CONCLUSION PARTIELLE
L'environnement physico-humain Basse-Casamançais est
plein de diversités qui rythment le fonctionnement des
socio-écosystèmes dans cette zone. Cet ensemble de
paramètres lui confère un certain nombre d'atouts (nature
prospère, diversité culturelle, etc.) mais également des
contraintes qui influent sur le développement et l'épanouissement
de ces socio-écosystèmes (enclavement, hypersalinité). Ces
contraintes même si certaines d'entre eux ne sont récentes, sont
suffisamment importantes pour modifier les conditions environnementales.
42
DEUXIEME PARTIE : ANALYSE DES VARIATIONS ENVIRONNEMENTALES
RECENTES EN
BASSE-CASAMANCE INSULAIRE
DEUXIEME PARTIE :
ANALYSE DES VARIATIONS ENVIRONNEMENTALES RECENTES EN
BASSE-CASAMANCE
RECENTES EN BASSE-CASAMANCE INSULAIRE
INSULAIRE
La présentation du milieu physique notamment l'analyse
des paramètres climatiques a pour finalité la connaissance des
transformations environnementales à travers l'évolution de la
salinité et la variabilité climatique au cours des
dernières décennies. De ce fait, analyser ces deux
phénomènes nous parait nécessaire pour comprendre leur
potentielle implication sur la dégradation de la qualité des
eaux. Cette partie comporte entre autres, l'analyse des facteurs de la
variabilité climatique au cours de ces dernières décennies
ainsi que l'évolution de la salinité sur la partie avale du
fleuve.
43
DEUXIEME PARTIE : ANALYSE DES VARIATIONS ENVIRONNEMENTALES
RECENTES EN
BASSE-CASAMANCE INSULAIRE
CHAPITRE III : ANALYSE DE VARIABILITE CLIMATIQUE
Le climat régit les fonctions les plus essentielles de
la société. Il détermine notre condition d'existence et
d'adaptation. Ainsi, des changements de climat peuvent entraîner des
perturbations dans un système économique et social existant et
avoir une importance critique pour de grandes populations (White, 1986,
cité par Mahé G., 1992). Compte tenu de ses effets majeurs sur
les ressources en eau, la compréhension de sa variabilité est
essentielle afin de tenter d'appréhender sa dynamique actuelle et
future. De ce fait, ce chapitre se propose de présenter une brève
analyse de cette variabilité dans l'estuaire de la Casamance, en
particulier dans sa zone côtière avec pour finalité la
connaissance de son évolution, au courant du siècle, qui
conditionne en partie la transformation du milieu naturel. Les manifestations
de cette variabilité en Basse-Casamance trouvent leur pertinence, selon
Sané T. et al. (2010), dans les déficits
pluviométriques plus ou moins importants et dans l'augmentation des
températures.
Ainsi, l'analyse de la pluviométrie dans ce milieu
amphibie permettra de fixer les grandes phases de son évolution ainsi
que les tendances actuelles. Pour ce faire, la station synoptique de Ziguinchor
ainsi que les postes pluviométriques d'Oussouye et de Diouloulou ont
retenu notre attention. Le choix de ces stations réside non seulement du
fait qu'elles disposent d'une série assez longue et fiable (1939-2018
pour Oussouye et Ziguinchor et 1950 à 2018 pour Diouloulou) mais
également de la pertinence de leur localisation.
Pour l'étude de l'évolution des
températures, la station synoptique de Ziguinchor fera l'objet d'une
analyse car constituant la seule référence qui dispose d'une
série assez longue (19612018). Plusieurs analyses, indicateurs et tests
seront exploités afin de mieux avoir une lecture de la tendance des
précipitations. Pour rappel, ces tests et méthodes
appliqués cherchent à caractériser la variabilité
climatique dans la zone maritime de la Basse-Casamance.
I. ANALYSE DE LA VARIABILITE PLUVIOMETRIQUE
Pour apprécier l'influence des précipitations
sur l'évolution de la qualité des ressources en eau, une analyse
de la variabilité de celles-ci s'impose. En outre, la répartition
interannuelle des précipitations est à la fois témoin et
acteur des variations climatiques (Mahé G., 1992).
