3. Les Conséquences économiques
Les litiges fonciers comme le démontre les avis des
enquêtés nous ont des énormes conséquences dans la
vie des individus dans le premier arrondissement de la ville de
N'Djaména ; notamment les conséquences économiques. Selon
plusieurs informateurs interrogés au quartier Farcha, Zaraf, Madjorio,
Djougoulié, Amsinéné, Guinebor, etc. « les
activités économiques sont mises aux arrêts suite aux
différends fonciers ». De plus, monsieur MAHAMAT NOUR affirme
que, « ses boutiques ont été calcinées par ses
adversaires pendant la nuit et a causé une perte considérable en
termes d'argent ». D'autres informateurs disent « qu'ils ont
investies leurs capitaux dans les procès en rapport aux
différends fonciers qui, jusque-là n'ont pas aboutis à une
véritable réparation sociale et économique ».
L'un des victimes de l'incendie déclare en ce terme :
j'ai investis plus de cinq millions dans ma quincaillerie
contenant les matériaux de construction au quartier Guinebor ; mais
après une confrontation avec un groupe de personne sur mes terres ; j'ai
été attaqué la nuit où j'ai perdu ma boutique.
Vraiment les problèmes de terrain m'ont mis hors de moi. Maintenant je
me retrouve sans argent et sans terres. 156
155 Entretien avec monsieur DOLENGAR en septembre 2020 à
Farcha.
156 Entretien avec un monsieur à Guinebor en octobre
2020
93
Il se dégage ici clairement que, les différentes
crises causées par les litiges fonciers. Lesquelles ont affectées
d'une manière ou d'une autre non seulement le vivre-ensemble dans le
premier arrondissement de la ville de N'Djaména, mais aussi leurs
activités économiques à travers le transfert des fonds
destinés aux commerces pour la résolution des différends
fonciers et aussi, lorsque les individus insatisfaits de l'arbitrage des
litiges fonciers décident de faire eux-mêmes justices en
brûlant les boutiques des autres.
De même, la recrudescence des conflits ne favorise pas
le développement dans le premier arrondissement, car pour réussir
à implémenter une entreprise ou un projet, les investisseurs ont
besoin d'un environnement favorable à l'éclosion de leurs
activités. Aussi, l'absence de la société tchadienne
d'eau, d'électricité dans les quartiers tels que:
Djougoulié, Madaga, Zaraf, Boutal-Wali, Abcoma, Gilmey s'explique par le
manque des routes et aussi, le manque d'une politique urbaine
concrète.
4. Les conséquences politiques
Les litiges fonciers qu'ils soient en milieu urbain ou rural a
des énormes conséquences sur la vie des acteurs impliqués
dans le processus de l'acquisition des terres ; de la vente, etc. Ainsi, tout
rapport avec les autres individus impacte durablement la manière de
penser ; d'agir ; de sentir des autres. Ainsi, les rapports entre les acteurs
ont changé en fonction des relations que les uns les autres
entretiennent avec les agents de l'Etat des « grandes calibres » en
occurrence les ministres ; les gouverneurs ; les préfets ; les
sous-préfets ; les maires ; les délégués ; les
agents du cadastre ; les Boulamat. Désormais, tout se joue sur le
capital politique et relationnel. Les individus victimes des litiges fonciers
et qui n'ont pas une position stratégique importante sont
lésés à leurs tristes sortes. Les problèmes des
terres pour les résoudre, il faut forcément avoir une «
grande main » derrière ses dossiers. C'est ainsi qu'un informateur
affirme en ce terme :
maintenant que faut-il encore espérer dans ce
contexte où ceux qui n'ont pas des relations solides n'ont jamais eu des
gains de causes de leurs problèmes de terres. A mon avis, pourquoi
l'Etat n'assure pas le suivi de toutes les activités foncières.
Certaines victimes attendent la bonne foi de la justice peut être un jour
où Dieu touchera leurs coeurs. Nous sommes pauvres ; c'est pourquoi nous
perdons nos terres. 157
157 Entretien avec un informateur à Madjorio en septembre
2021
94
S'il faut bien voir, l'aspect politique est lié
à l'aspect financier selon le propos de cet informateur. En d'autres
termes, les individus qui ont un statut social élevé,
bénéficient de la faveur de la part des agents de l'Etat de la
gestion des litiges fonciers observés.
Cependant, dans la constitution tchadienne, tous les individus
sont égaux. Cette inadéquation entre ce qui est écrit et
ce qui est fait cause des multiples confusions, sinon serait la cause des
différents litiges fonciers dans le premier arrondissement de la ville
de N'Djaména. Le mieux ne serait-il pas un arbitrage correct. Cette
manière de trancher les litiges a fait l'objet d'un soulèvement
au nord Cameroun dans les conflits opposant le SAIB aux migrants Toupouri,
Moundang, Moussey. MFEWOU l'analysé et a montré comment les
réseaux relationnels dans le circuit foncier peuvent être les
causes de nombreux conflits fonciers dans le nord Cameroun.
De même, les Toupouri pour résoudre leurs
problèmes, ne font appel qu'aux hauts cadres Toupouri ; les Moundang et
les Moussey le font aussi. Sommes-nous dans une situation où, ceux qui
ont des relations ont les « pouvoirs ». Sinon, pourquoi ces
réseaux autour de la question foncière.158 Aussi, le
pouvoir des chefs gérants (Boulamat) est réduit au néant,
car suivant les degrés des conflits, la gendarmerie ; la police
intervient pour embarquer les acteurs impliqués dans lesdits conflits. A
ce niveau, les Boulamat sont simplement écartés du circuit des
gestions des litiges. Les litiges meurtriers interfèrent l'arbitrage de
la justice. Or, avant les années 70, les Boulamat étaient des
chefs traditionnels et les chefs des terres. De nos jours avec leurs
marchandages au tour des terres urbaines, ils tendent à perdre leur
légitimité aux yeux des habitants des zones urbaines que
rurales.159
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