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Vulnérabilité des ressources en eau et sociétés insulaires de Basse-Casamance dans un contexte de variabilité climatique: exemple de l'accès à  l'eau potable à  Carabane (commune de Diembéring), Diogué et Niomoune (commune de Kafountine)


par Pape Samba DIOP
Université Cheikh Anta Diop - Master 2020
  

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CONCLUSION DEUXIEME PARTIE

En résumé, l'analyse des facteurs à l'origine des modifications environnementales en Basse-Casamance insulaire laisse apparaitre plusieurs enseignements du milieu. D'abord, la variabilité climatique en particulier la péjoration pluviométrique a fortement influencé le fonctionnement hydrologique de la région avec les phénomènes d'hypersalinisation du réseau hydrographique. Ainsi, il en a découlé une augmentation de la salinité du fleuve notamment dans la partie avale. Ceci est exacerbé par une topographie relativement faible et une érosion côtière sans précédent déplaçant l'influence marine jusqu'à l'intérieur des terres menaçant ainsi la disponibilité en eau douce des îles en particulier. Cet état de fait constitue un enjeu conséquent par rapport à la vulnérabilité des ressources en eau douces notamment l'accès à l'eau potable pour les populations insulaires. Cette problématique liée en grande partie à la salinisation du potentiel hydrique (ressources en eau superficielles et souterraines) influe sur la qualité et par conséquent sur la quantité de la ressource en eau potable disponible.

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TROISIEME PARTIE: ACCES A L'EAU ET GESTION DE LA RESSOURCE DANS LES ILES DE NIOMOUNE,

DIOGUE ET CARABANE

TROISIEME PARTIE :

ACCES A L'EAU ET GESTION DE LA RESSOURCE
DANS LES ILES DE NIOMOUNE, DIOGUE ET
CARABANE

« L'eau douce est l'un des premiers besoins ; dans Molène, il n'y a qu'un puits où on en peut puiser [...] ; ce puits manquant, l'île deviendrait inhabitable ».

Cahier de doléances de l'île de Molène, 1789.11

11 Chiron T. (2007) : Quelle gestion durable des ressources en eau et du risque de pénurie sur les petites îles ? Application aux îles de Bretagne (France) ; Thèse de Doctorat ; Université de Bretagne Occidentale Institut Universitaire Européen de la Mer Laboratoire Géomer LETG - UMR 6554 CNRS

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DIOGUE ET CARABANE

CHAPITRE V : ACCES A L'EAU POTABLE DANS LES ILES

DE NIOMOUNE, DIOGUE ET CARABANE

« Aucune société au monde ne peut prétendre à un développement durable si elle ne résout pas a priori la problématique de la ressource d'eau douce aussi bien sur le plan de l'approvisionnement de sa population en quantité et en qualité [...] ».12 L'accès à une eau potable de quantité et de qualité a été déclaré comme un droit fondamental à tout être humain et est inscrite dans les plus grandes préoccupations internationales notamment dans les perspectives de développement durable. De ce fait, l'adoption des 17 ODD en 2015 par les Nations-Unies en 2015 a marqué un tournant décisif dans la gestion des ressources. De là, l'accès à l'eau potable occupe une place fondamentale où il partage l'ODD6 avec l'assainissement et l'hygiène. Ces ODD remplacent ou complètent les OMD dont le Sénégal avait affirmé leurs atteintes deux ans avant même leur date d'échéance. Placé en ODD6.1, l'objectif est d'assurer d'ici 2030 l'accès universel et équitable à l'eau potable, à un coût abordable. Cet objectif est beaucoup plus pertinent que l'OMD7 qui visait à réduire de moitié la proportion de la population qui ne bénéficiait ni d'eau potable ni d'assainissement. De ce fait, l'ODD6.1 vise un accès universel et équitable de tous.

