2. Décentralisation foncière
L'Etat est considéré comme le garant de toutes
les terres urbaines au Tchad. A cet effet, il a mis sur pieds plusieurs organes
pour une structuration des terres dans le milieu urbain et rural tchadien.
Ainsi, les répartitions des responsabilités se déclinent
à plusieurs niveaux administratifs.
- Inspection régionale du cadastre
L'inspection régionale du cadastre est chargée de
:
· L'établissement et la conservation des
documents cadastraux (plans, graphiques, matrices, état de cession des
plans parcellaires) ;
· L'identification et le recensement des
propriétés en vue de la définition de l'impôt
foncier ;
· L'exécution de bornages relatifs aux
réquisitions d'immatriculations ;
· Etude de la production, de l'exploitation de tous les
documents cadastraux relatifs à la propriété
foncière ;
· L'implantation des lotissements nouveaux ;
· L'identification des parcelles sur la base des listes
transmises par la commission d'attribution des terres en zone urbaine ;
· L'enrôlement des attributaires en
première option.
- Inspection Régionale des Domaines, de
l'Enregistrement, des Timbres de l'Hypothèque et de la Conservation
Foncière
Cette section est sous la tutelle du Ministère des
finances et du budget. Sa principale tâche consiste à gérer
tous les biens en rapports aux terres dans sa circonscription administrative.
Il faut dire que le maire de chaque commune est d'office membre de la
Commission d'Attribution de Terres en Zones Urbaines (CATZU). La gestion des
terres se
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fait de deux manières : soit par location, soit par
affection. Ce service est subdivisé en plusieurs autres sous-sections
qui sont : le service des affaires domaniales, le service du foncier et de la
curatelle, le service de recettes, de la comptabilité et du timbre, le
service des études du personnel et du matériel. Ce service se
donne pour principale mission l'exécution de la politique fiscale et
domaniale de l'Etat en tant qu'acteur principal dans la gestion des terres
rurales qu'urbaines au Tchad.
Aussi, son champ d'application recouvre toutes les
transactions urbaines en rapport au foncier et aussi, le montage des dossiers
et le recouvrement des coûts des attributions que lui apporte le cadastre
de même que les frais relatifs aux ventes des terres
urbaines.66
? Institutions judiciaires de la place
Généralement, le processus de
décentralisation semble être effectif au Tchad. C'est ainsi que
les institutions judiciaires de la place sont constituées du Tribunal de
Première Instance (TPI) et de la Cour d'Appel (CA). Les principales
missions de ces institutions judiciaires consistent à arbitrer les
litiges fonciers dans leurs circonscriptions administratives. Ainsi, tous les
problèmes liés à l'immatriculation et aux multiples ventes
; à l'approbation d'un plan d'urbanisme de la ville relève de
leurs domaines de compétence. Ils font parties de la commission
d'urbanisme locale à côté d'autres services techniques
gérants les affaires foncières et de la mairie de
l'arrondissement concerné.
? Commune
Conformément aux dispositions du décret n°
1347/PR/PM/2011 du 17 novembre 2011, la commune assure le secrétariat de
la Commission d'Attribution des Terres en Zones Urbaines. A cet effet, elle est
appelée à répertorier toutes les terres
sécurisées et celles n'ayant jamais été
sécurisées par les acteurs, les terres issues du domaine public
national, les terres du domaine privé, les zones marécageuses,
les forêts, les parcs. Ainsi, en cas des litiges fonciers, la commune
conjugue ses efforts aux côtés des autorités
compétentes chargées de la question
foncière.67
Les institutions citées ci-haut sont impliquées
légitiment dans la gestion de la question foncière. Leur
légitimité se trouve dans le droit positif tchadien adopté
en juillet 1967, notamment dans ses articles n°23 portant statut des biens
dominicaux, n° 24 sur le régime de la propriété
foncière, des droits coutumiers et la loi n° 25 du 22 juillet 1967
portant sur la
66 MAHAMAT A.B. (2013). « Extension urbaine et
problèmes fonciers dans les quartiers périphériques de la
ville de N'Djaména : le cas du quartier Toukra », Mémoire de
master en géographie, Université de Maroua, p.64
67 Entretien avec le délégué
provincial de la ville de N'Djaména en septembre 2021
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limitation des droits fonciers ainsi que leurs décrets
d'application respectivement : n°186,187, et 188 du 1er
août 1967. Vu la complexité de la question foncière au
Tchad, le président de la république a complété,
notamment avec les lois n° 004/PR/2008 portant principes
généraux à appliquer en matière de construction, la
loi n° 006/PR/PM/2008 portant principes fondamentaux en matière
d'urbanisme sans oublier les lois statuant sur la décentralisation de la
gestion des terres au Tchad de l'année 2002.68
De même, le gouvernement tchadien sur la base des
documents légaux a une stratégie d'acquisition des terres qui le
permet d'attribuer les terres à toute personne morale ou physique pour
des éventuelles activités économiques. C'est d'ailleurs
pour cette raison que, l'Etat entreprend les constructions de plusieurs
infrastructures militaires (Groupement d'Ecoles Militaires Interarmées,
le camp d'Amsinéné, etc. Sanitaires (centre de santé de
Madjorio, de Djougoulié, d'Ardeptiman, de Zaraf, éducatives
(Lycée Al-Imane, Lycée Ibrahim Mahamat Itno ; Lycée
Moderne de Guinebor, Lycée Moderne de Djougoulié,
Ecole/Lycée Sultan Kasser, Ecole/Collège Pilote de Farcha, etc.)
