridique. Déjà dans l'écologie politique, il défend cette prétention et l'esprit de l'immédiateté. Pour lui, le politique doit s'inspirer de l'agriculteur, doit développer l'esprit qui vise loi. Michel Serres incite aux dirigeants politiques d'avoir une politique accès clairvoyants qui pensent au long terme à la manière des marins et paysans. Ceci : « pour sauvegarder la Terre ou respecter le temps, au sens de la pluie et du vent, il faudrait penser vers le long terme, [...] soucieux de se maintenir332(*) ». Il suggère à la nouvelle politique d'avoir un projet visant loin, pensant aux générations futures. De ce qui précède, la théorie serresienne de l'écologie mérite par le fait qu'il simplifie le concept de nature partant de son origine gréco-latine. De cette origine, la nature veut dire ce qui nait. Et Michel Serres se pose la question de savoir : qu'est-ce-qui nait ? Sa réponse simplifie la compréhension du concept nature comme cet ensemble des objets qui naissent et se transforment après. Le langage que notre auteur utilise pour exploiter ces textes est simple dans le sens où il recourt à l'histoire du concept. Ceci étant, la nature telle qu'entendMichel Serres est cette réalité contenant un ensemble d'objets, entités réelles. Contraire à la conception médiévale où elle est l'oeuvre du Dieu créateur, c'est-à-dire, elle « est tout ce qui est, a été et sera [...] sans au-delà, sans mystère, sans altérité constituante333(*) ». Au contraire une réalité aux choses qui sont dans l'histoire du monde en général. Histoire où ces choses sont à la fois un tout et sujet global. Son mérite est celui de n'est pas exclu un des éléments de la nature dans le processus de la protection et du rapport humaine-nature. L'usage de mot est significatif pour lui. Si avant, tel que nous venons de le dire au paragraphe précèdent, la nature était une idée, produit d'un démurge, sans références ; en fait, notre auteur concrétise cela par une représentation des choses que nous pouvons prendre en considérations, que nous savons. Il précise ce qu'est la nature : notre terre, monde mondial ; dans lequel il y a des choses et nous habitons avec ces choses : arbre, animal, air, feu, eau, etc. Raymond Matand en parlant de l'originalité de Michel Serres en écologie précise que celui-ci dit que la terre donne logement et nourriture à l'homme, donne tout. Mais par le caractère parasitaire de l'homme, il se comporte comme un parasite.334(*) En outre, lorsque nous analysons la pensée serrienne, celle-ci aborde les problèmes écologiques de manière transversale en dégageant les grandes structures qui fondent notre manière de réfléchir et pour proposer les solutions adéquates. Michel Serres l'énonce dans Le contrat naturel, de René Descartes, de Jean-Jacques Rousseau, d'Emmanuel Kant, d'Auguste Comte, de Jean-Paul Sartre et la déclaration universelle de droit de l'homme. Ces structures sont des structures qui renferment la pensée dans une sorte de case. Il souhaite, souligne Bernadette Bensaude étudier les sciences en se tournant vers le monde, penser la terre où Il ancre les sciences dans une philosophie de la nature qui embrasse tout ensemble le subjectif, l'objectif et le collectif, sans pour autant les réduire l'un à l'autre.335(*) Il fonde la nouvelle alliance. Celle-ci est une symétrie de rapport à égalité en tant que sujet de droit. Au troisième chapitre, nous avons souligné avec Michel Serres l'exigence du contrat : « autant que la nature donne à l'homme, autant l'homme doit rendre à celle-là, devenu sujet de droit336(*) », une inclusivité des droits et devoirs de tous. D'un autre point de vue, nous trouvons que Michel Serres emprunte, dans la théorie de la communication, les systèmes de communication. Celui des quatre opérations : recevoir, traiter, concevoir et transmettre. De cette notion, il l'applique à son système de penser dans écologique où il souligne que les êtres de la nature tous appliquent le même mécanisme. Son mérite est celui de repenser les vivants comme des systèmes communicationnels effectuant les quatre opérations. Ceci pour justifier en effet l'équivalence entre l'humain et nature en tant que sujet d'un même monde. À le lire, il se rappelle à la conscience de l'humain, pour monter la place qu'il occupe en tant qu'un élément parmi tant d'autres. Et il nous offre une autre voie de l'écologie où tout est sujet, tout est objet. Il ne place ni l'homme ni l'animal au centre, mais la vie, la terre centre de toute la réflexion écologique. C'est dans ce sens qu'il évoque des sciences de la vie et de la Terre. Michel Serres, dans le Temps des crises, convient le monde