III. LES MECANISMES MISE EN PLACE AFIN DE MIEUX APPREHENDER
LES DIFFERENDS FONCIERS
Dans cette partie il est question des voies et pistes
nécessaires pour mieux cerner le foncier dans le premier arrondissement
de N'Djaména. A cet effet, il a été démontré
les issues pouvant faire asseoir une paix foncière durable lesquelles
interpellent toutes les souches sociales, et nécessitent les efforts
multiples et communes. D'abord, en premier essor, l'urgence d'une
révision, voir réactualisation du texte foncier du Tchad, et
ensuite, la nécessité d'adopter un document unique sur toute
étendue du territoire tchadien en rapport à la gestion
foncière, enfin, le renforcement des acquis des chefs gérants qui
ont la charge quelques fois d'arbitrer les litiges fonciers, et aussi de la
vente des terres tant dans le milieu rural qu'urbain tchadien. Telles sont les
perspectives soulevées dans ce chapitre.
170 Entretien avec monsieur SAHAD à Madjorio
103
1. Combler le vide juridique
La loi foncière tchadienne a été
adoptée depuis les années 67 et jusque-là, le gouvernement
n'a pas entrepris des initiatives locales de la gestion des terres au Tchad.
Cette loi pendant son élaboration n'a pas impliqué directement
les individus dans la gestion des terres. C'est ce qui explique la mal
compréhension de ladite loi par la grande partie de la population
tchadienne. Aussi, la loi foncière tchadienne semble être mal
saisie, interprétée, comprise par les tchadiens lettrés
que ceux illettrés. C'est ainsi que certains informateurs
interrogés affirment que comment le Tchad est resté
accroché sur les textes qui datent des années 1958 ; 1967 ; 1970,
alors que les réalités au Tchad en sont autre chose. C'est dans
cette optique que DJIKOLOUM BENJAMIN BENAN dans son article sur le foncier au
Tchad a fait une analyse critique du droit foncier tchadien.171
Ainsi, les avis de quelques informateurs convergent dans la même
lancée qui est la réactualisation de la loi foncière
tchadienne. Nous avons retenu les déclarations de Justin HINBE :
je pense que la loi foncière tchadienne doit
être réactualisée afin de prendre en compte les nouvelles
thématiques qui émergent, notamment incluant l'accès de
tous les acteurs facilement à la terre [...] ; aussi, il faut prendre en
compte dans les législations les avis des acteurs concernés afin
d'éviter les contestations récurrentes. L'Etat avant d'adopter
les lois doit se renseigner sur les conditions de leur applicabilité
effective. 172
Le manque d'une vision foncière adaptée au
contexte des acteurs constitue un danger et aliment davantage les conflits
fonciers en Afrique en général et au Tchad en particulier. A cet
effet, le gouvernement tchadien doit « mettre à jour » sa loi
foncière afin de répondre aux aspirations quotidiennes de ces
acteurs qui, jusque-là sont victimes des spoliations ;
déguerpissement et des accaparements excessifs des terres urbaines. Le
tableau ci-dessus illustre les risques liés à la gestion non
équitable des terres en milieu rural qu'urbain africain. Cette vision se
veut optimale, car elle nous permet de mieux cerner le contour des
problèmes fonciers rencontrés et/ou enregistrés et
d'envisager des solutions durables. TCHAWA élabore ledit tableau pour
mettre en lumière les dangers liés à la marginalisation
des autres couches sociales.
171 DJIKOLOUM B.B. (2004). « Analyse critique du
droit foncier tchadien » in La question foncière au Tchad
; acte du colloque scientifique de N'Djaména 28 Juin au
1er Juillet-septembre 2004, p.56
172 Entretien au quartier Madjorio en septembre 2021
104
Tableau 5: Etat de lieu de la gouvernance foncière
en Afrique selon Paul TCHAWA
ROOT CAUSSE
|
EFFETS SUCCESSIFS
|
Politique foncière
inadéquate ou absente
|
1
|
2
|
3
|
4
|
Pas de vision
de l'Etat à
anticiper sur le foncier
|
Spéculation foncière
|
Marginalisation des populations locales
|
Pauvreté et
conflits
|
Absence des
règles adéquates
d'accès et de
contrôle des terres
|
Occupation
anarchique de l'espace
|
Dégradation des espaces et ressources
côtières
|
Source : TCHAWA, NELGA 2021
Ici, lorsque dans un pays la politique des gestions des terres
n'est pas définie clairement, la spéculation foncière est
d'une grande importance. Les Boulamat en tant que chefs traditionnels investies
par le pouvoir traditionnel et politique jouent un rôle très
dangereux dans la « vente », « revente » des
terres aux individus « innocents ». Nous estimons que le
manque d'une stratégie sérieuse permettant une attribution, vente
des terres est la cause directe des différends fonciers au Tchad.