En Basse-Casamance, l'importance des précipitations est
un des traits majeurs qui donne à cette région sa
personnalité biophysique et socio-économique. Celle-ci est
durement éprouvée ces dernières décennies par la
péjoration des conditions climatiques malgré une
légère amélioration de la pluviométrie,
notée plus récemment (Sané T., 2017). C'est ainsi que le
changement des
44
DEUXIEME PARTIE : ANALYSE DES VARIATIONS ENVIRONNEMENTALES
RECENTES EN
BASSE-CASAMANCE INSULAIRE
régimes pluviométriques observé à
partir des années 1970 a eu de nombreuses conséquences sur les
écosystèmes côtiers et sur l'écoulement fluvial. Ce
changement marqué par la succession des années sèches a
fait sensiblement reculer les limites tidales et le front de salinité
dans le fleuve Casamance et ses affluents (Diop E. S., 1986).
Ainsi, l'analyse des trois stations étudiées
démontre que la pluviométrie annuelle comprise entre 538mm et
2385,9mm soit une baisse de 77,5%. Ce qui dégage une forte
variabilité entre ces deux extrêmes suivant les saisons et ce
caractère variable s'observe à plusieurs niveaux. Pour
appréhender au mieux cette variabilité, nous étudierons
d'abord les indices normalisés, les méthodes statistiques de
détection d'éventuelle rupture et enfin l'évolution des
normales pluviométriques.
I.1. L'indice normalisé de précipitations
ou SPI (Standardized
Precipitation Index)
L'indice normalisé ou standardisé est couramment
utilisé dans l'analyse de la variabilité interannuelle de la
pluviométrie. Elle est populaire du fait de sa simplicité et de
son interprétation facile. Cet indice a été conçu
pour comprendre qu'un déficit de précipitations pouvait avoir de
multiples incidences sur la disponibilité des différents types de
ressources en eau et à de multiples échelles de temps (de
préférence sur 60ans voire plus) (OMM, 2012). Ces incidences
peuvent influencer les eaux souterraines, le stockage des réservoirs,
l'humidité du sol et le flux d'écoulement.
Adopté depuis 2009 par l'Organisation
météorologique mondiale (OMM), le SPI permet de mesurer les
sécheresses météorologiques. Défini par MCKEE
et al. (1993), il est une méthode à la fois simple et
puissante, basée sur les données pluviométriques, qui
permet d'établir des comparaisons entre la pluviométrie d'une
année avec la pluviométrie moyenne. Puisqu'il est
normalisé, il permet de représenter, en ce sens, les climats
humides et les climats arides en fonction de la valeur (positive ou
négative) de l'indice (Tableau 5). Un
événement de sécheresse se produit à chaque fois
que l'ISP est continuellement négatif, sa valeur atteint une
intensité de -1 ou moins, et se termine lorsque l'ISP devient positif.
Sa formule est la suivante :
Xi-Xm
Xi est le cumul de la pluie pour une
année i ;
Xm est la moyenne des pluies annuelles
observées pour une série donnée ;
Si, l'écart type des pluies annuelles
observées pour une série donnée.
45
DEUXIEME PARTIE : ANALYSE DES VARIATIONS ENVIRONNEMENTALES
RECENTES EN
BASSE-CASAMANCE INSULAIRE
Tableau 5: Valeurs de l'indice SPI
SPI
|
Caractéristiques
|
Station et postes
|
Nombre d'observations
|
2,0 et plus
|
Extrêmement humide
|
Ziguinchor
|
0
|
Oussouye
|
3
|
Diouloulou
|
3
|
1,5 à 1,99
|
Très humide
|
Ziguinchor
|
5
|
Oussouye
|
3
|
Diouloulou
|
1
|
1,0 à 1,49
|
Modérément humide
|
Ziguinchor
|
6
|
Oussouye
|
8
|
Diouloulou
|
5
|
-0,99 à 0,99
|
Proche de la normale
|
Ziguinchor
|
51
|
Oussouye
|
51
|
Diouloulou
|
47
|
-1 à -1,49
|
Modérément sec
|
Ziguinchor
|
7
|
Oussouye
|
11
|
Diouloulou
|
7
|
-1,5 à -1,99
|
Très sec
|
Ziguinchor
|
7
|
Oussouye
|
3
|
Diouloulou
|
5
|
-2 et moins
|
Extrêmement sec
|
Ziguinchor
|
4
|
Oussouye
|
1
|
Diouloulou
|
1
|
Source : OMM, 2012, modifié Les Figure
12, Figure 13 et Figure 14,
ci-dessous mettent en exergue l'évolution des anomalies
normalisées aux stations de Ziguinchor, Oussouye et Diouloulou, ainsi
que la moyenne mobile sur 80 ans permettant d'évaluer les fluctuations
au cours de la période 19392018. Celle-ci est marquée par une
alternance de périodes humides et sèches comme la plupart des
régions d'Afrique de l'ouest non-sahélienne (Lubes-Niel H. et
al., 1998a). Pour plus de pertinence dans l'analyse de ces variations, des
méthodes statistiques de détection d'éventuelles ruptures
de stationnarité dans notre série chronologique (1939-2018) sont
appliquées afin de mieux comprendre leur dynamique.