Figure 34: service d'approvisionnement d'eau potable géré en toute sécurité (ODD6.1)

par JMP, 2017

L'atteinte de cet objectif, plus précisément l'ODD6.1, devra donc remplir un certain nombre de

critères de telle sorte le point d'eau soit accessible à domicile, que l'eau soit disponible au besoin, et que l'eau fournie soit exempte de toute contamination pour que l'accès soit considéré comme universel et équitable (JMP, 2017). En effet, l'accès à l'eau potable a été mesuré suivant les critères définis par l'OMS et l'UNICEF dans un rapport thématique sur l'eau potable de Joint Monitoring Program de 2017 et qui servent de référence en la matière. Selon ce rapport, plusieurs critères d'accès à l'eau potable peuvent être appréciés :

12 Pierre Ndour (2008) : Etude hydropluviometrique des bassins- versants de l'arrondissement de Fimela : cas de la Vallee de Boyard ; Mémoire de Maitrise ; UCAD

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DIOGUE ET CARABANE

V' L'accès est optimal si le ménage utilise un service d'alimentation en eau potable géré en toute sécurité. Dans ce cas, l'eau provient d'une source améliorée13 située sur place et disponible en cas de besoin, exempte de contamination de matières fécales et des produits chimiques d'intérêt prioritaire.

V' En revanche, si le point d'eau amélioré se situe à proximité du domicile (un trajet complet, y compris le temps d'attente, de moins de 30 minutes), le service est considéré comme « élémentaire ».

V' Si un ménage utilise un point d'eau amélioré qui ne se situe pas à proximité du domicile (soit un trajet complet, y compris le temps d'attente, de plus de 30 minutes), alors il dispose d'un service dit « limité ».

V' Cependant il a un accès « non amélioré » lorsque l'eau provient d'un puits non protégé ou d'une source non protégée

Ces différents critères mettent en exergue plusieurs disparités dans l'accès à ce liquide précieux. Selon qu'il s'agisse de milieux défavorisés ou de milieux développés, plusieurs inégalités peuvent resurgir. Or d'après le JMP (2017) l'ODD6.1 se doit d'éliminer les inégalités sociales en matière d'accès à l'eau potable. Pour ce faire, les actions doivent se concentrer chez les minorités c'est-à-dire les populations à faible revenu ou démunies, car pour Sarr C. S. et al., (2017) le manque d'eau potable est synonyme de pauvreté. Selon lui, les milieux ruraux sont les plus vulnérables au manque d'accès à la denrée rare qui y présente le plus souvent un risque de santé.

Ces problèmes énumérés combinés à des facteurs géographiques et climatiques défavorables font de l'accès à l'eau potable en quantité et en qualité une problématique majeure en zone insulaire Basse-Casamançaise. Dans ces milieux les points d'eau disponibles sont le plus souvent des sources non protégées (puits non protégés, marres, ba houwen, etc.) qui nécessitent parfois un long parcours. En plus de cela, la qualité de l'eau de ces sources pose un problème en raison de l'avancée du biseau salé. Cependant, les seuls points d'eau améliorés et disponibles demeurent les cuves à impluvium (dont le nombre est relativement faible et nécessitant une bonne gestion) à Niomoune, un peu à Diogué et les quelques rares puits modernes protégés. Différentes sources d'approvisionnement sont exploitées par les populations qui en exercent plusieurs usages au moyen de techniques parfois contraignantes et avec un arsenal de savoir-faire afin de rendre potable l'eau.

13 Les points d'eau améliorés incluent les points d'eau raccordés par canalisations, les puits tubulaires ou forages, les puits protégés, les sources protégées, les eaux de pluie et les eaux conditionnées ou livrées.

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I. EAU ET USAGES DE L'EAU

I.1. Les différents points d'eau disponibles

Dans les îles étudiées, les opportunités d'accès à l'eau potable sont offertes par les puits, les eaux issues de la collecte pluviale dans l'ensemble des trois îles, les cuves à impluvium à Niomoune et un peu à Diogué, les marres et dans une certaine mesure par les Bahouwen14 à Niomoune. Sur ces différentes sources, deux sont permanents (puits et marres) et sont régulièrement soumis à l'influence marine et donc de l'avancée de la langue salée. Les deux autres précités sont des stratégies d'adaptation à la problématique d'accès à l'eau potable.

