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La part de l'humain dans les problemes ecologiques selon Michel Serrespar Faustin MBUYU Université de Lubumbashi - Licence 2023 |
III.1.1. L'IDEE DU DROIT NATUREL ET SUJET DE DROITLa nature est constituée des choses connues et inconnues : êtres vivants, inertes, objets animés et inanimés, etc. Ces choses sont organisées dans une relation d'interdépendance. Edgar Morin dit même que, « le tout est à la fois plus et moins que la somme des parties, que le tout est plus et moins que le tout, que le tout, que les parties sont plus et moins que les parties252(*) ». Elles sont constituées en effet en écosystème. Ce qui veut dire autrement, l'une entraine l'autre et vice versa. Cependant, aucune de ces choses n'est sujets sans que les autres ne le soient. Elles sont tous sujets ensembles et tous objets ensembles. Toutes sont régies par un principe de dualité (visible-invisible, universelle-particulier, etc.). Pour les vivants, tous ont le droit de vivre et tous ont le devoir l'un envers l'autre. Ils constituent un ensemble et forment un système ; ont tous droit à la vie. La question reste celle de savoir de quel droit sont tous soumis ? De ce qui précède, le droit posé vient d'un fondement que les philosophes classiques appellent droit naturel. Ce droit a fait longtemps objet de discussion. La question du droit naturel et sujet de droit a posé un problème durant l'histoire de la philosophie. Car pour certains philosophes, il y a de droit que celui qui est posé. Et pour d'autres, le droit posé à un fondement sur la nature. De ce fait, lorsqu'il s'agit du droit naturel, celui-ci fait référence à un droit « qui ne peut naître de l'exercice d'un pouvoir, d'une volonté, d'une décision253(*) » des individus prisent comme tels. C'est un droit qui se découvre et se constate dans la manière d'être. Il se découvre dans la nature des choses. Les classiques soulignent que le droit naturel est un droit de nature, d'un ordre d'ensemble. Partant de cette affirmation des classiques, il résulte que le droit naturel signifie tout simplement que, toutes choses dans l'univers possèdent un droit. Etant ainsi, ils sont sujets de droit. Posséder un droit, à lire Jacques Leclercq veut dire, avoir « un pouvoir, [...] une liberté morale254(*) ». Beaucoup de philosophes ont ramené le droit à la nature humaine. Ainsi, l'humain devient comme premier à vouloir naître de l'exercice du pouvoir. Partant de cette optique, le droit naturel fait naître une confusion totale dans la compréhension. Cette confusion, à en croire Christian Atias a fait que, « le droit naturel [...] a ouvert la voie aux droits naturels255(*) ». La réalité du droit naturel devient en effet dénaturée du fait qu'elle est attachée au réalisme qui s'oppose à la théorie. Conséquence ; il y a d'un côté le droit en tant que réalité subjective et de l'autre côté comme un idéal. Ceci par le pire vouloir isoler l'être humain du reste de la réalité monde. De ce qui précède, le droit naturel renvoi de ce fait à deux choses : nature comme reflet de l'Être parfait et nature comme réalisme humain. Cependant, le droit naturel « évoque un ordre d'ensemble. Il s'apparente au cosmos. Ce monde hiérarchisé où chacun avait sa place256(*) ». De ce fait, tous êtres de la nature sont par le fait même sujet de droit, parce qu'ils sont gérés par la loi de la nature avec laquelle tout le monde a droit : la vie. Michel Serres souligne, à ce propos, que c'est ce droit classique qui est justement le fondement du contrat naturel. Ce droit tient compte des généralités du cosmos, son contenu est par ailleurs déterminé par l'ensemble des choses de la nature. C'est dans ce sens que la théorie du droit naturel ne doit pas être une création d'une volonté humaine à la manière du contrat social. Plutôt qu'au-delà