46
DEUXIEME PARTIE : ANALYSE DES VARIATIONS ENVIRONNEMENTALES
RECENTES EN
BASSE-CASAMANCE INSULAIRE
SPI
-0,5
-1,0
-1,5
-2,0
-2,5
2,5
2,0
0,5
0,0
1,5
1,0
1939 1942 1945 1948 1951 1954 1957 1960 1963 1966 1969 1972 1975
1978 1981 1984 1987 1990 1993 1996 1999 2002 2005 2008 2011 2014 2017
ANNEES
Années humides Années sèches 2 Moy. mobile
sur pér. (Années humides)
PERIODE HUMIDE
PERIODE SECHE
LEGER RETOUR
Figure 12: Evolution des anomalies
pluviométriques à Ziguinchor de 1939 à 2018
SPI
-1,0
-2,0
-3,0
2,0
3,0
0,0
1,0
1939 1942 1945 1948 1951 1954 1957 1960 1963 1966 1969 1972 1975
1978 1981 1984 1987 1990 1993 1996 1999 2002 2005 2008 2011 2014 2017
ANNEES
Années humides Années sèches 2 Moy. mobile
sur pér. (Années humides)
PERIODE HUMIDE
PERIODE SECHE
Figure 13: Evolution des anomalies
pluviométriques à Oussouye de 1939-2018
SPI
-1,0
-2,0
-3,0
2,0
3,0
0,0
1,0
ANNEES
Années humides Années sèches 2 Moy. mobile
sur pér. (Années humides)
1950 1952 1954 1956 1958 1960 1962 1964 1966 1968 1970 1972 1974
1976 1978 1980 1982 1984 1986 1988 1990 1992 1994 1996 1998 2000 2002 2004 2006
2008 2010 2012 2014 2016 2018
PERIODE HUMIDE
PERIODE SECHE
Figure 14: Evolution des anomalies
pluviométriques à Diouloulou de 1939-2018
Cette analyse de la stationnarité de la série,
est devenue selon Lubès-Niel H. et al., (1998a) un enjeu
fondamental dans l'identification de la variabilité climatique et de ses
impacts sur les ressources en eau. Deux méthodes ont été
privilégiées dans ce travail notamment le test de
47
DEUXIEME PARTIE : ANALYSE DES VARIATIONS ENVIRONNEMENTALES
RECENTES EN
BASSE-CASAMANCE INSULAIRE
Pettitt et la procédure de Segmentation de Hubert. Ces
tests sont plus adaptés à la détection ou non de rupture
dans une série chronologique. Une rupture peut être définie
de façon générale par un changement dans la loi de
probabilité de la série chronologique à un instant
t, le plus souvent inconnu.
