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Les boulamat et les conflits fonciers en milieu urbain tchadien: cas du premier arrondissement de la ville de N'Djaména


par Lawane LOGAM
Université de Yaoundé 1 - Master en sociologie 2022
  

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2. Décentralisation foncière

L'Etat est considéré comme le garant de toutes les terres urbaines au Tchad. A cet effet, il a mis sur pieds plusieurs organes pour une structuration des terres dans le milieu urbain et rural tchadien. Ainsi, les répartitions des responsabilités se déclinent à plusieurs niveaux administratifs.

- Inspection régionale du cadastre

L'inspection régionale du cadastre est chargée de :

· L'établissement et la conservation des documents cadastraux (plans, graphiques, matrices, état de cession des plans parcellaires) ;

· L'identification et le recensement des propriétés en vue de la définition de l'impôt foncier ;

· L'exécution de bornages relatifs aux réquisitions d'immatriculations ;

· Etude de la production, de l'exploitation de tous les documents cadastraux relatifs à la propriété foncière ;

· L'implantation des lotissements nouveaux ;

· L'identification des parcelles sur la base des listes transmises par la commission d'attribution des terres en zone urbaine ;

· L'enrôlement des attributaires en première option.

- Inspection Régionale des Domaines, de l'Enregistrement, des Timbres de l'Hypothèque et de la Conservation Foncière

Cette section est sous la tutelle du Ministère des finances et du budget. Sa principale tâche consiste à gérer tous les biens en rapports aux terres dans sa circonscription administrative. Il faut dire que le maire de chaque commune est d'office membre de la Commission d'Attribution de Terres en Zones Urbaines (CATZU). La gestion des terres se

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fait de deux manières : soit par location, soit par affection. Ce service est subdivisé en plusieurs autres sous-sections qui sont : le service des affaires domaniales, le service du foncier et de la curatelle, le service de recettes, de la comptabilité et du timbre, le service des études du personnel et du matériel. Ce service se donne pour principale mission l'exécution de la politique fiscale et domaniale de l'Etat en tant qu'acteur principal dans la gestion des terres rurales qu'urbaines au Tchad.

Aussi, son champ d'application recouvre toutes les transactions urbaines en rapport au foncier et aussi, le montage des dossiers et le recouvrement des coûts des attributions que lui apporte le cadastre de même que les frais relatifs aux ventes des terres urbaines.66

? Institutions judiciaires de la place

Généralement, le processus de décentralisation semble être effectif au Tchad. C'est ainsi que les institutions judiciaires de la place sont constituées du Tribunal de Première Instance (TPI) et de la Cour d'Appel (CA). Les principales missions de ces institutions judiciaires consistent à arbitrer les litiges fonciers dans leurs circonscriptions administratives. Ainsi, tous les problèmes liés à l'immatriculation et aux multiples ventes ; à l'approbation d'un plan d'urbanisme de la ville relève de leurs domaines de compétence. Ils font parties de la commission d'urbanisme locale à côté d'autres services techniques gérants les affaires foncières et de la mairie de l'arrondissement concerné.

? Commune

Conformément aux dispositions du décret n° 1347/PR/PM/2011 du 17 novembre 2011, la commune assure le secrétariat de la Commission d'Attribution des Terres en Zones Urbaines. A cet effet, elle est appelée à répertorier toutes les terres sécurisées et celles n'ayant jamais été sécurisées par les acteurs, les terres issues du domaine public national, les terres du domaine privé, les zones marécageuses, les forêts, les parcs. Ainsi, en cas des litiges fonciers, la commune conjugue ses efforts aux côtés des autorités compétentes chargées de la question foncière.67

Les institutions citées ci-haut sont impliquées légitiment dans la gestion de la question foncière. Leur légitimité se trouve dans le droit positif tchadien adopté en juillet 1967, notamment dans ses articles n°23 portant statut des biens dominicaux, n° 24 sur le régime de la propriété foncière, des droits coutumiers et la loi n° 25 du 22 juillet 1967 portant sur la

66 MAHAMAT A.B. (2013). « Extension urbaine et problèmes fonciers dans les quartiers périphériques de la ville de N'Djaména : le cas du quartier Toukra », Mémoire de master en géographie, Université de Maroua, p.64

