La part de l'humain dans les problemes ecologiques selon Michel Serrespar Faustin MBUYU Université de Lubumbashi - Licence 2023 |
III.2. LE CONTRAT NATURELLe dualisme séparant l'humain de la nature et la recommandation cartésienne (devenir maître et possesseur de la nature) ont fait croire à l'humain qu'il était un être fort, puissant et indépendant de la nature. De cette force et indépendance, l'humain s'est mis à polluer son milieu d'habitat, tuer les autres espèces animales que végétales, transformer les matières premières selon son plein gré. A l'ère actuelle, ces actions ont fini par avoir des conséquences en retour. Ces dernières montrent à l'humain sa faiblesse, ses limites et ce qu'il risque s'il n'arrête pas,car sa vie en dépend. Le monde se rappelle à nous et nous invite à faire un retour, car « l'irresponsabilité ne dure que pendant l'enfance276(*) ». Nous sommes déjà adultes, nous devons penser à conclure un pacte, un contrat qui doit reconnaitre la conduite de la nature comme sujet. Pas n'importe lequel, mais un sujet de droit. Avant d'avancer avec les arguments, nous devons comprendre ce que notre auteur entend par contrat naturel. D'après Michel Serres, le contrat naturel est avant tout une reconnaissance de l'humain et du droit de manière métaphysique par la totalité des choses de la nature, associée par un contrat au-delà, et universelle à toutes ces choses. Fondé sur le droit naturel classique incluant la nature extérieure de l'humain : « J'entends par contrat naturel d'abord la reconnaissance, exclusivement métaphysique, par chaque collectivité, qu'elle vit et travaille dans le même global que toutes les autres, non seulement chaque collectivité politique associée par un contrat social, mais aussi chaque collectif, militaire, commercial, religieux et industrielle... associé par un contrat de droit, mais encore le collectif expert associé par le contrat scientifique277(*) ». Si l'on essaye de bien comprendre, le contrat vient abolir la séparation faite entre l'humain et la nature. Cette absolution permet à l'humain de n'est plus considéré la nature comme un objet, mais comme sujet à part entier. Par la signature du contrat, il y a alors un rapport qui nait entre les deux. Ce rapport envisage une compréhension entre les deux opposés. Il y a alors, si nous comprenons l'enjeu de contrat, une obligation. Cette dernière est l'octroi des droits aux choses de la nature. Sur ce, le contrat met et crée un réseau de survie. Par ailleurs, l'idée du contrat naturel va dans un angle opposé à celui de Jean-Jacques Rousseau. Le contrat naturel se fonde sur l'idée d'un droit naturel classique et le contrat social se fonde sur un droit naturel moderne. L'idée de notre auteur est de ne pas considérer l'humain particulier comme un universel statuant toutes les choses de la nature. Logiquement parlant, c'est une erreur. L'enjeu est d'être dans une logique où toutes les choses de la nature, comprise l'humain sont unies par un intérêt commun. Nous sommes maintenant forcés de faire entrer toutes les choses de la nature en tiers dans le droit, la politique, la société, l'éducation, etc. D'après le philosophe français, nous avons eu un jeu à deux dans lequel le monde était mis à l'écart parce que considéré comme objet sans valeurs ; voici maintenant arrive le nouveau jeu à trois qui remplace la triade (prêtre, soldats et producteurs de richesse) dans chaque fonction où nous devons maintenant jouer autrement.278(*) Le contrat avec la nature ou le monde, il est question de l'attribution et de la propriété. Lorsque les deux belligérants jadis signèrent ce contrat, les deux de nos jours partenaire, le signent, le juge leur attribue ce que chacun lui appartient de faire pour garder le calme et l'harmonie entre eux. Dans le cas sous examen, l'attribution n'est que la recommandation de la paix, de l'amour et de la vie en symbiose où chaque partenaire en symbiose avec l'autre doit nécessairement rendre de droit à l'autre. Aucun droit de propriété n'est accepté puisque chacun vit en ayant conscience de l'autre. Ceci étant, le contrat naturel envisagé en écologique par Michel Serres est un contrat qui a pour fondement dans le droit naturel à la manière de classique qui intègre toute la nature extérieure et intérieure à l'humain. Scientifiquement, il associe les doctes et les littéraires à intégrer les choses du monde dans leur réflexion comme symbiote. Où il y a en effet un traité entre l'humain et le reste du monde. Comme l'a souligné aussi Jean Onaotsho que « ce traité équivaut en effet à un traité de