1.1.3 ÉTUDES SUR LE PROTESTANTISME ET LA
COMMUNICATION ORGANISATIONNELLE
L'un des travaux qui m'ont beaucoup intéressé et
que j'ai trouvé très pertinent pour l'analyse de la situation
actuelle de l'étude de la communication organisationnelle est le texte
« La comunicación organizacional en México. Enfoques,
diseños y problemas en su desarrollo», écrit par León
Duarte (2006). Ce texte définit les tendances actuelles et les
antécédents des contributions universitaires à ce domaine
académique. L'auteur s'est concentré sur l'analyse de la
situation actuelle des espaces de base de la communication organisationnelle
dans ce pays latinoaméricain, en commençant par les types, les
conceptions, les problèmes et les changements dans le domaine.
León Duarte met en analyse une compilation d'approches des types, des
conceptions, des problèmes et des changements de la communication
organisationnelle en Amérique latine et plus précisément
au Mexique.
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La vision du travail de León Duarte est centrée
sur l'entreprise/pratique et non sur la recherche académique, quand bien
même, dans sa compilation historique, il fait référence
à divers aspects de nature théorique. Je me permets donc de
présenter ici un bref compte-rendu de l'oeuvre de León Duarte.
En voulant compiler le contexte
théorico-académique de la communication organisationnelle,
León débute par citer Niklas Luhmann (1976 : 17-32) et sa
définition de la structure des organisations qui, dans sa
compréhension, se présente comme une composante du système
social caractérisée par divers éléments dont il
souligne les points suivants :
a) L'union de la motivation et la spécificité
des comportements caractéristiques de l'époque contemporaine, qui
se sont développés depuis la révolution industrielle ;
b) L'augmentation de la complexité de la
société ;
c) La demande croissante de produits et la
monétarisation de l'économie.
Selon Niklas Luhmann, étant donné que « le
système organisationnel fonctionne avec l'offre d'un certain salaire en
échange d'un travail spécialisé, il est effectivement
possible de créer, de planifier et de recréer des organisations.
» (Niklas Luhmann, 1997). La position de Niklas Luhmann est, il faut le
souligner, un point de vue qui ne fait pas l'unanimité parmi les
écoles de management et de communication organisationnelle.
À l'opposé du point de vue de Luhmann, dans son
étude des organisations bureaucratiques, Max Weber (1947) met en
relation ces organisations avec la rationalisation et la sécularisation
de la société occidentale. Même dans ce type
d'organisation, normalement désapprouvé puisque vu comme
bureaucratique, Max Weber voit le contrôle hiérarchique, la
formalisation écrite, la définition du travail et des
responsabilités comme des points positifs. Ceux-ci,
dénotés par Max Weber, sont les bases d'une compréhension
plus profonde de l'organisation et de ce que Léon Duarte appelle «
l'approche traditionaliste ». Du point de vue de cette approche
traditionaliste, il s'agit de l'élaboration de règles, de
processus écrits et de formalisation spécialisée des
tâches et des fonctions.
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Revenant à Léon Duarte, nous comprenons que
« dans les années 1990, l'efficacité organisationnelle
était fonction de la cohérence interne entre les
paramètres de conception et leur conjugaison avec des facteurs
contingents » (León Duarte, 2006). L'auteur explique que par «
paramètres de conception, il entend la formalisation, le système
de planification, la spécialisation du travail, entre autres. Dans le
cas des facteurs contingents, il fait référence à des
questions telles que le système technique, le pouvoir, entre autres.
» (León Duarte, 2006).
Il me semble que l'argument de León Duarte a du sens
quand il est comparé aux institutions religieuses, puisque, certaines
églises, disposant d'un meilleur paramètre de conception, sont
plus préparées que celles qui réalisent des
activités de type amateur ou sans chercher à avoir un travail
spécialisé.
Sur la communication organisationnelle et son étude au
Mexique, Léon Duarte observe un consensus académique et
commercial qui repose sur une nouvelle valorisation au niveau social des
entreprises publiques et privées et de leurs rôles dans la
société mexicaine. En vue d'élaborer un diagnostic
contextuel de la situation de la communication organisationnelle au Mexique,
Léon tente de définir les espaces et les hypothèses de
base dans lesquels se trouvent les organisations privées et sociales
mexicaines. En même temps, il tente de définir aussi le
modèle traditionnel qui prévaut dans les structures
organisationnelles bureaucratiques du pays.