CONCESSIONS EN %

100%

40%

20%

60%

80%

0%

PUITS COLLECTE

EAU

PLUVIALE

94% 88%

CUVE A
IMPLUVIUM

61%

SOURCES

MARRES AUTRES FORAGES

17% 10%

1%

Figure 35: Sources d'approvisionnement en eau potable

Les points d'eau correspondent aux sources d'approvisionnement en eau potable et peuvent être réparties entre : les points d'eau améliorés et les points d'eau non améliorés

I.1.1. Les puits

Un puits est un ouvrage de captage vertical permettant l'exploitation de l'eau de la nappe, contenue dans les interstices ou dans les fissures d'une roche du sous-sol qu'on nomme aquifère. L'eau peut être remontée au niveau du sol grâce à un récipient (seau par exemple). Les puits représentent la source d'approvisionnement la plus convoitée dans ces îles. D'après les enquêtes réalisées, 94% des populations utilisent cette source. Elle est composée de deux catégories : les puits traditionnels et les puits modernes et/ou à motricité humaine.

Les puits traditionnels sont très fréquents surtout à Diogué, à Carabane, et au nombre de deux à Niomoune. Ils sont plus anciens, non protégés et forment le plus grand nombre de sources. Leur profondeur est faible (2 à 6m) et variable en fonction des zones. A cause de cette faible profondeur, la plupart d'entre eux sont soit abandonnés, soit utilisés pour les tâches ménagères en raison de leur contamination par les intrusions salines. Seulement un petit nombre parvient

14 les casiers creusés dans les rizières pendant la saison sèche et qui une eau douce

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DIOGUE ET CARABANE

jusqu'à présent à répondre à la boisson. Pendant l'hivernage, l'eau est très agitée avec les phénomènes d'éboulement et autres contaminations. La vulnérabilité de ces ouvrages réside sur leur absence de protection, leur tarissement fréquent pendant la saison sèche, les phénomènes d'éboulement, la salinisation des eaux, etc. Ces sources sont plus problématiques que les puits modernes qui sont protégés et moins contraignantes d'utilisation.

Photo 4: Puits localisés à côté de l'église de Carabane (à gauche) et à Niomoune (à droite)

(P. S. DIOP, 2020)

Contrairement aux puits traditionnels, les parois de ces puits sont tenues par des buses en béton armé et la profondeur est beaucoup plus importante. Ces sources sont en nombre extrêmement limité et sont localisés au niveau des établissements scolaires. Ils sont bien protégés et l'exhaure se fait à l'aide d'une poulie. De ce fait, ces sources peuvent être considérées comme des points d'eau améliorés. Cependant, certains d'entre eux présentent une salinité supérieure à la norme ou des caractères physico-chimiques indésirables.

I.1.2. Les mares

Les mares sont des étendues d'eaux naturelles stagnantes qui se trouvent le plus souvent dans des dépressions alimentées soit par une nappe phréatique proche de la surface soit directement par les apports pluviométriques. Dans tous les cas, le niveau de l'eau varie en fonction des pluies. 17% des concessions enquêtées utilisent cette source comme approvisionnement en eau. Connu sous le nom de « é houwa » à Niomoune ou « é bila » à Diogué, la mare constitue une source d'eau douce à Niomoune où elle est très sollicitée juste après l'hivernage pour les tâches ménagères (cuisine et autres tâches) et même pour la boisson d'après certains. Selon les populations de cette localité, ces sources qui se remplissaient en hivernage gardaient d'antan l'eau douce jusqu'en avril et aussitôt s'enchainaient les premières pluies de mai. Mais depuis l'installation de la sécheresse, celles-ci tarissent dès le mois de décembre ou alors leurs eaux deviennent salées juste à la fin des pluies ou encore la couleur change. Au niveau de Diogué, ces étendues existent mais ne sont pas sollicitées.

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Photo 5: La mare sacrée de Niomoune au quartier Some (P. S. DIOP, 2020)

Photo 6: Mare utilisé à la période de février au quartier Elou (Niomoune) (P. S. DIOP, 2020) I.1.3. Les cuves à impluvium

Les cuves à impluvium, ou citernes pour les habitants, sont des systèmes de captage et de conservation des eaux pluviales et ne sont présentes qu'à Niomoune (5 dont 2 fonctionnelles) et à Diogué (1 seul fonctionnel). Elles sont construites par des ONG au moyen des projets de développement afin d'aider les populations à disposer d'une eau potable pendant la saison sèche. Cette source peut être considérée comme un point d'eau amélioré selon l'OMS (2012).15 D'après les enquêtes réalisées, 61% des concessions s'approvisionnent dans les cuves à impluvium. Cette eau est exclusivement réservée à la boisson pour la majeure partie de la population enquêtée. Par conséquent, ces stockages ne parviennent pas à satisfaire les besoins des populations à cause de leur tarissement au milieu de la saison sèche. Le problème de l'entretien pose également défaut puisqu'à Niomoune, sur cinq cuves construites, seules deux sont fonctionnelles.