Le test de Pettitt, dérivé du test de
Mann-Whitney, consiste à découper la série principale de N
éléments en deux sous-séries à chaque instant t
compris entre 1 et N-1. La série principale présente une
rupture à l'instant t si les deux sous-séries ont des
distributions différentes. L'hypothèse nulle H0 de non rupture
est testée au moyen d'un test non paramétrique. Cependant,
Pettitt suggère que pour un risque a de première
espèce donné, H0 est rejetée si cette probabilité
est inférieure à a. Dans ce cas, la série
présente une rupture au temps T= t définissant KN. Le
test est plus particulièrement sensible à un changement de la
moyenne (Lubès-Niel H. et al., 1998b). Ainsi, dans l'ensemble
des stations étudiées, l'hypothèse H0 du test de Pettitt
est rejetée aux trois seuils de confiance de 99%, 95% et 90% mettant en
évidence l'existence d'une rupture de stationnarité dans notre
série chronologique (Tableau 6). L'année 1967
correspondait à l'année de rupture dans les stations de Oussouye
et Ziguinchor tandis que pour Diouloulou, elle a été un peu
tardive (1970). Ces dates marquent une rupture dans la série
chronologique comme l'atteste le test de Pettitt. En effet, quel que soit la
station étudiée, la tendance à la baisse des
précipitations s'est généralisée à partir de
l'année 1968. Il en ressort de ces analyses que la rupture
pluviométrique la plus significative est apparue à la fin des
années 1960 et début 1970. Si le Tableau 6 met
en exergue les années de rupture, le Tableau 7 quant
à lui permet de montrer les différentes saisons, le nombre de
périodes existantes ainsi que leur moyenne et écart type. Ces
périodes constituent les sous-séries ou segments correspondants
aux périodes d'avant et après rupture.
Tableau 6: Variable du test de Pettitt
Stations
|
Test de Pettitt
Hypothèse H0 (absence de rupture)
|
Année de rupture
|
Ziguinchor
|
Rejetée aux 3 seuils de confiance
|
1967
|
Oussouye
|
Rejetée aux 3 seuils de confiance
|
1967
|
Diouloulou
|
Rejetée aux 3 seuils de confiance
|
1970
|
La procédure de Segmentation de Hubert a pour principe
de chercher un meilleur découpage de la série soumise à
l'analyse en sous séries contiguës. Pour chaque sous-série
de segments, la meilleure segmentation est celle qui minimise une distance
égale à la somme des écarts quadratiques entre chacune des
valeurs de la série et sa moyenne locale.
48
DEUXIEME PARTIE : ANALYSE DES VARIATIONS ENVIRONNEMENTALES
RECENTES EN
BASSE-CASAMANCE INSULAIRE
On contrôle la pertinence d'une segmentation en
vérifiant que la différence entre toutes les moyennes locales
contiguës prises deux a deux est significative, ce qui est
réalisé au moyen du test de Scheffe, pour lequel un niveau de
signification devra être défini (Hubert H. et al.,
1998b).
Tableau 7: Segmentation d'Hubert (Niveau de signification
du test de Scheffé = 1%)
Stations
|
Segmentation
|
Moyenne (P(mm))
|
Ó
|
Début
|
Fin
|
Ziguinchor
|
1939
|
1967
|
1526,1
|
251
|
1968
|
2007
|
1214,7
|
279
|
2008
|
2018
|
1521,2
|
160
|
Oussouye
|
1939
|
1967
|
1685,3
|
358
|
1968
|
2018
|
1259
|
250
|
Diouloulou
|
1950
|
1967
|
1476,3
|
247
|
1968
|
2018
|
1076,7
|
263
|
Dans l'ensemble des trois stations, plusieurs périodes
peuvent se distinguer en fonction des
différentes stations. Ces particularités
correspondant aux découpages de la série d'Hubert
(Tableau 7) illustrent au mieux les
différentes alternances de périodes dans les stations
d'étude.
y' La série 1950-1967 constituant la période la
plus humide avec des valeurs exponentielles, représente le premier
segment dans toutes les trois stations. Cette période marque, en effet,
l'époque que d'aucuns appellent de pluvieuse (Brunet-Moret Y., 1970 ;
Diop E. S., 1986 ; Dacosta H., 1986 ; Mahé G., 1992 ; Cormier-Salem M.