paix, signé, non pas entre les nations, mais entre l'espèce humaine et la nature extérieure279(*) » Il est cependant un retour à la nature générale des choses du monde. Un retour de conscience du danger qui frappe à la porte et entre sans dire mot. S'il en est ainsi, lorsque le contrat est signé, toute domination de l'humain sur la nature est alors exclue, car le contrat est signé par amour et par éducation symbiotique avec le monde. Ainsi, le savoir scientifique ou la connaissance n'est plus synonyme de propriété privée ou l'action de maîtriser quoique ce soit. Il est symbiotique, parce qu'il admet le droit de la nature et de l'humain dans les deux significations. Si avant le contrat avec la nature, l'humain était méconnaissance des biens et services que la nature lui a rendus, par le fait de le piller, polluer sans prendre conscience de son caractère parasitaire où il s'est lui-même condamné à mort ; le contrat naturel lui offre une chance de survie. Le contrat naturel ou contrat avec la nature est la théorie serresienne de l'écologie ; théorie qui se fonde sur le droit naturel classique pour briser le droit de propriété énoncé par les philosophes des lumières avec l'idée du droit naturel moderne. Dans Le contrat social, l'être humain nait comme le seul sujet ayant des droits, seul capable à pouvoir passer le pacte avec ses semblables. Par analyse, ce contrat comme dit ci-haut ne tient pas compte des autres êtres du monde avec lesquels l'humain est en communication. Il devient ainsi exclusif du fait que, le reste du monde n'est pas invité à passer ce contrat. Le souci qu'a Michel Serres, à en croire Jean Onaotsho est « de supplanter aux insuffisances du contrat social et de prendre en compte les droits de tous les délaissés280(*) ». Faire sortir la nature du droit de propriété dans lequel l'humain l'a placé. Cependant, la théorie du Contrat naturel introduite par notre auteur répond à la question de la crise écologique et vient supplanter celle dite sociale. Elle est universelle et inclut toutes les autres choses de la nature sans exception. D'après Michel, une fois les humains entrent dans la nature pour se considérer un de la nature parmi tant d'autres, le droit entre aussi dans la nature. Ceci fait que, le particulier entre dans l'universel, le simple dans le collectif, tous, nous devenons sujets dans la nature, le local dans le global et notre « rapport renouvelé que nous entretenons désormais avec le monde, notre maître jadis naguère notre esclave, toujours notre hôte en tout cas maintenant notre symbiote281(*) » sera renoué où tout le monde veillera sur l'autre. La théorie écologique du contrat naturel ou contrat avec la nature est une théorie qui envisage la symbiose entre tous les êtres vivant sans aucune exclusivité quelconque. L'écologie du contrat signifie un retour à la nature, une exclusivité au contrat social, mais passation du contrat avec la nature en symbiote et réciprocité entre les êtres de la nature : « où notre rapport aux choses laisserait maîtrise et possession pour l'écoute admirative, la réciprocité, la contemplation et le respect [...] contrat de symbiose282(*) ». Ainsi, pour dire, en d'autres termes, un contrat qui va au-delà des philosophes théoriciens du droit de propriété. Au-delà dans la mesure où aucun n'être vivant ou composant de la nature est exclu. Cela dit, dans ce contrat, les symbiotes ou contractants sont régis par des relations symétriques, dialogique et dialogale où la communication est réciproque. Dans le Contrat social selon Jean-Jacques Rousseau, l'objectif était celui de trouver une forme d'association commune qui défendrait et protègerait toute la force commune des personnes associées et leurs biens, où chaque contractant s'unit à tous les autres, obéit à lui-même et reste libre. Le contrat naturel unit l'humain à la nature et la nature à l'humain. Quand bien même l'humain a un caractère parasitaire accumulé par son droit de possession et maîtrise où il prenait tout sans rien donnait à la nature alors que, la nature qui l'accueille victime donne tout sans rien recevoir de l'humain. L'écologie du sujet de droit ou du contrat modifie cette trajectoire parasitaire, malveillante. Plus universel et global que les anciens contrats, le monde est sujet de droit. Dans un monde mondial, le savant ditce qu'est le monde et dans l'histoire283(*) en équilibrant la puissance faible de l'humain et la faiblesse force de la nature. Par ailleurs, les clauses du contrat sont que toutes les choses de la nature sont sujettes de droit. Elles sont considérées comme être vivant