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15 https://www.who.int/water sanitation health/monitoring/jmp2012/key terms/fr/

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Photo 7: Cuve à impluvium à Diogué (P. S. Diop, 2020)

Photo 8: Cuve à impluvium à Niomoune (Source : A. Camara, 2003)

I.1.4. La collecte des eaux pluviales

La collecte des eaux pluviales se réfère à toutes les technologies qui récupèrent l'eau de pluie pour la rendre disponible à des fins domestiques.

Photo 9: Eau pluviale stockée à Diogué (P. S. DIOP, 2020)

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Cette eau est utilisée pour la boisson ou la cuisine après l'hivernage tout en passant le plus souvent par des méthodes de traitement comme le soulignent les populations et les ICP des différentes îles. Cette eau constitue la deuxième source d'approvisionnement la plus convoitée après les puits. En effet, 81% des concessions enquêtées utilisent cette source d'approvisionnement en eau.

I.1.5. « Ba houwen »

Les « ba houwen » sont de petits puits à faible hauteur creusés dans les casiers rizicoles après la récolte du riz. Ces puits substituent les autres sources en saison sèche. Ils sont le plus souvent rencontrés à Niomoune. L'eau collectée est parfois de qualité acceptable selon les populations interpellées et sert à divers besoins : la cuisine et les autres tâches ménagères. Certaines affirment qu'en fonction des milieux creusés, ce qui peut influer sur la qualité, ces sources peuvent même être utiles pour la consommation humaine si l'eau est traitée avec filtre et eau de javel.

Photo 10 :Ba houwen dans la rizière au quartier Houback (Niomoune) (P. S. DIOP, 2020)

I.1.6. Le forage

Ce type d'ouvrage n'existe qu'à Carabane. Il n'y a qu'un seul forage villageois, d'ailleurs en panne depuis 2019, ainsi que quelques forages privés servant d'approvisionnement à certains établissements touristiques. Seulement 1% de la population enquêtée affirme utiliser cette source. Ce qui laisse entrevoir que ce faible taux résulte de la panne du seul forage disponible et accessible à la population locale.

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Photo 11: Forage villageois en panne à côté du jardin des femmes (Carabane) (P. S. DIOP, 2020)

En résumé, nous pouvons dire que la majeure partie des populations des trois îles étudiées utilisent des points d'eau non améliorés pour leur approvisionnement en eau potable, ce qui peut présager un faible taux d'accès à cette denrée. Les quelques points d'eau améliorés existants sont soit des cuves à impluvium dont l'entretien pose problème, soit quelques rares puits protégés. Puisque les revenus des populations sont parfois très limités, nous pouvons supposer que l'absence de moyen justifie la faible présence des points d'eau améliorés. Et de plus, les cuves disponibles ont été réalisés avec l'appui d'ONG. Cet accès prend en compte également un facteur à savoir la disponibilité de la ressource, les formes d'usage, la distance parcourue et le coût nécessaire pour en disposer.

I.2. Disponibilité en eau potable

On entend ici par disponibilité celle de l'eau potable salubre et non celle de la ressource hydrique en général puisque celle-ci est en grande partie salée (bolons, fleuve, etc.). La disponibilité représente un critère fondamental dans l'évaluation du niveau des services d'alimentation en eau potable. Selon le JMP, l'ODD6.1 suggère une disponibilité à proximité du domicile d'un point d'eau fiable et approvisionné en quantité suffisante pour couvrir les besoins des ménages (besoin et tâches ménagères). De ce fait, l'approvisionnement doit être suffisamment continu pour permettre la collecte de quantités suffisantes pour satisfaire l'ensemble des besoins, sans compromettre la qualité de l'eau. De plus, pour apprécier cette disponibilité, l'OMS recommande un objectif de 35l par personne et par jour.