C., 1992 ; ...) car étant marquée par des années
très excédentaires (Descroix L. et al., 2015b). Par
exemple, sur 38 années humides dans toute la série des 80 ans
à Oussouye et Ziguinchor, plus de la moitié (21) se sont
situées dans cette courte époque de 29 ans avec des maxima
pouvant dépasser les 2000m de cumuls annuels. Pour ainsi dire que
l'essentiel des grands maximums pluviométriques se situe durant cette
phase. Ce qui montre tout simplement le fort potentiel précipitable de
ce temps. Toutefois, cette série présente parfois certains
déficits surtout au début (1939, 1942 pour Oussouye, et 1941,
1942, 1944, 1946 pour Ziguinchor) et à la fin (1959, 1963, 1966 pour
Oussouye et 1959, 1960, 1964 pour Ziguinchor). Ces derniers déficits
vont en effet annoncer une future série qui sera amorcée à
partir de 1967 dans toutes les stations d'étude excepté
Diouloulou où la rupture sera observée en 1970.
y' La série qui va s'en suivre sera celle de 1968-2007
pour la station de Ziguinchor et 19682018 pour le restant des autres (Oussouye
et Diouloulou). Cette période est considérée comme
étant la plus catastrophique en raison de l'intensité des
déficits et de la gravité des conséquences qui en ont
découlé. Le nom donné à cette calamité est
plus connu sous l'appellation de sécheresse.
49
DEUXIEME PARTIE : ANALYSE DES VARIATIONS ENVIRONNEMENTALES
RECENTES EN
BASSE-CASAMANCE INSULAIRE
En effet, pour l'OMM (2012), la sécheresse est un
fléau insidieux qui découle d'une baisse des
précipitations par rapport à des niveaux considérés
comme normaux. Quand le phénomène se prolonge, ou au cours d'une
période plus longue encore, les précipitations sont insuffisantes
pour répondre aux besoins de l'environnement et des activités
humaines. La sécheresse des années 1968-1990 est toujours de
mémoire dans presque toutes les régions d'Afrique de l'ouest.
Sircoulon J. (1992) va même jusqu'à dire que c'est la plus longue
et la plus intense des trois sécheresses de ce siècle (1910-1916,
1940-1949 et 19681990) où les isohyètes interannuelles sont
redescendues vers le sud de plusieurs centaines de km et où les
déficits moyens sont de 20 à 30 %. Les déficits
pluviométriques qui ont été observés dans toutes
les trois stations d'étude ont eu de lourdes conséquences sur les
écosystèmes de Basse-Casamance notamment la dégradation
des ressources en eau avec les phénomènes de salinité
(Descroix L. et al., 2015a). Les moyennes de ces séries sont
respectivement de 1214,7 mm pour Ziguinchor (1968-2007) 1259 mm pour Oussouye
(1968-2018) et de 1076,7 mm pour Diouloulou (1968-2018). La faiblesse de ces
valeurs montre l'importance des déficits pluviométriques
enregistrés durant cette période.
? Même si un léger retour à la
pluviométrie normale est observé à la station de
Ziguinchor par rapport à la série considérée,
cependant ce phénomène n'est pas visible au regard des autres
stations (Oussouye et Diouloulou) qui semblent toujours garder la dynamique de
déficit. En effet, la série 2007-2018 à Ziguinchor est
marquée par la succession d'années excédentaires
entrecoupées parfois par quelques années déficitaires.
Ainsi, la moyenne de cette époque (1521m) témoigne un peu d'un
retour des conditions pluvieuses qui régnaient durant la période
humide des années 1939-1967. Cependant, les cumuls de cette
période (2008-2018) ne parviennent toujours pas à égaler
ceux d'auparavant. Et pour Descroix L. et al., (2015b) c'est
probablement à ce niveau de pluviométrie qu'il faut s'attendre
comme moyenne sur le long terme et intégrer le fait que les deux
décennies d'avant la sécheresse (en fait, les années
1951-1967) ont été très excédentaires, et ne
reflétaient pas une tendance durable.
I.4. Analyse des normales
pluviométriques
Selon l'OMM (2017), les normales climatiques ont deux
vocations principales. Elles constituent un point de comparaison avec les
observations récentes ou actuelles, tout en servant de base à de
nombreux jeux de données illustrant les anomalies climatiques. On peut
également s'y référer pour déterminer les
conditions auxquelles on peut s'attendre en un lieu donné.
50
DEUXIEME PARTIE : ANALYSE DES VARIATIONS ENVIRONNEMENTALES
RECENTES EN
BASSE-CASAMANCE INSULAIRE
Deux normales ont été choisies pour le
présent travail notamment la normale 1961-1990 et celle de 1981-2010. En
effet, pour l'OMM (2015), la première constitue une période de
référence dans le but de surveiller l'évolution du climat
dans le long terme, et la deuxième est une normale climatologique
standard officielle en vigueur.
