2. Les conséquences culturelles
Les litiges fonciers n'ont seulement des conséquences
sociales, mais aussi culturelles. Les individus victimes se méfient
désormais les uns des autres et chacun se réfèrent
désormais à un réseau relationnel dans lequel il estime
tirer profit. La culture individualiste gagne peu à peu le terrain suite
au manque des terres pour les pratiques des activités économiques
et aussi pour un abri durable. Certains individus meurent sans laisser
même une petite parcelle à leurs progénitures, à
cause du temps difficile. Nous voyons ici la naissance des logiques
égoïstes qui ne sont pas dans le passé propre aux habitants
du Tchad en général et du premier arrondissement de la ville de
N'Djaména en particulier. On perçoit désormais une sorte
d'hypocrisie dans les relations quotidiennes. Les agents de renseignement
mettent de plus en plus aussi la peur dans le coeur des victimes, car les
litiges ayant opposé certains individus à la famille
présidentielle sont restés sans suite.
152 Entretien avec un retraité de la société
sucrière du Tchad à Madjorio en novembre 2020
91
Désormais, chaque individu se cherche et cherche
à se positionner dans la société. Nous constatons
l'existence de ce que le philosophe camerounais MONO DJANA Hubert qualifie du
« mapartisme ». Dans le cas du premier arrondissement
actuel, c'est du « mapartisme extrême ». C'est ainsi
qu'un informateur affirme en ce terme :
Maintenant là, chacun pour soi f...] ; mes parents
ne m'ont rien laissés comme terres ; or avant dans nos cultures, les
parents doivent préparer tous à leurs enfants même le
foyer. Mais depuis lors, on voit que chaque individu se contente de son ventre
sans regarder le demain de ses enfants. Les familles qui se prêtaient les
terres avant pour les travaux champêtres ne le font plus de nos jours.
Les oncles qui ont assez des terres se méfient des autres de peur de
perdre leurs terres. Les idées étrangères ont gagné
le coeur de nos parents de maintenant. Tout c'est à cause des
problèmes des terres. On a plus le choix dans ce pays f...] ; on ne sait
jamais si les choses reviendront un jour à la normale. 153
Les litiges fonciers qu'ils soient dans le milieu rural
qu'urbain impacte considérablement les us et coutumes locales. La
confrontation de deux logiques différentes ne se fait pas sans heurte.
C'est ainsi qu'il y a soit un emprunt d'autres manières de voir les
choses n'ayant aucun rapport causal avec les valeurs locales et aussi, soit
modifier totalement les valeurs existantes. On parlera ici de la «
dominance culturelle » qu'on constate dans le premier arrondissement de la
ville de N'Djaména à travers les manières de penser ;
d'agir ; de sentir et même de vendre les terres urbaines.
Désormais, les individus agissent en fonction du réseau
relationnel et du gain. Tous les actes sont dès lors calculés par
les individus qui ne font plus confiance aux autres.
Par ailleurs, avec la prépondérance des litiges
fonciers dans le premier arrondissement de la ville de N'Djaména, les
complications que les individus rencontrent au quotidien sur la gestion des
terres, confier ses terres à quelqu'un devient très difficile.
Les individus se méfient de plus en plus des autres et les rancunes
naissent dans les quartiers du premier arrondissent. Plusieurs informateurs
interrogés partagent largement l'idée selon laquelle les litiges
fonciers ont engendré la distorsion du tissu social et le basculement
des cultures locales vers des cultures étrangères qui nous
rendent la vie très difficile à habiter. Habiter désormais
dans cet arrondissement devient un luxe. Ce point de vue se rapproche de celui
d'ELA qui estime aussi que : « habiter en ville en Afrique de nos jours
est une promotion ».154 Ainsi, monsieur DOLENGAR affirme ceci
:
153 Entretien avec un patriarche au quartier Milezi en septembre
2020
154 ELA J.M. (1982).La ville en Afrique noire, Paris,
Karthala ;
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[...] ; les problèmes des terrains
perpétués ont fait que chacun se méfie de l'autre. Depuis
quelques années déjà, personne ne confie ses portions des
terres à un ami ou à un frère, même de sang.
L'affaire ci devient de plus en plus très compliquée. Avant, on
pouvait exercer sur les terres d'autrui les activités économiques
et agricoles, mais de nos jours c'est très difficile de travailler sur
les terres des autres. L'individualisme gagne le terrain. 155
Les litiges fonciers selon monsieur GABDOU, «
sous-estimés », « négligés », «
banalisés » par les autorités compétentes qui
gèrent les terres a des conséquences considérables sur les
cultures locales. D'autres estiment aussi que, « avant vers les
années 1975, on pourra très facilement donner aux
étrangers les terres pour habitation gratuitement dans le premier
arrondissement ; mais le fait que les terres données aux
étrangers devenaient dans les long terme leurs propres
propriétés ». C'est ce qui éclatait souvent des
vifs conflits entres les autochtones et les allogènes dans le premier
arrondissement de la ville de N'Djaména. Ainsi, les litiges fonciers ont
eu autres conséquences sur la vie des acteurs dans le premier
arrondissement de la ville de N'Djaména. Nous avons les
conséquences économiques.
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