occupant des vastes espaces des terres dans le premier arrondissement de
N'Djaména.69
En effet, la diffusion progressive du système
capitaliste dans les campagnes et son introduction sur des nouveaux lieux de
production est également le fait marquant de ces vingt dernières
années. Phénomène urbain et côtier durant la
période coloniale, le capitalisme se généralise et affecte
les comportements des acteurs selon une logique mondialiste. Or, dans la mesure
où le processus d'introduction du capitalisme international
dépend principalement de l'administration de l'Etat, qui peut
hâter ou retarder le processus, les déterminations au niveau
national et au niveau international apparaissent fortement
entremêlées. Les interrelations entre les facteurs sont nombreuses
et nous retrouverons certains exemples dans les pages suivantes. Nous acceptons
cependant de les dissocier pour les besoins de l'analyse, en nous fondant sur
une différence dans les modes d'expression de l'accumulation à
l'échelle nationale et à l'échelle
mondiale.70
Tandis qu'à l'échelle internationale
l'intervention s'exprime principalement par les firmes multinationales et par
le discours généralisant des organismes plurinationaux ou
internationaux, à l'échelle nationale l'emprise de l'Etat se
manifeste concrètement par des pratiques observables. Dans le domaine
foncier, la terre apparaît sous le prisme
68 MAHAMAT, Ibidem, p.65
69 Source entretien avec Monsieur Djimet
Boukar
70 LE BRIS, E. et al. (1982).Enjeux fonciers en
Afrique noire, Paris, Karthala, p.26
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développementaliste internationale comme un facteur
positif du progrès économique et social, si elle peut être
mobilisée (car elle n'est pas rare) et libérée des charges
indues, devient, au niveau national, un « casse-tête
», très souvent le problème que doit affronter
l'appareil d'Etat. Le régime foncier devient alors l'obstacle principal
(potentiellement ou réellement) soit au processus de
développement, soit à libre intervention de l'administration. De
là naissent des discussions et des pratiques suffisamment originaux pour
que nous envisagions successivement sans introduire dans notre analyse de
nouvelles clôtures entre les niveaux locaux, nationaux et internationaux
de l'analyse.71
La restriction du champ géographique de la
réflexion n'est pas seulement liée aux limites de nos
compétences, elle ne ressortit pas non plus à une volonté
de dégager à priori une spécificité en
matière foncière. Cette spécificité est un fait
d'expérience. Il suffit pour s'en convaincre de se référer
à contrario aux circonstances dramatiques dans lesquelles se posent les
questions foncières en Amérique latine (opposition entre grands
propriétaires latifundiaires et paysans sans terre). L'Afrique se
distingue également en ce qu'elle ne compte pas (sauf le Nigéria)
de pays aux dimensions d'impérialismes relais (comme le sont l'Inde ou
le Brésil) caractérisés par leur grande taille, la
complexité de leurs économies et de leurs organisations sociales.
Dans ce type de pays, on notera que la problématique foncière
renvoie à l'appréhension du type très particulier de
matrice de l'espace ; l'Etat dans ce cas, en effet, tend à monopoliser
les procédés de contrôle et d'organisation de l'espace et
à différents niveaux qui nous éloignent du foncier stricto
sensu (urbanisation, frontières, voies de communication,
stratégies militaires, etc.).72
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