Pour Léon Duarte, le grand défi pour les
universitaires ainsi que pour les chercheurs et les praticiens de la
communication organisationnelle au Mexique est de « ne pas se contenter de
ces ambiguïtés s'ils veulent contribuer à améliorer
le fonctionnement des organisations dans les différents secteurs
productifs » (Léon Duarte, 2006). En parlant
d'ambiguïtés, il fait référence à la
compréhension du binôme organisation/communication qui est souvent
simplifié dans les études techniques de la communication. L'autre
extrême de cette simplification consiste à traiter la
communication comme un phénomène psychologique/théorique
sans contact avec l'organisation. L'organisation et la communication doivent
faire l'objet d'une réflexion spécifique mais aussi d'un ensemble
montrant leur lien et leur relation d'interdépendance. (Léon
Duarte, 2006)
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Toujours selon León Duarte (2006), il existait
historiquement trois types de communication organisationnelle au Mexique
jusqu'au moment de sa recherche :
a) La communication interne (c'est là que le message
circule dans les directions suivantes : verticale vers le bas, verticale vers
le haut et horizontale) ;
b) La communication externe (c'est celle des entreprises
privées/publiques) ;
c) La communication commerciale (dont le but est d'informer
les utilisateurs ou les clients potentiels des caractéristiques de
l'organisation, de ses produits ou des services qu'elle vend).
Ce constat fait rejaillir une question concernant cette
recherche : comment cette division des types de communication organisationnelle
fonctionnerait-elle dans le cas des organisations religieuses ?
La communication interne de l'église serait
orientée vers la coexistence des membres, leurs activités, les
ateliers, la formation et l'expérience de leur religiosité en
communauté. Quant à la communication externe de l'église,
elle serait orientée vers la recherche de nouveaux adeptes, le
prosélytisme et l'établissement d'une image publique et d'une
réputation dans la société.
Mais aujourd'hui, nous ne parlons plus d'une division nette,
tout comme l'avance León Duarte (2006). La communication
organisationnelle peut désormais être comprise à travers
trois axes continus et interdépendants dont l'un ne vaut que par l'autre
: la marque, l'identité et la productivité.
Par marque, j'entends, comme le précise Pete Laver, une
réputation présente sur un marché donné qui
possède une identité unique, cette identité étant
à l'origine de la marque elle-même. La marque est exprimée
dans une image de l'organisation à travers la perception des
consommateurs et qui fournit une valeur compétitive au produit de
l'organisation sur le marché (Laver, 2005 :17).
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Les trois axes sont intrinsèquement liés et
contribuent à ce que des domaines spécifiques de l'organisation
travaillent en même temps, en termes de communication organisationnelle,
pour tous les domaines de l'organisation.
L'identité est fondamentale pour provoquer
l'identification avec les publics. La productivité, quant à elle,
fait référence au fait que cette organisation fournit un certain
produit qui génère du profit ou de la rentabilité en
fonction de ses objectifs.
Ce qui était autrefois divisé en communication
interne, externe et commerciale peut maintenant être mieux compris
à partir de cette vision d'une communication organisationnelle moins
rigide, plus fluide et flexible, avec des axes qui se connectent et contribuent
ensemble à ce qui était autrefois des secteurs
séparés de communication interne, externe et commerciale.
Les travaux de Federico Martínez-Creixell « Les
systèmes de signification comme facteurs de qualité du dialogue
dans la communication interculturelle. Négociations entre entrepreneurs
mexicains et américains dans le secteur du tourisme à Los Cabos
B.C.S. » rassemble des informations sur l'état de l'art de la
communication organisationnelle d'un point de vue plus lié aux questions
commerciales et moins communicatif, à mon avis.
Néanmoins, un aspect intéressant et très
précieux des travaux de Federico Martínez-Creixell est son
analyse de la dimension communicative de la culture comme « un ensemble de
systèmes partagés de symboles, de signes, d'emblèmes et de
signaux » qui permettent un accord social au sein d'un groupe
(Giménez, 2007). En utilisant cet argument, Federico
Martínez-Creixell relie en fait le contexte dans lequel deux cultures
ayant des significations différentes utilisent la communication pour
reconnaître leurs différences d'intérêt. Dans cette
étude, il s'agit du domaine des affaires pour la prise de
décision.