67 Entretien avec le délégué provincial de la ville de N'Djaména en septembre 2021

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limitation des droits fonciers ainsi que leurs décrets d'application respectivement : n°186,187, et 188 du 1er août 1967. Vu la complexité de la question foncière au Tchad, le président de la république a complété, notamment avec les lois n° 004/PR/2008 portant principes généraux à appliquer en matière de construction, la loi n° 006/PR/PM/2008 portant principes fondamentaux en matière d'urbanisme sans oublier les lois statuant sur la décentralisation de la gestion des terres au Tchad de l'année 2002.68

De même, le gouvernement tchadien sur la base des documents légaux a une stratégie d'acquisition des terres qui le permet d'attribuer les terres à toute personne morale ou physique pour des éventuelles activités économiques. C'est d'ailleurs pour cette raison que, l'Etat entreprend les constructions de plusieurs infrastructures militaires (Groupement d'Ecoles Militaires Interarmées, le camp d'Amsinéné, etc. Sanitaires (centre de santé de Madjorio, de Djougoulié, d'Ardeptiman, de Zaraf, éducatives (Lycée Al-Imane, Lycée Ibrahim Mahamat Itno ; Lycée Moderne de Guinebor, Lycée Moderne de Djougoulié, Ecole/Lycée Sultan Kasser, Ecole/Collège Pilote de Farcha, etc.) occupant des vastes espaces des terres dans le premier arrondissement de N'Djaména.69

En effet, la diffusion progressive du système capitaliste dans les campagnes et son introduction sur des nouveaux lieux de production est également le fait marquant de ces vingt dernières années. Phénomène urbain et côtier durant la période coloniale, le capitalisme se généralise et affecte les comportements des acteurs selon une logique mondialiste. Or, dans la mesure où le processus d'introduction du capitalisme international dépend principalement de l'administration de l'Etat, qui peut hâter ou retarder le processus, les déterminations au niveau national et au niveau international apparaissent fortement entremêlées. Les interrelations entre les facteurs sont nombreuses et nous retrouverons certains exemples dans les pages suivantes. Nous acceptons cependant de les dissocier pour les besoins de l'analyse, en nous fondant sur une différence dans les modes d'expression de l'accumulation à l'échelle nationale et à l'échelle mondiale.70

Tandis qu'à l'échelle internationale l'intervention s'exprime principalement par les firmes multinationales et par le discours généralisant des organismes plurinationaux ou internationaux, à l'échelle nationale l'emprise de l'Etat se manifeste concrètement par des pratiques observables. Dans le domaine foncier, la terre apparaît sous le prisme

68 MAHAMAT, Ibidem, p.65

69 Source entretien avec Monsieur Djimet Boukar

70 LE BRIS, E. et al. (1982).Enjeux fonciers en Afrique noire, Paris, Karthala, p.26

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développementaliste internationale comme un facteur positif du progrès économique et social, si elle peut être mobilisée (car elle n'est pas rare) et libérée des charges indues, devient, au niveau national, un « casse-tête », très souvent le problème que doit affronter l'appareil d'Etat. Le régime foncier devient alors l'obstacle principal (potentiellement ou réellement) soit au processus de développement, soit à libre intervention de l'administration. De là naissent des discussions et des pratiques suffisamment originaux pour que nous envisagions successivement sans introduire dans notre analyse de nouvelles clôtures entre les niveaux locaux, nationaux et internationaux de l'analyse.71

La restriction du champ géographique de la réflexion n'est pas seulement liée aux limites de nos compétences, elle ne ressortit pas non plus à une volonté de dégager à priori une spécificité en matière foncière. Cette spécificité est un fait d'expérience. Il suffit pour s'en convaincre de se référer à contrario aux circonstances dramatiques dans lesquelles se posent les questions foncières en Amérique latine (opposition entre grands propriétaires latifundiaires et paysans sans terre). L'Afrique se distingue également en ce qu'elle ne compte pas (sauf le Nigéria) de pays aux dimensions d'impérialismes relais (comme le sont l'Inde ou le Brésil) caractérisés par leur grande taille, la complexité de leurs économies et de leurs organisations sociales. Dans ce type de pays, on notera que la problématique foncière renvoie à l'appréhension du type très particulier de matrice de l'espace ; l'Etat dans ce cas, en effet, tend à monopoliser les procédés de contrôle et d'organisation de l'espace et à différents niveaux qui nous éloignent du foncier stricto sensu (urbanisation, frontières, voies de communication, stratégies militaires, etc.).72

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