susceptible d'un droit en cas de violence. Ce statut d'être sujet de droit condamne en effet souligne Michel Serres à « mort celui qu'il pille et qu'il habite sans prendre conscience qu'à terme, il se condamne lui-même à disparaitre284(*) ». Ceci de fait le credo du contrat naturel. Et donc ne fais pas à autrui ce que tu ne veux pas qu'on fasse de toi. La réciprocité symbiotique signifie dans ce cas ; autant que la nature donne à l'homme, autant l'homme doit rendre à celle-là, devenue sujet de droit285(*). Si nous réfléchissons sur cette problématique, nous rendons compte que l'idée est anthropomorphisée dans le sens où nous donnons le caractère humain à la nature. C'est vrai qu'à première vue, telle peut être l'argument. Mais, l'enjeu ici était celui de changer le statut de la nature de l'objet sans droit vers le sujet du droit, partant des biens et services que celle-ci nous rend, plus l'humain. Ces services et biens sont donnés gratuitement à l'humain qui prétend être seul sujet de droit, par conséquence ; ils méritent un respect et un comportement amoureux. L'amour devient une des conditions sine qua none. Il faut qu'il ait de l'amour entre les deux parties. D'après Michel Serres, « sans amour, pas de lien ni d'alliance286(*) ». Cet amour de s'aimer l'un envers l'autre est une loi globale qui supprime l'agressivité et la violence. La nature entre dans l'histoire. Et l'humain entre dans le monde. La loi de l'amour résulte du contrat naturel dans lequel l'humain et la nature légifère les lois pour briser la haine qui a amené cette séparation entre les deux depuis les origines de notre histoire moderne. De plus, le pacte social que Michel Serres appelle pacte de courtoisie où qui a engendré toutes ces considérations narcissiques jusqu'aux guerres subjectives et à la violence objective, les contractants sont liés par aliénation. Le contrat avec la nature averti la totalité de la nature et des humains que « le collectif, s'il se déchire, immédiatement, se livre, sans recul ni recours possible, à la destruction de sa niche fragile, d'un habitat privé de supplément287(*) ». L'équilibre et l'harmonie se jouent sur le collectif de toutes les choses du monde. L'enjeu du pacte naturel est de garder cet équilibre symbiotique. A ce propos, la différence entre ces deux contrats, réside dans l'applicabilité extensive, dans le statut et la finalité. Le premier contrat dit social ne s'étend que sur les humains, alors que le second est extensif, il va jusqu'à la totalité des choses du monde. Le premier ne considère que l'humain comme sujet de droit, mais le contrat avec la nature fait de toutes les choses de la nature des sujets de droit. Le contrat social est pour nous sociologique, en revanche le contrat naturel est biologique et juridique. Tous deux se fondent et ont pour origine la peur. A la différence, le contrat naturel n'aura lieu que par une éducation politique et sociale inouïe et longue qu'il appelle la tierce instruction.288(*) Ainsi donc, c'est l'éducation qui est à la solution du contrat. Sans éducation, les maux continueront toujours à se répercuter sur les choses du monde. Et celles-ci en retour vont répliquer jusqu'à faire disparaitre l'humain comme dans l'histoire des vivants. La question reste de savoir où et quand signer ce contrat comme Jean jacques Rousseau, pour Michel Serres ce contrat naturel est métaphysique, c'est-à-dire, au-delà de ce que nous pouvons imaginer, parce que, ajoute Michel Serre, « il va au-delà des limitations ordinaires des diverses spécialités locales, et en particulier, de la physique289(*) ». Il n'est signé nulle part à la manière du contrat social, puisqu'il relève de l'entendement. Il devient et est par conséquent virtuel, car selon le philosophe français, « les grands contrats fondamentaux demeurent tacites290(*) ». Chercher une copie du contrat naturel reste une lettre morte. Il est de la conscience de chacun de pouvoir garder à l'esprit l'engagement passé avec le monde. Cette conscience nait de notre relation réciproque. Il harmonise la force de l'humain et la puissance du monde tout en reconnaissance l'égalité entre nous et notre partenaire. Nous ne pouvons que le définir du point de vue juridique et physique où le pont de vue du monde influence nos décisions et notre agir. Nous passons ce pacte avec la nature grâce aux liens canonisés par les relations que celle-là nous envoie. Ces liens nous unissent ensemble à la terre, notre cadre de vie. Le contrat nous met en réseau de survie.291(*)Reste alors de savoir pour quelle finalité et avec quelle justice. La