Tableau 8: Caractéristiques des normales
pluviométriques des différentes stations
Stations
Normales (mm)
|
ZIGUINCHOR
|
OUSSOUYE
|
DIOULOULOU
|
Moyenne
|
Moyenne
|
Moyenne
|
1961-1990
|
1318
|
1289
|
1125
|
1981-2010
|
1266
|
1251
|
1039
|
1939-2018
|
1369,7
|
1413,9
|
1181,8
|
Le Tableau 8 permet d'illustrer la tendance
des différentes normales pluviométriques dans les stations
d'étude. Ainsi, l'analyse de ce dernier met en exergue la tendance
à la baisse des précipitations dans la zone d'étude au
regard des moyennes considérées. Ces moyennes confirment la
variabilité.
II. ANALYSE DES VARIATIONS DE LA
TEMPERATURE
La température peut être un facteur important sur
l'évolution de la qualité des ressources en eau. En effet, elle
influe sur les processus physico-chimiques dans l'eau, et par conséquent
sur la concentration de sel. Son augmentation dans l'eau favorise les
réactions chimiques avec le phénomène d'évaporation
et accélère les processus de salinisation des terres et des eaux.
Ainsi, l'analyse de l'évolution des fluctuations interannuelles de la
température moyenne (Figure 15) pendant la
période de 1961 à 2018 dégage une allure en dents de scie
marquée par une tendance à la hausse avec une moyenne de
27,6°C. Cette moyenne est sujette à des variations dans le temps.
Les plus fortes valeurs seront enregistrées durant l'année 2016
(30°C) tandis que l'année 1965 (26,1°C) sera l'année le
plus froid de la série. Ce qui atteste de la forte variabilité de
ce paramètre avec une hausse de 3,9°C. Cette tendance à la
hausse a été beaucoup plus manifeste à partir des
années 1980. En guise d'exemple, la moyenne de la période de
1961-1980 était de 26,8°C tandis que celle de 1980-2018 est de
28,1°C soit un excédent de 1,3°C. Les années 1998,
2005, 2010, 2012 et 2016 ont été les années les plus
chaudes dans la série d'étude avec des valeurs respectives 28,7,
29,1, 29,3, 30°C. Cette augmentation serait en effet, selon Sané T.
et al. (2010), en phase avec la tendance observée au niveau
mondial et selon laquelle les conditions thermiques connaitront d'avantage une
évolution croissante au cours des années voire des
décennies à venir. Ces prévisions sont également
corrélées par les travaux du GIEC (2013) et de l'OMM (2019). En
effet, pour le GIEC (2014), chacune de ces trois dernières
décennies a
51
DEUXIEME PARTIE : ANALYSE DES VARIATIONS ENVIRONNEMENTALES
RECENTES EN
BASSE-CASAMANCE INSULAIRE
été successivement plus chaude à la
surface de la Terre que toutes les décennies précédentes
depuis 1850. Les années 1983 à 2012 constituent probablement la
période de 30 ans la plus chaude qu'ait connue
l'hémisphère Nord depuis 1 400 ans. Ces changements touchant
à la fois les températures et les précipitations
perturbent les systèmes hydrologiques (GIEC, 2013).
T°C
29,0
28,0
27,0
26,0
25,0
24,0
31,0
30,0
1961 1963 1965 1967 1969 1971 1973 1975 1977 1979 1981 1983 1985
1987 1989 1991 1993 1995 1997 1999 2001 2003 2005 2007 2009 2011 2013 2015
2017
ANNEES
Figure 15: Evolution des températures moyennes
annuelles à Ziguinchor de 1961-2018 (source: ANACIM, 2019)
Au regard de cette évolution des moyennes thermiques,
il apparait clair qu'à partir de 1980 la tendance à la hausse
s'est manifestée de façon continue. De ce fait, une
intégration des moyennes décennales permet de voir au mieux
l'évolution de la température au cours des quatre
dernières décennies. La Figure 16 illustre cette
tendance avec les jeux de couleurs qui matérialisent
l'évolution.
