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Les boulamat et les conflits fonciers en milieu urbain tchadien: cas du premier arrondissement de la ville de N'Djaména


par Lawane LOGAM
Université de Yaoundé 1 - Master en sociologie 2022
  

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CONCLUSION PARTIELLE

Le foncier dans le premier arrondissement de la ville de N'Djaména a eu plusieurs conséquences. Ces conséquences étaient sur plusieurs plans (économiques, politiques, sociaux et culturels). Les différentes luttes autour des terres urbaines ont entrainés les pertes en vies humaines, les destructions des maisons et la distorsion des tissus sociaux entre les individus. Désormais, chacun acquiert ses terres sans compter sur les autres et les modalités liées au processus d'acquisition des terres ont changés.

158 MFEWOU A. (2010). Migrations, Dynamiques Agricoles et problèmes fonciers dans le Nord-Cameroun : le périmètre irrigué de Lagdo, Paris, L'Harmattan, p.162

159 MAHAMAT A.B. (2013). « Extension urbaine et problèmes fonciers dans les quartiers périphériques de la ville de N'Djaména : le cas du quartier Toukra, Mémoire de master en géographie, option géographie et développement du territoire, Université de Maroua, p.59

CHAPITRE IV: INSTANCES D'ARBITRAGES DES LITIGES
FONCIERS ET PERSPECTIVES DES RESOLUTIONS DES
DIFFERENDS FONCIERS DANS LE PREMIER ARRONDISSEMENT
DE LA VILLE DE N'DJAMENA

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INTRODUCTION PARTIELLE

Le présent chapitre met en exergue les différentes instances d'arbitrages des litiges fonciers dans le premier arrondissement de N'Djaména. Plus concrètement, les lieux, les acteurs qui jouent un rôle particulier dans la résolution des différends fonciers. Les instances d'arbitrages reconnues sont : les instances interpersonnelles, les instances extra-personnelles et les instances juridiques. Les conflits fonciers avant d'atteindre les instances supérieures (la justice) sont tranchés d'abord entre les individus à la muable et aussi devant les Boulamat. Les conflits qui arrivent en justice sont pour la plus part les conflits liés à la perte en vies humaines et/ou à la destruction importante du bien matériel.

I. LES INSTANCES NON ETATIQUES D'ARBITRAGES DES LITIGES

Les litiges fonciers sont liés à plusieurs facteurs lesquels nécessitent une réflexion un peu poussée pour une perspective durable de la résolution desdits litiges. A cet effet, au vue de la complexité du « fait foncier » dans le premier arrondissement et aussi, pour souci de mieux cerner les contours de ce fait, l'apport de chaque acteur semble être une option sérieuse, voir judicieuse. C'est dans cette optique que plusieurs acteurs en fonction de leurs propres expériences arbitrent les litiges fonciers au quotidien. D'abord, les chefs et les individus impliqués entre-deux, ensuite les chefs gérants et les juridictions compétentes.

1. Les résolutions à l'amiable

Les litiges fonciers observés dans le premier arrondissement de N'Djaména font intervenir plusieurs acteurs dans le processus de résolution des litiges. Le plus souvent, les problèmes surviennent dans le déplacement des bornes qui séparent les voisins. A cet effet, ils essaient de trouver un terrain d'entente à leur niveau. Généralement, les différents acteurs impliqués dans les problèmes en rapport au déplacement des bornes convoquent une rencontre pour pouvoir définir clairement les places des bornes. Cet acte se fait à la présence de tous les voisins, des Boulamat, des délégués auprès de la commune.

Aussi, il faut noter que, cette instance favorise les acteurs influents et ceux qui ont vde un capital relationnel solide. Ces derniers violent les plus souvent les clauses de la résolution des litiges qui les opposent aux autres. Ils se réfèrent toujours là où ils gagneront les procès. De plus, certains individus sur la base de leur capital financier minimisent la résolution des litiges fonciers à la muable entre eux voisins-voisins. Ils estiment gagner le procès comme la plupart de cas, ceux qui ont une position sociale élevée sont à l'aise même en justice par

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rapport aux couches sociales les plus vulnérables.160 C'est dans cette perspective que monsieur Tessem Nasrangar habitant du quartier Farcha donne son avis en ces termes :