A cet effet, la nécessité de mettre sur pied une
législation foncière bien garnie prenant en compte les aspects
socioéconomiques du pays ; politique et environnement s'impose comme une
porte de sortie des « casse têtes fonciers » au Tchad. Selon
BOAMAH, vice-président principal de la Banque Africain de
Développement, 15% des problèmes liés aux terres sont
causés par les chefs assurant la gestion. De même, il ajoute que,
« la corruption qu'alimentent ces derniers au quotidien avec les
acquéreurs des terres qu'en milieu rural qu'urbain en Afrique
subsaharienne ».
2. Adopter un document harmonise d'acquisition des
terres
Les litiges fonciers au regard de leurs ampleurs dans le
premier arrondissement de la ville de N'Djaména, interpellent tous les
acteurs quel que soit leur statut social, et matrimonial. Aussi, les
différentes logiques de vente et de gestion des terres au Tchad
105
diffèrent selon les us, et coutumes de chaque
région. Certains individus se réfèrent à leurs
ancêtres pour réclamer les terres (les autochtones arabes de
Djougoulié, Abcoma, Zaraf, Gilmey), Kotoko et Borno de Milezi, etc.
C'est ce qui fait qu'il y a autant des contradictions dans la gestion des
terres au Tchad. Il n'existe pas jusque-là un document harmonisé
de vente des terres urbaines que rurales. D'où la
nécessité de mettre sur pied un document harmonisé
permettant l'acquisition des terres de la même manière au Tchad
quel que soient les régions.
Nous estimons que ledit document qui contiendra toutes les
données cadastrales en rapport aux lotissements ; aux tracés des
rues ; à la restructuration des ilots d'une manière officielle.
Ce document permettra aussi au gouvernement d'identifier tous les litiges
fonciers existants au Tchad, les terres ayant déjà un titre de
propriété provisoire ou définitif. Car depuis la loi du 27
juillet 1967, aucun autre document officiel ne permet aux individus de se
référer d'une manière légale. Aussi, la loi
foncière de 1967 définie tout simplement les différents
domaines fonciers existant et met l'emphase sur le pouvoir de l'Etat en tant
que garant de toutes les terres au Tchad. Or, la loi n° 23 reconnait le
droit coutumier, elle précise cependant dans son article 7 que les
« terres vacantes et sans maîtres appartiennent à
l'Etat173. »
A cet effet, comment pourrions-nous comprendre cette
complexité de ce droit positif qui, reconnait d'une part le rôle
des autorités coutumières dans la gestion des terres au Tchad,
mais concrètement ne le reconnait pas. Les terres des individus
considérées par l'Etat comme « vacantes et sans
maîtres » en réalité ne corrobore pas avec nos
réalités. Les terres en Afrique en général et au
Tchad en particulier sont mise en valeur par les activités quotidiennes
des acteurs. Ces mises en valeurs varient d'une personne à une autre,
d'une tribu à une autre, d'une zone à une autre, etc. C'est ainsi
que les experts de Land Cam apportent une lumière sur les
différends fonciers en ce terme : « Nous proposons que ces
mécanismes de règlement amiable des différends fonciers,
préalable à la saisine du juge, soient mis en place, pour offrir
une justice de proximité, appuyée sur les mécanismes
étatiques. »174
3. Réaménager le CATZU et réouvrir
l'OFT
La commission d'Attribution des Terres en Zones Urbaines selon
plusieurs informateurs n'accompagne pas tous les acteurs dans le processus
d'acquisition des terres au Tchad. Les membres de cette commission (les maires
; les délégués ; les ministres en charge de la question
foncière) usurpent de leur titre pour se « faire de gombo
» dans le dos des
173 MAHAMAT A.B, idem p.74
174 Land Cam, idem, p.8
106
personnes vulnérables. Or, l'objectif premier du
gouvernement tchadien était de lutter contre les
inégalités dans l'acquisition des terres, mais le CATZU vient
faire une sorte de malhonnêteté en attribuant les terres aux gens
ayant des poches bien garnis. A cet effet, la nécessité de
réaménager cette commission s'imposer dans la mesure où
l'actuelle commission est dans une mouvante capitaliste, négligeant les
prolétaires au profit des bourgeois.
Aussi, selon le CATZU, les individus acquièrent les
terres dans le milieu urbain tchadien en déposant une copie de la
pièce d'identité et adresser une demande au directeur
général dudit secteur, or pour la plupart les demandent
déposées par les demandeurs des terres n'aboutissement pas. Il
faut forcément avoir une « relation sûre » au service du
cadastre pour espérer avoir une parcelle de terre. L'objectif de cette
commission sembler passer de côté et créant ainsi une
injustice dans l'attribution des terres. Une telle posture devrait selon nous,
interpeller les décideurs publics qui ont la charge de régler les
conflits liés à la terre. Malheureusement, les décideurs
publics en tant que « bons bureaucrates » ne contentent de
leurs bureaux en laissant de côté les réalités
sociales présentes sur le terrain.
