![]() |
La part de l'humain dans les problemes ecologiques selon Michel Serrespar Faustin MBUYU Université de Lubumbashi - Licence 2023 |
III.3. NOUVEAU RAPPORT ENTRE L'HUMAIN ET LA NATURENous avons réussi à passer un contrat, et celui-ci nous a tous (humain-nature) conféré le nouveau statut de sujet de droit. Nous sommes en effet obligés de vivre d'une autre façon et selon les conventions issues du contrat. Ces conventions nous permettent en effet de réduire l'agressivité, la domination, la maîtrise, le triomphe, mais la symbiose, le dialogue, l'harmonie, le retour à nos origines. La convention est de vivre en symbiose. Cette symbiose est le résultat du contrat. Cela que l'auteur utilise terme Biogée, nom même de la signature du contrat. Son rôle est de permettre à ce que les humains disent ce qu'est le monde et le monde donne vie aux humains. En fait, le résultat du contrat naturel nous ramène au principe de la physique quantique où tout est lié, « les sciences de la vie et de la terre, placées désormais au centre de la cognition, prennent le relais305(*) ». L'auteur a offert la valeur à la nature en partant du contrat avec la nature, celle-ci est aujourd'hui notre prochain, composant la Biogée. Par Biogée, l'auteur entend l'association qui comprend le monde (nature) et les humains, sujets ensemble et objet de cette science (scivite) et expriment, dans une langue commune, leurs soucis communs en la WEFEL.306(*) La Biogée ou vit symbiotique est une tierce place. Un troisième personnage du jeu à deux. Ce concept dans le contexte écologique concerne et représente la nouvelle alliance issue du contrat entre l'humain et la nature. Une alliance qui implique une nouvelle forme de vie et relation par rapport à l'ancienne forme où l'humain était devenu maître de la nature. Ladite alliance ne concerne pas seulement la relation humain-nature, mais aussi les humains entre eux. Une nouvelle habitation du monde et dans le monde. « La Biogée est notre habitat, ce dans quoi nous vivons, notre monde307(*) ». Dans le livre Temps des crises, Michel Serres rappelle et soutient l'idée de reconsidérer le statut respectif des choses de la nature, devenues sujets actifs et les rôles que ceux-ci jouent dans notre vie ; par le lien d'interdépendance, de synchronisation où nous avons en nous la nature et celle-ci nous possède aussi ; c'est-à-dire un jeu de partenariat. Cet esprit de jeu à deux où il y a que le maître contre l'esclave, disparait du moment que nous avons inventé le tiers instruit : « le monde soi-même [...] l'eau, l'air, le feu, la terre, flore et faune, l'ensemble des espèces vivantes [...] et inertes308(*) ». Ce tiers instruit est fruit du contrat symbiotique. Une nouvelle institution juridique, un ambassadeur des symbiotes qui défend la nature muette, que l'auteur appelle : WAFEL.309(*) Nous nous sentons frères, au-delà de nos limites, cette nouvelle dialectique nous rend tous sujets à pied égal. De plus, WAFEL est une institution au sein de la Biogée issue des initiales des choses de la nature. Elle représente ces choses et prend la parole pour elles. En d'autres termes, « un représentant directe, de l'eau, de l'air, du feu, de la terre et des vivants310(*) ». Sur ce, personnellement, Michel Serres réfléchit en terme humain. Il confère aux choses du monde toutes les caractéristiques humaines. Nous pensons, que la nature, quant à lui, est un être, un sujet qui agit et réagit, se défend et peut-être défendue. C'est d'ailleurs en ce sens que nous parlons de l'écologie du sujet de droit. Dans cette nouvelle relation transversale et symétrique, nous habitions le monde, nous l'intégrons de nouveau et celui-ci nous accueille en fils prodigue qui rentre à la maison. Cette dernière, souligne l'auteur, « où naissent les vivants, humains compris » jouit le droit de l'autre et la protection générale. Il n'y a ni violence ni guerre parce que achevé par le pacte naturel. Par ce pacte, l'humain quitte l'exploitation, le droit de propriété vers l'instauration d'un droit public et bien commun. La réflexion serresienne de l'écologie sur la nouvelle société issue du contrat avec la nature part de l'idée que, dans le monde, il n'y a aucune société qui ne soit fondée sans aucun droit à la base ou au préalable. De même, le contrat naturel en est un droit qui fait entrer l'humain et la nature dans une nouvelle société. Dans cette dernière, les deux « vivent en symbiose, les humains et le monde, l'on ne parle pas seulement