du contrat social. A cet effet, signifions que, la question du droit naturel se pose avec beaucoup plus d'inquiétude, puisqu'elle est une question sans réponse, d'autant plus qu'elle est recherchée dans l'application. La querelle qui tourne autour du droit naturel se fonde sur l'application du droit. Pour Christian Atias, le droit naturel classique fait de la question du droit une recherche de la connaissance.257(*) Si tel en est le cas, la connaissance et la conscience sont de ce fait le critère de ce droit sur lequel le contrat naturel trouve place. Il y a alors la problématique du droit et devoir. Le droit comme conscience et devoir comme connaissance. Dans cet ordre d'idée, le droit, pouvoir moral et devoir comme nécessité morale, s'articulent entre les choses du monde. D'après Michel Serres, jadis était sujet de droit les citoyens romains ou les citoyens athéniens. Les restes n'étaient pas considérés comme sujet de droit par conséquence ; le droit ne leur conféré pas un droit et personne n'avait un devoir envers eux. Ils étaient en effet « ceux pour qui il fallait se porter aval258(*) ». Avec cette notion, toute chose de la nature devient sujet. En ce sens, dire que j'ai le droit de faire tel acte ou tel autre ; cela suppose que c'est affirmer en même temps l'autre a le devoir de me laisser faire et vice versa. Le droit et le devoir sont corrélatifs. Leclercq soulignait dans son livre cité en bas de page que, « Seul sur terre l'homme est un sujet de droit parce qu'il est susceptible d'affecter ses actes de ce caractère spécial qu'on appelle le caractère moral259(*) ». Cette affirmation contredit, en effet, la corrélation entre droit et devoir. Pourtant, nous savons bien que, le droit naturel est fondé sur la nature en sa totalité, non seulement que l'humain a droit à la vie, pour supposer en retour que la nature a le devoir de lui procurer la vie ; corrélativement la nature a droit et l'humain a le devoir de respecter le droit de la nature. Entre d'autres termes, si l'humain a un devoir envers la nature, cela suppose que la nature dans sa totalité a un droit face à l'humain et ce droit, c'est la vie de tous. La nature est sujet de droit veut dire pour Michel Serres, un bien qui n'appartient à personne, une valeur autonome et universel où une chose est un quasi-sujet de droit. La question est celle de savoir de quel droit devons-nous fonder l'argument selon lequel, la nature est un sujet de droit ? Il répond que c'est le « droit de propriété260(*) », celui qui considérait la nature comme un objet privé de l'humain que nous devons combattre et se factoriser sur le droit naturel classique incluant la nature extérieure de l'humain. En outre, à lire le nouvel ordre écologique de Luc Ferry, celui-ci souligne un fait qui doit pousser l'humain à considérer la nature comme sujet de droit. Celui-ci dit : « dès lors ce monde que nous avions traité comme un objet redevient sujet, capable de se venger : abimé, pollué, maltraité, c'est lui qui nous menace aujourd'hui de nous dominer à son tour261(*) ». La question du sujet de droit, partant de ce qui vient d'être dit ci-haut et des affirmations de Luc Ferry, il y a lieu de donner à la nature le statut de sujet de droit. Car, selon la philosophie serresienne, les réactions de la nature sont contraignantes de globalisation renaissante, d'extinction collective. La nature donne logement et habitat à l'humain, la chauffe et la nourrit. Elle a la capacité de le détruire dans un laps de temps quand il abuse, elle conditionne la nature de l'être humain, le fait vivre. Elle se conduit comme un sujet, une âme par excellence, capable de recevoir, traiter, conserver et transmettre.262(*) La nature est l'hôtesse qui nous accueille, nous met au monde, nous nourrit et fait de nous ce que nous sommes. Cependant, si l'humain