Kay les résolutions des problèmes des terres ici, ça ne vaut plus la peine f...] ; les citoyens ne sont jamais égaux devant la loi, depuis plusieurs années, j'ai été déguerpi par un groupe de personne me disant que mon terrain était la réserve de l'Etat f...], hum way, ce sont les intouchables qui ont les privilèges dans ce pays. Leurs terrains sont bien lotis f...] nous d'autres les accompagnons seulement. Si Dieu est là, qu'Il nous écoute au moins. 161

En prenant en compte ces réactions, nous pouvons dire que l'injustice dans la gestion des litiges fonciers semble être un fait réel. Car plusieurs autres acteurs soutiennent les mêmes idées et demandent un arbitrage sérieux des litiges fonciers dans leur circonscription administrative. Ils déplorent aussi le fait que, depuis plusieurs décennies ils sont laissés à leur compte. Par contre, ceux qui ont des « relations » avec les mairies ; les agents du cadastre ; les ministres ont les « marteaux en fer » pour caser leurs têtes. D'autres ajoutent que le manque d'un arbitrage sérieux des litiges fonciers a poussé certains d'entre eux soit de retourner dans leurs villages d'origines et d'autres vers le Cameroun, notamment dans la ville voisine Kousseri où ils s'estiment très heureux.

Par ailleurs, certains individus affirment que le fait que les clauses issues des résolutions des litiges fonciers entre les différents acteurs ne sont pas formelles, alimentent davantage les litiges. Car selon eux, juste quelques jours ou quelques mois après les résolutions des litiges fonciers entre les acteurs, certains reviennent sur les décisions et redemandent une nouvelle assise pour l'arbitrage des litiges les opposant aux autres. Or, pendant les premières résolutions, ils se sont accordés sur certains faits relatifs à leurs problèmes. Au cas où les autres acteurs n'acceptent pas siéger pour une énième fois, ils entreprennent des voies illégales, voir mystiques pour se faire « justice eux-mêmes » ; alors que la justice demeure la plus haute et dernière instance pour la résolution de tous les problèmes que les individus rencontrent au Tchad, y compris les litiges fonciers. C'est ce qui fait dire à monsieur TAHIR HASSABALLAH que :

les tchadiens f...] ; ils n'acceptent pas qu'ils ont perdu un procès ou qu'ils ont tort quelque part. Sinon, comment peut-on expliquer le fait qu'un problème résolu revient encore juste quelques semaines après ? Je me demande f...] ; vraiment, est-ce que les gens mourront avec les terres. J'ai trouvé des ossements enterrés dans mon terrain, je me confis à Allah. Qui est parti au ciel avec les terres ? Les Tchadiens

160 Entretien avec monsieur Mahamat Zène en Octobre 2020 à Amsinéné.

161 Entretien avec monsieur Tessem Nasrangar en Octobre 2020 à Farcha.

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doivent apprendre à respecter leurs décisions. Le respect des différentes décisions entreprises fera de nous un maillon central dans la construction de la partie. Sinon, c'est de l'anarchie organisée [...]. 162

Nous pouvons dire au regard des tendances que l'arbitrage biaisé des litiges fonciers a des conséquences considérables sur la vie des acteurs impliqués dans lesdits litiges. Le problème nait souvent dans le non-respect des pactes issues des certaines assises que les acteurs eux-mêmes ont convoqués. Le véritable problème ici est le manque des auxiliaires permettant le transfert des litiges très complexes au niveau du tribunal des grandes instances pour un meilleur arbitrage. Aussi, l'aspect informel des signatures des pactes entre les individus impliqués dans les litiges fonciers dans le premier arrondissement. Le mieux serait selon nous, la signature par « devant les notaires » des clauses entre eux. Sinon, les problèmes surviendront toujours. C'est ainsi qu'une informatrice ajoute :

les résolutions des problèmes des terrains doivent se faire à la présence de tous les acteurs concernés et aussi, à la présence de tous les voisins. Car certains voisins alimentent souvent les problèmes après le départ de l'un ou l'autre victime. Il faut que les décisions prises soit respectées par tous les acteurs afin d'éviter les fractures sociales liées à la terre. Nous devons être les gens de parole [...]. 163

Partant de cette logique, il est évident que, les litiges fonciers quel que soit leurs causes, doivent être mise en surface à la présence de tous les acteurs concernés afin d'envisager des perspectives durables qui, pourrons éviter la distorsion du tissu social. Déjà, les citoyens tchadiens déchirés par les différentes tensions politico-militaires ne se voient pas prêt à sombrer dans d'autres tensions.