Cependant lorsque cette disponibilité pose problème, on peut sous-entendre qu'il y est plusieurs facteurs à l'origine. Puisque selon (Maslow, 2004) la quantité d'eau nécessaire pour assurer la

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survie et une bonne santé varie selon le climat, l'état de santé générale des populations touchées et leurs conditions physiques. Elle dépend aussi de la situation économique de la population, de leur niveau de développement et donc de tous les aspects d'inégalités. Ainsi, une population plus aisée ou développée utilisera beaucoup plus d'eau qu'une autre moins développée. Et aussi une population plus importante aura des besoins en eau beaucoup plus élevés que celle d'une faible population. Autant de disparités qui peuvent influencer la disponibilité en eau.

Dans les trois îles étudiées, la disponibilité est un fait aléatoire en raison de la vulnérabilité de la qualité et de la variabilité des précipitations. Ce qui amène Diatta M. C. B. C. (2008) à parler de pauvreté en eau dans ces milieux insulaires. En se basant sur la matrice de disponibilité en eau dans les milieux ruraux en Basse-Casamance en fonction des mois, il note que les villages insulaires à l'instar de Diogué et Carabane sont ceux qui capitalisaient les plus faibles seuils de pauvreté en eau des villages étudiés. Selon lui, cette faible disponibilité était déjà manifeste à partir du mois de mars à cause des phénomènes d'intrusion saline.

L'eau potable est-
elle disponible en
quantité
suffisante ?

Quantité d'eau
potable
disponible par
jour en bidon

Figure 36: Perception des usagers sur la disponibilité en eau potable

Ce phénomène souligné par Diatta M. C. B. C. (2008) était aussi mis en évidence par les populations enquêtées. En effet, 88% des concessions affirmaient ne pas disposer d'une quantité suffisante d'eau pour satisfaire leurs besoins quotidiens. Ces populations indiquent que cette pauvreté en eau est en grande partie liée à plusieurs problèmes notamment :

? Un manque de point d'eau amélioré c'est-à-dire des ouvrages de bonne qualité et disposant d'une eau de bonne qualité ;

? Du tarissement précoce de certains puits buvables ;

? De la faible présence des ouvrages de collecte d'eaux pluviales (cuves à impluvium). Partant du principe de l'OMS d'un besoin journalier de 35l/personne et compte tenu des observations de terrain, il est aisé de reconnaître que la ressource en eau potable n'est pas

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DIOGUE ET CARABANE

disponible en quantité suffisante. De plus, si l'on considère que la concession est composée de plusieurs ménages composés à leur tour de plusieurs occupants en moyens 4 ou 5 personnes, on peut donc supposer qu'une disponibilité d'au moins 140l est nécessaire pour pouvoir satisfaire aux besoins en eau potable de ces derniers. Cela fait une équivalence de 7 bidons de 20l. Or, comme il a été répertorié dans nos enquêtes, seules 10% des concessions affirmaient disposer d'une quantité comprise entre 100 et 150l par jour. Ce qui laisse supposer que la majeure partie des populations ne parviennent pas à satisfaire leurs besoins en eau potable journalier.

I.3. Mode de conservation des eaux

En fonction de l'éloignement ou non du point d'eau, la ressource en eau est stockée au préalable avant usage. Dans ces îles où la ressource est précieuse et difficile d'accès, l'économie ou la conservation de l'eau devient dès lors un impérieux besoin. Pour pallier cette demande en eau, les populations utilisent différents modes de conservation (Figure 37) pour le stockage de leur ressource. Ainsi, les bidons de 20 ou 60 litres sont les plus sollicités puisque 93% des concessions enquêtées utilisent ce mode de stockage. En plus des bidons, le vieux mode traditionnel (les canaris) demeure le deuxième moyen de conservation des eaux. Plus connus sous le nom de kabara ou kalouloum en Diola, ils ont longtemps servi de stockage des eaux avant même l'avènement des bidons. C'est un récipient traditionnel qui permet de garder l'eau et de rabaisser sa température. 60% des concessions enquêtées ont affirmé stocker leurs eaux dans ces récipients. Outre ces deux modes, on note également l'existence des fûts et bassines comme moyens de conservation. Ces deux récipients occupent successivement 40 et 32% de sollicitation de la part des concessions dans le cadre de leur conservation en eau.