ose d'abuser, la nature le détruit sans qu'il ne se rende compte. Michel Serres appel ce comportement destructif de l'humain comme parasite. La justice face ce problème est d'être contre aux abus parasitaires et revoir la question de qui peut être appelé un sujet de droit. Déjà le droit naturel classique bannit cette justice anthropocentrique héritée du contrat social qui considère l'humain comme seul sujet de droit avec ses déclarations anthropocentriques : « tout homme [ou] seuls les hommes ou les hommes seuls263(*) » ont droit. A lire Hans Jonas dans Principe responsabilité, celui-souligne que la question de la subjectivité de la nature doit être une autre éthique qui doit aller au-delà du seul intérêt de l'humain. Ceci parce que « non seulement pour notre bien, mais également pour son propre bien et de son propre droit264(*) ». Ainsi, le philosophe allemand Hans Jonas demande la révision des fondements de l'éthique humaine et universelle. Celle-ci doit cependant être extrahumaine, c'est-à-dire qu'elle doit être d'abord un droit pour la nature, ensuite l'éthique doit aller au-delà « de la reconnaissance de fin en soi de la sphère de l'homme265(*) ». L'enjeu est celui de fonder le droit et l'éthique partant de la doctrine de l'être (métaphysique). De ce qui précède, la nature est sujet de droit, cela ne revient pas à l'humain de lui confier ce statut parce qu'elle est de fait même sujet qui produit d'autrui sujet y compris l'humain. Les objets de la nature eux-mêmes sont « sujets de droit et non plus simples supports passifs de l'appropriation266(*) ». Michel Serres, en voulant octroyer à la nature le statut de sujet de droit, cherche à maintenir l'équilibre entre l'humain et nature. Cet équilibre est que tous (humain-nature) sujets ensemble et tous objets ensemble. Cet équilibre vient de la revendication des objets de la nature par le fait que l'humain les rend victimes de tout le temps, partant du Contrat social. Ces objets de nos jours se vengent à nous humains et réclament leurs statuts, des sujets de droit. Il ajoute qu'« il nous reste à penser une nouvelle balance, délicate, entre ces deux ensembles de balances267(*) ». Cette balance met d'un côté l'humain sujet de droit et de l'autre côté, la nature sujet de droit. Ainsi, le droit traite maintenant les causes et reconnaissent l'existence des choses de la nature comme partie intégrante de la société dans laquelle l'humain existe avec d'autres sujets. De ce fait, il y a une relation équilibrée entre l'humain et la nature où « les hommes passent par les choses [et] aux choses passent par les hommes268(*) ». Le rapport est celui de sujet-sujet. Si tel est alors le nouveau rapport reste alors de savoir comment quitter la violence objective pour arriver à un autre compromis. Certes, nous analysons l'objet et les conséquences de la violence objective pour aboutir à la théorie du contrat. * 252 Edgar MORIN, La méthode 2. La vie de la vie, Paris, Éd. Seuil, 1980, p. 20. * 253 Christian ATIAS, Philosophie du droit, Paris, Éd. P.U.F., 1999, p. 150. * 254 Jacques LECLERQ, Leçons de droit naturel I. Fondement du droit et de la société, Louvain, Éd. Namur, 1947, p. 12. * 255 Christian ATIAS, Philosophie du droit, Paris, Éd. P.U.F., 1999, p. 151. * 256Ibidem, p. 152. * 257Ibidem, p. 164. * 258 Michel SERRES, Art. Cit., p. 5. * 259 Jacques LECLERQ, Leçons de droit naturel I. Fondement du droit et de la société, Louvain, Éd. Namur, 1947, p. 13. * 260 Michel SERRES, Art. Cit., p. 6. * 261 Luc. FERRY, Op. Cit., p. 122. * 262 Michel SERRES. Op. Cit., p. 64. * 263Michel SERRES, Le contrat naturel, Paris, Éd.Flammarion, 1992, p. 65. * 264 Hans JONAS, Op. Cit., p. 26. * 265Ibidem, p. 27. * 266 Michel SERRES, Op. Cit., p. 66. * 267Ibidem, p. 66. * 268Ibidem, p. 78. |
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