Autrement dit, Federico Martínez-Creixell parle de la
culture d'une église qui s'aligne à celle des personnes qui
assistent à ses réunions, ce qui se produit par le biais de la
communication organisationnelle, reliant ainsi la culture de l'église
à celle des individus. En affirmant cette compréhension du
phénomène, je m'aligne sur les points de vue de Miquel Rodrigo
Alsina
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(Rodrigo, 1999) et de Néstor García Canclini
(García Canclini, 2004) qui ont appelé ce type de relation
culture-identité « la communication interculturelle ».
Ce qui doit se comprendre de la communication
organisationnelle interculturelle, c'est que ce type de communication permet
à l'église et aux individus d'atteindre
l'interculturalité.
La pluralité et la
multiréférentialité sont souvent écartées
dans les discours - même de nature scientifique - quand il s'agit de
religion et encore parfois de culture. L'interprétation des faits
religieux par le réductionnisme conduit généralement
à des dogmatismes et à des extrémismes qui peuvent
s'avérer dangereux.
Pourtant, les conditions de production de la religion
relèvent, entre autres, de la communication et donc de
l'altérité dans un espace socioculturel. La logique
d'appartenance ou de référence n'est pas le seul
déterminant d'une religion, il y aussi une logique relationnelle qui
serait à prendre en compte, puisqu'une religion n'existe pas en dehors
des individus qui la portent et l'actualisent.
La démarche interculturelle est donc de plus en plus
utilisée pour traiter des religions. Elle permet de reconnaître
leur pluralité (comme pour les cultures), mais surtout leur dynamique et
leurs interactions, en s'efforçant d'en rendre compte d'une
manière objective.
En effet, il s'agit de montrer comment les interactions sont
à même de concourir au respect et à l'enrichissement
mutuel, afin de dépasser les rapports de domination et surtout de rejet.
À cette fin, la démarche interculturelle, prise dans le contexte
de la communication, surtout organisationnelle, permet une prise de distance,
c'est-à-dire une décentration, mais aussi un questionnement
réciproque de recherche de vérité dans la communication,
afin de dépasser les visions ethnocentriques du monde.
Dans le cadre d'une communication interculturelle, ces deux
dimensions correspondent à la nécessité d'une connaissance
plurielle et l'expérience du « vivre ensemble » (Rey-von
Allmen, 2004, p. 69). Il devient alors intéressant de questionner, non
pas les dogmes ou les informations « objectives », mais les contextes
d'émergence et les processus qui permettent
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de comprendre, non pas la religion, mais les conditions
sociales, interculturelles et donc relationnelles qui les portent et les
transforment (Abdallah-Pretceille, 2005).
La communication organisationnelle permet cette
interculturalité à travers des processus de dialogue et de flux
d'informations de l'institution vers les individus, partageant leur
identité et leur réputation, reconnaissant l'utilisation et la
place des dialogues dans les structures de socialisation. Ces structures sont
considérées dans le travail de Federico Martínez-Creixell
comme des structures de négociation.
Pour sa recherche, Federico Martínez-Creixell a
considéré la proposition sur les cultures et les identités
sociales de Gilberto Giménez (Giménez, 2007) et la
compréhension de la culture dans les organisations d'Edgar Schein
(Schein, 1999).
De son côté, Martinez aborde la communication
ouverte/non ouverte en analysant la volonté d'un groupe d'entreprises
d'exposer ses systèmes culturels dans les structures et
opérations de négociation, ainsi que les stratégies qu'il
utilise pour réussir.
La communication ouverte et non ouverte renvoie à une
négociation identitaire dans laquelle, selon Melucci, « les membres
d'un groupe se mettent en relation les uns avec les autres afin de construire
les éléments constitutifs de leurs actions, ainsi que les fins,
les moyens et le champ d'action dans lesquels ils déploient leur
production de sens, en manifestant leurs systèmes de signification
» (Giménez, 2007). Je relie cela au fait que les membres d'une
institution religieuse sont en relation les uns avec les autres afin de
construire à partir de leur église et de la culture de leur
église une production de sens qui manifeste un système de
signification. Celui-ci n'est en fait envisageable qu'à travers six
composantes que j'ai pu identifier : information, convivialité,
participation, fédération, implication, identification. Je sais
que ces composantes sont difficiles de hiérarchiser dans leur relation
de cause à effet tant et si bien qu'à ce stade, il faudrait donc
considérer ces dimensions comme interactives. C'est-à-dire que
chacune agit sur les autres et que la valeur ajoutée résultante
est celle de toutes les dimensions dans leur globalité. Je prendrai le
soin de revenir sur ces six dimensions dans les chapitres suivants.
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