A cet effet, le contrôle de la gestion des terres au Tchad doit être une priorité du gouvernement tchadien. Car, plus de 80% des problèmes que les juges tranchent au tribunal ont trait aux fonciers et, ces problèmes perdurent depuis toujours entre les différentes couches sociales qui constituent le Tchad. C'est ainsi que le 10 décembre dernier la famille de l'ex première dame du Tchad HINDA DEBY ITNO a été chassé par la famille d'un colonel assassiné à cause des parcelles de terres. La famille du colonel en voulant faire elle-même la justice a attaqué la famille de HINDA DEBY ITNO.164 Les litiges fonciers négligés semblent se consolider pour donner « un noyau dur » entrainant ainsi une tension sociale grave. Les conflits éleveurs agriculteurs, éleveurs-éleveurs, agriculteurs-agriculteurs, pêcheurs-pêcheurs sont récurrent et attestent la présence du danger à craindre, « les litiges fonciers » qui,

162 Entretien avec monsieur TAHIR HASSABALLAH en septembre 2O2O à Zaraf

163 Entretien avec une informatrice à Djougoulié

164 RADIO FM LIBERTE, 10 décembre 2021, « Journal de 19H »

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« négligés », « mal tranchés », « ignorés » constituent une source permanente de l'insécurité dans le milieu urbain.165

2. Les instances extra-personnelles

Les instances de résolution des litiges fonciers comme il est démontré sont multiples et varient d'un lieu à un autre et d'une personne à une autre. C'est ainsi que les individus impliqués dans les litiges fonciers entreprennent des perspectives qui le permettent de mieux envisager des solutions en rapport aux litiges fonciers observés dans les milieux urbains tchadiens en général, et dans le premier arrondissement de N'Djaména en particulier. Les instances extra-personnelles renvoient ici à la résolution des litiges fonciers impliquant plusieurs individus, mais qui font appel à d'autres personnes pour arbitrer les litiges auxquels ils sont confrontés. A ce niveau, plusieurs acteurs interviennent dans la médiation des litiges fonciers dans le premier arrondissement de N'Djaména.

Ainsi, « certains individus non satisfaits des résolutions des litiges fonciers dans leur circonscription administrative décident de faire recours vers autres acteurs pour espérer une solution plus adéquate ». A cet effet, la résolution des litiges fonciers devient complexe dans la mesure où chaque individu se réfère à un réseau relationnel pour trouver une satisfaction lors des résolutions des différends fonciers. C'est dans ce sens que certains individus sur la base de leurs « réseaux » parviennent à marginaliser les autres individus en usant leurs relations familiales pour gagner les procès. C'est ce qui explique d'ailleurs la proximité de certains maires, délégués départementaux, les agents du cadastre, les personnes qui travaillent au tribunal des grandes instances. Cette situation est similaire à l'expérience foncière camerounaise décrite par ABDOULAY MFEWOU166 dans le nord.

Dans le premier arrondissement de N'Djaména par contre, nous ne savons qu'exactement si les autorités compétentes prennent en compte les requêtes des individus. La même pratique des résolutions des litiges fonciers par les affinités s'observe dans le premier arrondissement dans le quartier Amsinéné où, un éleveur a été trainé par un général de l'armée. Car les litiges fonciers qu'on observe souvent ont pour épicentre les problèmes des bornages, des tracés des rues, de dégagement des réserves de l'Etat, le maire, le ministre en charge ne descendent jamais sur les terrains pour observer de très peu l'ampleur du problème. Ils attendent pour la plupart les rapports effectués par leurs délégués.167

165 Entretien avec un administrateur civil à Madjorio

166 MFEWOU, idem, p.162

167 Entretien avec Monsieur Mahamat Issa à Gilmey en Octobre 2020

168 MFEWOU, ibidem

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Aussi, l'arbitrage biaisé des litiges engendrent de nombreux dégâts. C'est ainsi que, MFEWOU estime que,

la gestion impartiale des litiges fonciers par les autorités compétentes en charge affecte durablement les acteurs lésés à leur triste sort et, lesquels espèrent une réparation de leurs problèmes par tous les moyens disponibles. Cette « injustice étatique » dans la gestion impartiale des litiges fonciers crée un climat de méfiance entre les acteurs et accentue l'aspect relationnel dans les juridictions tchadiennes.168

Ainsi, l'acteur qui n'a pas un appui des « gros poissons » ne peut espérer des résultats fiables suites aux différents différends qui les opposent aux autres. L'injustice dans les résolutions des litiges fonciers occasionnent des désordres urbains et des très grands actes des violences liées aux terres.

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