CONCESSIONS EN %

100%

40%

20%

60%

80%

0%

Bidons Canaris Fûts Bassines

93%

60%

RÉCIPIENTS

40% 32%

Figure 37: Mode de conservation des eaux

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Photo 12: Formes de conservation des eaux (P. S. DIOP, 2020)

85

86

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DIOGUE ET CARABANE

1.4 Différents usages de l'eau

Les usages de l'eau sont multiples notamment domestique, agricole, pastoral, etc. Dans ce travail, seuls les usages domestiques et pastoral ont été retenus et concernent : la boisson, la cuisine, les autres tâches ménagères (lessive, bain, etc.) et le bétail. En fonction de ces usages, les points d'eau sollicités diffèrent :

? La boisson : L'usage de l'eau pour ce besoin est la fonction première en tant qu'élément de survie. Pour ce faire, une attention particulière doit être portée à la qualité de l'eau car elle cristallise de nombreux enjeux, notamment sanitaires. De même, un respect de la quantité recommandée se doit d'être appliqué. Ainsi, les points d'eau doivent être choisis en fonction de leur qualité, état et autres. Pour l'ensemble des îles étudiées, l'eau issue de la collecte pluviale reste la première source d'approvisionnement en eau de boisson avec une sollicitation de 70%. Ensuite, ce sont les puits qui occupent la deuxième place avec 56% suivi des cuves à impluvium (45%). Par ailleurs, au niveau de Niomoune, après les eaux de collecte, ce sont les cuves à impluvium qui constituent le deuxième point le plus sollicité ensuite viennent les puits. En outre, peu de gens affirment utiliser l'eau des mares pour la boisson (4%).

Cette répartition est également faite en fonction de l'insuffisance de la quantité et de la qualité de la ressource qui est aléatoire. Ce qui impose un choix entre les différents points d'eau disponibles. Puisque la quantité des eaux collectées et celle des cuves (car étant considérée comme l'eau de bonne qualité) restent limitées, les populations sont obligées de faire recours aux puits (de qualité moyenne) pour compenser leur besoin en eau de boisson.

78%

4% 3%

56% 45%

100%

80%

60%

40%

20%

0%

Eau pluviale Puits Cuve à

impluvium

Points d'eau

Forage Mares

CONCESSIONS EN %

Figure 38: Points d'eau utilisés pour la boisson

? La cuisine : l'alimentation constitue le deuxième usage de l'eau potable. Dans cette activité l'eau des puits est la plus utilisée en raison de la négligence du sel. En effet puisque la plupart des activités culinaires nécessitent du sel, l'eau des puits devient dès lors d'utilité incontournable. Cette eau est utilisée pour la cuisine par 91% des concessions enquêtées. Ensuite c'est l'eau issue de la collecte pluviale qui est sollicitée avec 25%.

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Concessions en °h

100%

40%

20%

60%

80%

0%

Puits Eau pluviale Mares Cuves à

impluvium

91%

25%

Points d'eau

9% 9%

Figure 39: Points d'eau utilisés pour la cuisine

Autres tâches ménagères : les besoins en eau pour les tâches ménagères sont assurés par les puits. En réalité, 95% des concessions affirmaient que dans un contexte d'économie d'eau, l'eau des puits était plus sollicitée pour le bain, la lessive, la vaisselle ou les autres tâches. Pour ce qui est de Niomoune, les mares aidaient à substituer les puits pour cet usage. Cependant, lorsque certains besoins surgissent la nuit ou dans certaines conditions, le stock d'eau de pluie est utilisé pour ces tâches ménagères énumérés.

Puits Eau pluviale Mares Cuve à

impluvium

Points d'eau

Concessions en °h

100%

40%

20%

60%

80%

0%

95%

16% 15% 7%

Figure 40: Points d'eau utilisés pour les tâches ménagères

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"Piètre disciple, qui ne surpasse pas son maitre !"   Léonard de Vinci