à un intérêt mondial où tous, nous statuons pour notre bien. Le troisième mérite est en fait la relation politique-droit. Dans l'ensemble des travaux sur lesquels il aborde la question de l'écologie, il associe la politique et le droit. Dans Le contrat naturel, il souligne le fait que le contrat est vain et vide si on n'invente pas une politique capable de soutenir le contrat. C'est une nouvelle alliance qu'on retrouve dans les réflexions de notre auteur, au-delà de la première : humain et nature. Ici l'originalité est celle de trouver la médiation juridique dans les problèmes qu'opposent l'humain et la nature. Cette médiation intègre l'intérêt général et particulier pour créer un ordre symbiotique. Celui-ci exclut en effet le droit de la propriété émanant du contrat entre les humains. Cependant, les arguments de Michel Serres plaident pour la nature en tant que bien appartiennent à la communauté, chose publique ayant un droit commun à tous. Tout le monde peut en faire usage dans la mesure où les intérêts des autres et de la société ne soient pas violés. C'est en cela que la médiation juridique chez Michel Serres est une originalité. Cette médiation, Serge Gutwirth l'appelle dans son article, l'érosion juridique de la chose commune.337(*) Du principe de non-séparabilité, Michel Serres défend le principe de non-appropriablité. Ce principe est tributaire de la médiation politico-juridique. Au troisième chapitre, nous avons parlé avec notre auteur l'exclusion du droit d'appropriation comme droit à l'origine de la pollution. Si nous analysons en fait les thèses du Contrat naturel : « au contrat exclusivement social ajouter la passation d'un contrat naturel de symbiose et de réciprocité où notre rapport aux choses laisserait maîtrise et possession pour l'écoute admirative, la réciprocité, la contemplation et le respect, où la connaissance ne supposerait plus la propriété, ni l'action la maîtrise, ni celles-ci leurs résultats ou conditions stercoraires338(*) », nous trouvons ce principe. La non appropriation est en fait un principe de l'exclusion fondamentale de la prise de possession totale de la nature339(*). Par ce principe, notre auteur essaye d'équilibrer la technique, l'économie, l'industrie, dans la mesure où celles-ci par leur production, ne s'approprient pas les choses du monde. Si avant la médiation juridique l'humain pense ou pensait être le propriétaire privé du monde, maintenant Michel Serres donne un principe pour structurer la relation humain-nature. Le quatrième mérite est du point de vue de l'éthique. Pour Michel Serres, l'éthique et la morale sont un retour « des hommes vers les choses » de la nature dans laquelle le devoir moral est engendrement de fait, par le fait que, « le fait demeure et puisse engendre un fait340(*) ». Ceci veut dire autrement, selon la pensée de Michel Serres, le devoir équivaut le fait. Car « les conséquences de nos actes rejoignent leurs conditions341(*) ». Dans ce sens, l'éthique serresienne la nature comme culture et la morale est les lois objectives. Celles-ci prennent d'abord source dans l'ordre épistémologique. Cet ordre qui part de l'analyse du rapport au monde en tenant compte de la puissance que le savoir offre. L'enjeu ici est de comprendre les bouleversements technologiques et capitalistes qui modifient notre mode de vie. Son génie scientifique est celui de penser à une éthique non pas à la manière jonasienne, mais plutôt à la manière des amoureux où il y a une conscience mondiale soutenue par « une morale à la fois subjective et objective342(*) » de l'écologie du sujet de droit. En fait, si nous essayons d'analyser ce deuxième ordre, il associe connaissance et justice ou science et droit. Ceci permît à notre auteur a associé humain et nature, sujet et objet. En parlant de la symbiose, notre auteur brise la dualité créée par l'histoire de la philosophie laquelle l'humain était séparé de la nature. L'éthique serresienne est celle où il n'y a pas séparation entre la loi subjective et celle objective. Contrairement à Hans Jonas pour qui, l'éthique du futur est « une éthique conçue aujourd'hui pour nos descendants futurs, [...] une éthique d'aujourd'hui qui se soucie de l'avenir et entend le protéger pour nos descendants des conséquences de notre action présente343(*) » ; la nouvelle éthique serresienne se fonde sur la double compréhension entre sujet et objet. « Le sujet se connaît dès qu'il reconnaît sa sujétion pendant que l'autre admet son propre assujettissement344(*) ». L'éthique et même la morale de Michel Serres se résume dans la conscience de soi et de l'autre en tant que sujet équivalent. En