finalité du contrat est de permettre à deux individus ou personnes acharnées à se contredire, aussi violent ou pas, de « parler une langue commune, pour que le dialogue ait lieu292(*) ». Par analogie, selon la pensée écologique de Michel Serres, les actions humaines et les conséquences écologiques sont synonymes d'une dispute et contradiction acharnée entre l'humain et la nature, et cela nécessite un même dialogue, une même langue pour qu'il y ait le calme et la vie de tous maintenant et à l'avenir. Tous les êtres de la nature compris doivent avoir un même langage à celui de la terre. De plus, l'objet serait de permettre que les humains et les restes de la nature « usent des mêmes mots dans un sens au moins voisin, au mieux identique293(*) ». L'enjeu de l'écologie du contrat chez Michel Serres est de briser l'incompréhension, le malentendu qui est à la base des problèmes écologiques. Pour supposer un accord qui mettrait fin à la violence des conflits. Cet accord va permettre à ce que « nos industries ne travailleront ni ne transformeront la face et les entrailles pacifiques du monde, comme nous fîmes294(*) » avant le contrat naturel. Le contrat naturel cherche à redonner la valeur juridique à la nature en général. Sa finalité est de faire rassembler le type d'association globale et collective. La seconde finalité est celle de nous amener à prendre et considérer le monde dans sa totalité. L'objectif est de recréer les liens avec lesquels les relations sont plus importantes. A cet effet, souligne le philosophe français, le contrat avec la nature connecte en réseau le contrat social au contrat de savant pour forme un ensemble de relations dans le monde en sa totalité. Ainsi donc, sans le droit, le rapport de l'humain et la nature reste comme à l'époque baconienne ou cartésienne. Il faut donc envisager, avoir un droit, une politique et un juge pour que notre rapport au monde soit équilibré. Ainsi la justice sera établie. La justice contractuelle réside en ce que chacun le droit lui confère de faire en ayant chacun conscience du danger de l'autre. Au sens où « chacun des partenaires en symbiote doit donc, de droit, à l'autre sous peine de mort295(*) ». La justice du contrat naturel est de donner chacun sa valeur. Elle est distributive dans le sens où la valeur de chaque partenaire est objective indépendamment de le lui. Grand ou petit, tous au même pied d'égalité. A cet effet, sujet ensemble, objet ensemble. Pour juger ce contrat, il n'est signé nulle part puisqu'il est « virtuel ». Autrement dit, signifions que ce contrat relève de la conscience des humains face à leur responsabilité et aux actions posées dans la nature. Et donc, il est tacite. De plus, dans cette recherche de l'équilibre entre le pouvoir de l'humain et la force de la nature, la justice du contrat naturel, « reconnait d'abord l'égalité nouvelle entre la force de nos interventions globales et la globalité du monde296(*) ». De ce fait, il n'y a ni hauteur ni profondeur, mais équilibre et égalité dans le monde comme totalité. Cependant, la nature réclame justice du fait qu'elle a été oubliée du rang du sujet de droit. Une nature « sans règle, vérité sans jugement, chose sans cause, objet sans sujet, loi sans roi [...] l'effort historique de la science consiste [...] à inventer une justice nouvelle en cette terre sans contrat297(*) ». Ceux-ci sont les défis traités par Michel Serres dans le contrat naturel. En outre Michel Serres spécifie dans ces écrits que le contrat avec la nature serait une peine perdue si nous n'inventons pas une politique et un nouveau politique pour garantir le contrat. * 276 Michel SERRES, Op. Cit.,p. 69. * 277Michel SERRES, Le contrat naturel, Paris, Éd.Flammarion, 1992, p. 78. * 278 IDEM,Op. Cit., p. 40. * 279Jean ONAOTSHO KAWENDE, Démocratie, technoscience et écologie. Champs pragmatiques de la rationalité pluraliste, Louvain, Éd. Academia-Harmattan, 2017, p. 191. * 280Ibidem, p. 191. * 281Michel SERRES, Le contrat naturel, Paris, Éd.Flammarion, 1992, p. 67. * 282Ibidem, p. 67. * 283Ibidem, p. 78. * 284Ibidem, p. 67. * 285Michel SERRES, Le contrat naturel, Paris, Éd.Flammarion, 1992, p. 68. * 286Ibidem, p. 82. * 287Ibidem, pp. 70-71. * 288 IDEM, Op. Cit., p. 252. * 289Michel SERRES, Le contrat naturel, Paris, Éd.Flammarion, 1992, p. 78. * 290Ibidem, p. 78. * 291Ibidem, p. 79. * 292Ibidem, p. 22. * 293Ibidem, p. 22. * 294Michel SERRES, Le contrat naturel, Paris, Éd.Flammarion, 1992, p. 23. * 295Ibidem, p. 69. * 296Ibidem, p. 79. * 297Ibidem, p. 108. |
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