Décennies
T°C
29,5
T°C moyenne décennale Moyenne de la série
(1961-2018)
1960 1970 1980 1990 2000 2010
29
28,5
28
27,5
27
26,5
26
25,5
Figure 16: Evolution des décennies thermiques
à Ziguinchor de 1961 à 2018
(source: ANACIM, 2019)
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DEUXIEME PARTIE : ANALYSE DES VARIATIONS ENVIRONNEMENTALES
RECENTES EN
BASSE-CASAMANCE INSULAIRE
Le graphique montre que chacune de ces décennies a
été beaucoup plus chaude que la précédente. En
fonction de la moyenne de la série 1961-2018, nous pouvons observer
qu'au-delà de la décennie 1980, toutes celles qui ont suivi sont
excédentaires. De plus, entre la décennie 1960 et celle 2010, il
a été observé une hausse de 2,1°C, ce qui montre
qu'en l'espace de 50 ans la température à Ziguinchor a connu une
hausse considérable.
En résumé, l'analyse de l'évolution des
précipitations tout comme celle des températures laisse
paraître une variabilité très significative à
l'échelle de temps considérée dans toute la zone
d'étude. Cette variabilité est manifeste non seulement avec la
succession d'années humides et d'années sèches
relativement longue mais également avec une hausse considérable
des variables thermiques. Ainsi, au regard de la documentation
effectuée, il apparait clair que ces deux paramètres influent de
façon considérable sur la dégradation de la qualité
des ressources en eau avec une augmentation significative de la salinité
par les processus d'évaporation. Pour ainsi dire, les déficits
pluviométriques des années de sécheresse ont fait reculer
les limites tidales favorisant les avancées du biseau salé
surtout en zone insulaire (Diop E. S., 1986). La hausse des températures
quant à elle accentue les processus évaporatoires avec
l'accumulation du sel dans les vasières, etc.
En effet, la péjoration climatique (comme le montre les
figures ci-dessus) qui s'est opérée dans tout le pays avec une
nette diminution des apports pluviométriques et une évolution des
températures a eu de nombreux impacts sur les
socio-écosystèmes côtiers en Basse-Casamance. Ainsi,
jusqu'à la fin des années 1960, le fleuve Casamance, moteur du
réseau hydrographique qui conditionne le milieu naturel de la zone,
suivait un fonctionnement «normal» ; c'est-à-dire, les apports
d'eau douce subsistaient même en début de saison sèche si
bien que les marées de salinités n'affectaient qu'en partie
l'ensemble du fleuve (Diop E. S., 1986). Mais, cette péjoration des
éléments climat va bouleverser le fonctionnement hydrologique de
ce cours d'eau et de ce fait, fragiliser des ressources naturelles. Ainsi
parle-t-on d'« estuaire inverse». Les conséquences qui en
découleront seront désastreuses tant sur l'environnement que sur
les activités socio-économiques : salinisation des eaux douces et
des terres, baisse des productions agricoles, en particulier rizicoles, ainsi
que la destruction ou la vulnérabilité de certains
écosystèmes (Sané T. et al., 2010).
Cette baisse de la pluviométrie d'environ 20% à
70% durant, la période 1968-1995 (sécheresse), combinée
à une évolution thermique, sera l'un des principaux facteurs de
la dégradation des écosystèmes en Basse-Casamance avec
l'augmentation de la salinité, la dégradation de la
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DEUXIEME PARTIE : ANALYSE DES VARIATIONS ENVIRONNEMENTALES
RECENTES EN
BASSE-CASAMANCE INSULAIRE
qualité des ressources hydriques entre autres. Le
déficit pluviométrique a également influencé la
réalimentation de la nappe superficielle qui est directement en contact
avec les eaux de surface salées et une hypersalinisation des bolons
qui parcourent l'ensemble des îles de la région. Ce qui
favorise une contamination des nappes superficielles du Continental Terminal,
de plus en plus atteintes par le biseau salé surtout dans les villages
insulaires, hypothéquant ainsi la disponibilité en eau douce de
ces populations (Decroix L. et al., 2015). L'eau est, en effet,
l'élément fondamental des paysages casamançais, qui
conditionne la répartition de la population et leurs
activités.
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RECENTES EN BASSE-CASAMANCE INSULAIRE
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