De plus, le fait que, le CATZU ne dispose pas une liste
exhaustive des terres non occupées constitue un risque majeur dans les
futures attributions des terres et, c'est ce qui explique la double attribution
des terres aux demandeurs. Or, si le CATZU disposait d'une base de
données foncière (BDF) unique, il devrait repartir les terres
équitablement aux demandeurs quel que soit leur statut social,
politique, religion. Les inégalités dans la gestion des terres
par le CATZU causent des frustrations et constituent un épicentre de
l'insécurité au Tchad.
De même, vu la prépondérance des litiges
fonciers au Tchad en général et dans le premier arrondissement de
la ville de N'Djaména en particulier, nous estimons qu'il serait
préférable de ré-ouvrir l'OFT afin de mieux cerner ces
fléaux. Au regard des objectifs fixés par cet organe, le foncier
devrait être appréhendé dans sa globalité par tous
les acteurs sociaux. L'un des objectifs visés par cet organe
était d'enseigner les acteurs impliqués dans la gestion
foncière à travers les cours théoriques et aussi pratiques
dans les universités, les télévisions et les radios. A
notre avis, cette vision semble être une option porteuse dans la mesure
où elle implique les acteurs concernés dans la gestion
foncière.
107
Tableau 6: Appréciations des
enquêtés de la gestion foncière
Nature d'appréciation
|
Effectif
|
Total ?
|
Satisfaisant
|
10
|
100
|
Pas satisfaisant
|
70
|
Malgré nous
|
20
|
Source : enquête de terrain, octobre
2021
Graphique 2: Appréciations des
enquêtés de la gestion foncière
![](Les-boulamat-et-les-conflits-fonciers-en-milieu-urbain-tchadien-cas-du-premier-arrondissement-de-la13.png)
70
60
50
40
30
20
10
0
Satisfaisant
pas
satisfaisant malgré nous
Source : enquête de terrain, octobre
2021
Il se dégage de ce graphique que les individus sont
insatisfaits non seulement de la gestion actuelle du foncier dans le premier
arrondissement de la ville de N'Djaména, mais aussi, des textes
fonciers.
De même, il ressort aussi que, les textes fonciers du
Tchad hérités de l'époque coloniale ne cadrent pas avec
les réalités tchadiennes et aussi, ne prennent pas en compte
toutes les aspirations sociales des individus. Par ailleurs, ces textes
protègent les individus instruits au détriment de ceux
illettrés, qui ne maîtrisent pas les enjeux liés à
la sécurisation formelle de leurs terres.
Il semble à cet effet que, la réactualisation,
voir l'adoption des textes dans le contexte tchadien pourrait permettre un
climat foncier apaisé, au regard des tensions sociales
omniprésentes liées au foncier dans presque toutes les
régions du pays.La balance ci-dessous représente une vision
modérée pour une gestion durable des terres.
108
La gouvernance foncière selon TCHAWA sous-tend
plusieurs séquences et prend en compte les questions liées
à :
· administration foncière,
· l'arsenal règlementaire
· aux procédures d'attribution,
· au transfert de propriété,
· la régulation du marché foncier,
· prélèvements des droits,
· de sécurisation,
· des indemnisations,
· de contrôle de l'atteinte à la
propriété foncière
· de gestion des conflits fonciers...
· Comprend aussi les outils cadastraux les
systèmes d'information foncière et domaniale175.
Au regard de son caractère complexe, plusieurs
entités entrent en jeu en vue d'une meilleure administration
foncière. Nous estimons que cette illustration siège avec le cas
du Tchad ou les différentes variables ne sont pas mises en exergue au
point où, seuls les acteurs instruis bénéficient d'une
faveur foncière considérable. De même, il faut organiser
d'une manière équilibrée les terres en faisant une
répartition objective des terres sans se baser sur les « poids
lourds » présents dans l'administration, mais trouver des
stratégies pouvant permettre de mieux cerner les conflits fonciers en
Afrique Subsaharienne en général et dans les milieux urbains
tchadiens en particulier.
A cet effet, il faut que la nouvelle commission d'attribution
des terres en zones urbaines, du moins celle réaménagée
assure une planification spatiale afin de connaitre les terres occupées
et/ou les terres libres. TCHAWA nous propose aussi cette vision de
structuration équilibrée des espaces en Afrique qui prendra en
compte le volet juridique,
175 TCHAWA P. (2021). « Séminaire
Méthodologique en Ligne et en Présentiel pour Chercheurs Juniors
Travaillant sur LE Foncier ». Optimisation de la qualité de la
recherche et de l'offre de formation sur le foncier en Afrique Centrale :
Acquis, défis et perspectives, Yaoundé, 6 & 7 Avril 2021,
Réseau NELGA Afrique Centrale, p.27
109
économique, politique, culturel, etc. Ainsi, la
planification des terres s'articule selon lui
comme suit :
La planification spatiale :
objectif principal :
· une affectation équilibrée et
· cohérente des terres
· dans leurs dimensions
· écologiques, économiques,
· Sociales et culturelles.
· Ceci dans le respect des
· articulations scalaires
· territoriales et au
· regard des engagements
· Internationaux et aux enjeux
Transnationaux.176
|