une langue universelle, celle des lois, [...] mais on y utilise divers code, toutes choses, nous comprit, s'y trouvant et conduites et codée. Car nous tous, choses inertes, vivant et humain, émettons, recevons, stockons et traitons de l'information311(*) ». Telle est la description et mécanisme de la nouvelle vie symbiotique signifié par le philosophe français une fois le contrat signé. En plus, dans cette nouvelle vie, tous, nous sommes régis par ce qu'il appelle le carré d'opération qui nous permet ensemble de nous maintenir dans cette nouvelle relation de symbiote. Ce carré est structuré de : l'émission, la réception, le stock et la transmission de l'information. Ces opérations nous sont communes. Par ailleurs, il est question de savoir comment ces choses communiquent ou qui va communiquer à leur nom. Entant que Sujet, elles ont le droit de parler et de se défendre. Pour répondre à la préoccupation, Michel Serres évoque la troisième révolution sur terre, celle où la nature dit ce qu'elle est et comment elle fonctionne sa personne, son être, son droit, etc. La révolution est en fait ce jeu à trois (sciences, monde, société) où les sciences se regroupent autour de deux bouts d'extrémités ; d'un côté la vie et de l'autre côté la terre. Ces sciences,Michel Serres les appelle : les sciences de la vie et de la terre(SCVITES). Celles-ci ne disent que les choses du monde et leurs habitats dans la société. En ce sens, signifions que Michel Serres définit l'écologie en une science de la vie et de la terre. En effet, la nouvelle politique des symbiotes dans ce jeu à trois où tous ensemble d'une seule voix, lié à des relations d'éco-communication, ne disons que ; ce que dit le monde, les sciences comprises aussi. Néanmoins, cette fois-ci, non plus de manière locale, mais « comme un partenaire global » avec lequel nos vies sont liées. Et donc nous formons un système complexe. Comme l'a si bien souligné Edgar Morin, nous sommes dans une co-organisation, co-communication, dans laquelle « un être vivant devient une exigence existentielle pour un autre312(*) ». Cette manière de vivre est une exigence pour tout symbiote : complémentarité et réciprocité. Celui qui dit maintenant des choses de la nature est la Biogée. Cet ensemble des vivants, associé par le contrat naturel. Ce monde global additionné aux sciences qui forment ce grand tout où siège le triangle écologique pour la vie : sciences, société, Biogée. Voilà ce jeu à trois régis par trois relations avec lesquelles au sommet, « les sciences, désormais, disent le dit du monde ; la société [...] produit les choses de monde et où elle ne reçoit, en retour, l'effet global sur la tête313(*) ». Face à une nouvelle menace, WEFEL communique pour la biogée, cette institution capable de défendre le droit des choses de la nature. En effet, le philosophe français organise la nature comme un être vivant dans une société ayant ses droits et devoirs, avec un ambassadeur(WEFEL) en cas de menace, une politique dans le cadre des relations. C'est à ce sens qu'il évoque la troisième révolution. En plus, la révolution que souligne Michel Serres vient du fait que, la Biogée est sujet puisque dans le jeu à deux (humain et esclaves), la nature n'était qu'un objet sans importance. Maintenant, dans ce nouveau jeu, celle-ci est sujet face à l'humain. Ce sujet est global dans une nouvelle société où il joue présentement « les premiers coups plus fortement que nous314(*) ». Ce renversement est le seul espoir de l'humanité si elle veut survivre. Nous sommes en quelle sorte l'objet de la nature. En conséquence ; nous sommes en face d'une nouvelle relation au rapport comme un double lien croisé en feedback ; nous, sujets, objectivons le monde, lui sujet, nous objective.315(*) Reste d'inventer un dialogue avec ce nouveau partenaire avec une nouvelle science, nouvelle conduite pour une nouvelle société. D'une manière descriptive, notre auteur essaye de décrire cette nouvelle façon de nous de conduire en symbiote. Dans le troisième chapitre du Temps des crises, Michel Serres évoque la conduite des sciences et du politique symbiote. La conduite de ceux qui connaissent la Biogée et parlent d'elle. La mission est de se détacher de l'ancien triangle mortifère (prêtre, soldat et capitaliste) pour développer à long terme suite au nouveau triangle écologique notre rapport à la nature. Que les savants disent et communiquent, au nom de la nature, la parole au nom de la Biogée, représentés la