effet, cette éthique s'applique par une morale au sens objectif. Lorsque nous lisons l'analyse critique de Raymond Matand, celui-ci souligne que, « aujourd'hui émerge une nouvelle ère où les objets sont des enjeux345(*) » de la morale et de l'éthique. Michel Serres ouvre une nouvelle approche de l'éthique. Une éthique qui quitte la sphère uniquement subjective vers l'objective qui nait de la nouvelle domestication dite réciproque. Cette nouvelle éthique et morale objective tient compte du mal que l'objet subit : la violence objective contre les choses de la nature. Celle-ci rappelle à l'humain ce qu'il est. L'éthique serresienne vient du contrat avec la nature. Cette éthique est fondée sur le principe de l'équilibre de la terreur, c'est-à-dire une éthique qui doit tenir compte de l'autre. Ce n'est pas causé du tort à l'autre parce qu'en retour, nous ne savons pas de quoi, il est capable. Ça signifie tout simplement que protéger l'humain du danger, c'est avant tout protéger la nature de laquelle il tire sa survie. En sommes, dans l'aspect positif de l'écologie serresienne nous avons découvert une certaine originalité. Cette originalité se situe à Quatre niveaux. Premièrement, c'est sur l'idée du principe de non-séparabilité qu'il développe en écologie qui fonde même le contrat entre l'humain et la nature. Ici le problème qu'il soulève est que, l'humain et la nature ne font qu'un et doivent entretenir le rapport symbiotique, contemplative et dialogique. Ce principe est une médiation scientifique qui essaye de combattre contre le dualisme scientifique. Deuxièmement, nous avons soulevé avec lui la question du rapport entre l'humain et la nature lequel nous avons dit qu'avec Michel Serres la nature est sujet de droit et dont l'humain a le devoir de respecter de la nature. L'idée de Michel Serres a influencé la législation mondiale à statuer sur le droit de l'environnement. Troisièmement, nous avons parlé de la médiation juridique qui conduit au second principe qu'est le principe de non-appropriation. Ainsi, l'idée de la médiation scientifique ou juridique fonde une structure qui va au-delà de la logique binaire, dans la mesure où la fonction médiatrice concilie l'intérêt de chaque partie pour un bien commun ou un objectif commun. Ce bien ou objectif est une structure trivalente ou tripolaire. Enfin, nous avons évoqué l'éthique de Michel Serres. Celle-ci ne prend pas seulement en compte les humains entre eux, mais le mal causé sur la nature. Elle est devenue alors fondée sur le sujet et sur l'objet. En outre, après que nous avons présentés le mérite de notre auteur, dans la partie qui suit nous aborderons les limites la théorie écologique de Michel Serres. * 323Michel SERRES, Pantopie : De l'Hermès à petite poucette, entretien avec Martin Legros et Sven Ortali,Paris, Éd. Le Pommier, 2010,p. 114. * 324Ibidem, p. 114. * 325 Bruno LATOUR, Nous n'avons jamais été modernes. Essai d'anthropologie symétrique, Paris, Éd. La Découverte, 1991, p. 191. * 326 Michel SERRES, Le tiers-instruit, Paris, Éd. François Bourin, 1991, p. 22. * 327Ibidem, p. 23. * 328 Michel SERRES, Le contrat naturel, Paris,Éd. Flammarion, 1992,p. 40. * 329 IDEM, Art. Cit., p. 5. * 330 Mathieu BLESSON, « Pour une démocratie écologique » in Topique, Paris, Éd. A2IP, 2013/1 (n° 122), p. 80. Article disponible en ligne à l'adresse https://www.cairn.info/revue-topique-2013-1-page-71.htm (page consultée le 10/Août/ 2023 à 15H 30'). * 331Ibidem * 332Michel SERRES, Le contrat naturel, Paris,Éd. Flammarion, 1992, p. 54. * 333 François EUVÉ, « Pour un naturalisme modéré » in le naturalisme et ses critiques, Théophilyon (Revue des facultés catholiques de théologie et de philosophie de Lyon), Paris, Éd. Théophilyon, Tome XXVI-Vol. 1, 2021, p. 94. * 334 Raymond MATAND MAKASHING, Michel Serres, Hans Jonas, Edgar Morin et l'écologie profonde, Paris, Éd. L'Harmattan, 2020, p. 81. * 335 Bernadette. BENSAUDE, « Michel Serres », in Revue philosophique de la France et de l'étranger, Tome 145, Paris, Éd. P.U.F, 2020/1, p. 127. * 336 Michel SERRES, Le contrat naturel, Paris,Éd. Flammarion, 1992, p. 68. * 337 Serge GUTWIRTH, « Autour du contrat naturel », in images et usages de la nature, Bruxelles, Éd. Presses de l'université des Saint-Louis, 1993, N°36. * 338Michel SERRES, Le contrat naturel, Paris,Éd. Flammarion, 1992,p. 67. * 339 Serge GUTWIRTH, Art. Cit., N°40. * 340 Michel SERRES, Op. Cit., p. 255. * 341Ibidem, p. 256. * 342 Raymond MATAND, Op. Cit., p. 19 * 343 Hans JONAS, Pour une éthique du futur, Paris, Éd. Payot et Rivages, 1998, p. 69. * 344 Michel SERRES, Op. Cit., p. 126. * 345Ibidem, p. 84. |
|