WAFEL. Qu'ils disent non contre la pollution, contre le droit de propriété privée, mais en soutenant le bien commun. Qu'ils écrivent les nouvelles lois pour détruire le capitalisme et les technologies dévastatrices qui affament la Biogée. De quel savant s'agit-il et quelle science ? A ces questions, il s'agit des savants des sciences de la vie et de la terre. Les scivites prennent en effet le relais, prônent pour la démocratie comme nouvelrégime de la Biogée. Ils ont la langue propre à la Biogée. Elles sont démocratiques parce qu'elles sont pluridisciplinaires et sont « fédérées autour d'elles ». La politique pour Michel Serres est alors remplacée par les scivites. Politique à laquelle « nous vivons, disent-elles comme des vivants dont la vie, liée à la terre, reste conditionnée, voire déterminée par les lois de la terre et celles de la vie316(*) ». Dans cette perspective, la politique scivite brise l'ancien rapport asymétrique pour un autre symétrique où « tout sujet devient objet ; tout objet devient sujet317(*) ». Attestons que c'est en cela consiste la démocratie du contrat de symbiose si nous analysons la théorie de l'auteur. Et donc, il n'y a aucun être au centre ; seule la vie et la terre. C'est pour quoi Michel Serres est taxé de biocentrique par le fait de mettre la vie au centre de tout. S'il en est ainsi, quelle éthique l'humaine doit-il développer face aux choses de la nature devenue sujet ? Michel Serres n'est pas resté silencieux par rapport au comportement que l'humain doit afficher dans la nature. Bien évidemment, nous les avons toujours considérées comme des choses sans importance, qui n'ont aucune liberté et valeur parce que, nous sommes le partisan de Jean-Paul Sartre nous a dit que l'enfer, c'est l'autre. D'ailleurs, Sartre aurait à questionner Emmanuel Levinas sur « soi-même comme un autre ». L'idéologie sartrienne n'est pas éthique. Cette idéologie s'est répandue même sur les choses de la nature, considérée comme enfer, dans le sens où « nous les considérons au mieux comme des objets, au pis comme des ennemis, oui, des autres absolument parlant318(*) ». Si nous réfléchissons bien, nous nous rendons compte que l'autre est plus intervenant quand le moi (humain) est plus en difficulté ou dans le besoin. Ces autres font ce qu'on peut appeler la compassion, dans laquelleils nous ont entendus, vus, et viennent nous secourir. En d'autres termes, « nous vivons, échangeons et parlions comme eux319(*) ». Cela revient à terme et en définitive, à nous détruire320(*) ». Telle est même l'éthique et l'évidence du contrat naturel : tuer, c'est se détruire. Cette éthique est fondée sur la conscience de l'autre et du moi. Il est évident parce que détruire, c'est se détruire soi-même. Dans l'ensemble, il est en fait une conscience. Mais cette dernière se matérialise aujourd'hui dans le centre du savoir-être des sciences. Tous, sommes habitants de la Biogée les sciences humaines comprise. Et cela grâce au serment prononcé le jour de la signature du contrat avec la nature que les deux partenaires disent en serment, je cite : Pour ce qui dépend de moi, je jure : de ne point faire servir mes connaissances, mes inventions et les applications que je pourrais tirer de celles-ci à la violence, à la destruction ou à la mort, à la croissance de la misère ou de l'ignorance, à l'asservissement ou à l'inégalité, mais de les dévouer, contraire à l'égalité entre les hommes, à leur survie, à leur élévation et à leur liberté321(*) * 305 IDEM, Biogée, Paris, Éd. Le Pommier, 2010, p. 43. * 306 Michel SERRES,Temps des crises,Paris, Éd. Le Pommier, 2009,p. 62. * 307 IDEM, Op. Cit., p. 257. * 308Ibidem, p. 39. * 309WAFEL est un concept venant de notre auteur. Ce concept est l'appellation autre de la Biogée avec les initiales anglaises des quatre éléments fondamentaux de la matière et des vifs Il s'agit d'une abréviation des initiales provenant de : eau, air, feu, terre et vivant, mais en anglais (water, air, fire, living). * 310 Michel SERRES, Op. Cit., p. 40. * 311Michel SERRES,Temps des crises,Paris, Éd. Le Pommier, 2009, p. 42. * 312 Edgar MORIN, La méthode 2. La vie de la vie, Paris, Éd. Seuil, 1980, p. 46. * 313 Michel SERRES, Op. Cit., p. 50. * 314Ibidem, p. 52. * 315Ibidem, p. 54. * 316 Michel SERRES,Temps des crises,Paris, Éd. Le Pommier, 2009, p. 64. * 317Ibidem, p. 65. * 318Ibidem, p. 66. * 319Ibidem, p. 67. * 320Ibidem, p. 67. * 321 Michel SERRES,Temps des crises,Paris, Éd. Le Pommier, 2009, p. 71. |
|